La campagne agricole 2024 au Sénégal s’annonce comme une année difficile, marquée par des défis climatiques, structurels et socio-économiques qui menacent la sécurité alimentaire et le bien-être des populations rurales. Alors que l’agriculture reste le pilier de l’économie sénégalaise, employant près de 70 % de la population active, la saison agricole actuelle reflète une réalité préoccupante.
Climat imprévisible et précipitations insuffisantes
Le principal facteur expliquant cette mauvaise campagne réside dans les irrégularités climatiques. À travers le pays, les agriculteurs ont rapporté des précipitations tardives et mal réparties. Dans certaines régions comme le Ferlo, Kaolack et Tambacounda, les pluies ont commencé tardivement, interrompant les semis et réduisant considérablement les rendements attendus. Par ailleurs, les épisodes de sécheresse prolongée ont asséché les cultures céréalières (mil, sorgho, maïs), qui constituent l’alimentation de base des ménages.
Ce phénomène s’inscrit dans une tendance plus large liée aux effets du changement climatique. L’absence de mécanismes efficaces pour s’adapter aux aléas climatiques exacerbe la vulnérabilité des agriculteurs sénégalais, déjà exposés à des ressources hydriques limitées et des sols de faible fertilité.
Problèmes structurels persistants
Outre le climat, les problèmes structurels freinent l’essor agricole. Les engrais, indispensables pour améliorer la productivité, sont devenus de plus en plus inaccessibles en raison de leur coût élevé et des retards dans leur distribution. De nombreux agriculteurs se sont retrouvés sans intrants à temps, compromettant la qualité et la quantité de leurs récoltes.
Par ailleurs, la mécanisation reste insuffisante. Dans les zones rurales, une majorité de cultivateurs dépend encore des outils traditionnels comme la houe et la daba, ce qui limite l’efficacité du travail et la capacité à exploiter de grandes superficies. Les politiques publiques, bien qu’existantes, peinent à répondre aux attentes en matière de modernisation du secteur.
Conséquences socio-économiques
Cette mauvaise campagne agricole a des répercussions profondes. Sur le plan économique, la baisse des rendements agricoles entraîne une hausse des prix des denrées alimentaires sur les marchés locaux, accentuant l’insécurité alimentaire. Déjà, certaines régions du pays signalent des pénuries de mil, riz et arachides, ce qui oblige les ménages à réduire leurs repas ou à recourir à des aliments moins nutritifs.
Les impacts sociaux ne sont pas moindres. Les jeunes, désillusionnés par les perspectives agricoles, continuent de migrer vers les centres urbains ou à l’étranger, laissant les villages de plus en plus désertés. Ce phénomène, bien que récurrent, semble s’intensifier dans le contexte actuel.
Quelles solutions pour l’avenir ?
Face à cette situation, des solutions s’imposent pour assurer une résilience durable du secteur agricole sénégalais :
1. Renforcer l’adaptation climatique : La promotion de cultures résistantes à la sécheresse et l’amélioration des systèmes d’irrigation sont nécessaires pour faire face aux aléas climatiques.
2. Réformer la chaîne de distribution des intrants agricoles : Il est urgent de garantir l’accès aux engrais et semences à des prix abordables et en temps opportun.
3. Moderniser les pratiques agricoles : L’introduction de technologies modernes, comme les tracteurs et autres machines agricoles, pourrait augmenter significativement les rendements.
4. Diversification économique : Encourager les activités non agricoles en milieu rural réduirait la dépendance excessive des populations à l’agriculture.
La campagne agricole 2024 au Sénégal nous rappelle l’urgence de réinventer le modèle agricole pour répondre aux défis du 21ᵉ siècle. Si rien n’est fait, les mauvaises récoltes risquent de devenir une norme, compromettant l’avenir de millions de Sénégalais qui tirent leur subsistance de cette activité essentielle.
Ardo Gningue
Activiste – Chroniqueur