Plus de 60 millions Fcfa, c’est le montant que les prévenus Ibrahima Hann et Thierno Ly auraient soutiré au commerçant, Attou Mbaye. Les différentes parties ont soldé leur compte à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar.
Une affaire d’escroquerie et de charlatanisme a été appelée, hier mardi, à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar. Au banc des accusés, il y avait les sieurs Ibrahima Hann et Thierno Ly. Ces derniers sont reprochés d’avoir utilisé des choses mystiques pour gruger des millions à un commerçant. Expliquant justement les faits, Attou Mbaye, a commencé par dire au tribunal qu’il vend des friperies à Colobane. C’est sur ces entrefaites qu’il a sollicité les services d’Ibrahima Hann pour qu’il lui formule des prières afin de fructifier son commerce. Mais contre toute attente, narre-t-il, son interlocuteur lui a remis de l’eau bénite pour se laver. « Depuis que j’ai commencé à utiliser le « saafara » qu’il m’a donné, j’ai complètement perdu la raison. Je faisais tout ce qu’il demandait sans même réfléchir », a confié le plaignant au tribunal. Poursuivant ses explications, il a indiqué avoir vendu ses trois magasins et emprunter 24 millions à la banque pour remettre l’argent à Ibrahima Hann. « Je lui ai remis en tout 65 millions. Je lui ai payé un hôtel à raison de 15 mille par jour et un billet d’avion parce qu’il m’a dit qu’il devait quitter la Guinée. Et quand il m’a pris tout ce que j’avais, il m’a présenté son ami Thierno Ly. Ce dernier a reçu 150.000 francs », a déclaré le plaignant. Il faut dire que les accusations du commerçant ont été battues en brèche par Ibrahima. « Je conteste les faits. Je lui ai donné de l’eau bénite c’est vrai. Il était aussi dans l’incapacité d’avoir un bébé et je lui ai aussi fait des choses à manger avec sa femme », a dit l’un des mis en cause. Sur une question de savoir combien il a reçu, il a rétorqué avoir reçu du commerçant 50.000 et 100.000 frs. A sa suite, Thierno Ly, l’autre prévenu a été auditionné par le tribunal. Et il a reconnu effectivement avoir encaissé 150.000 francs. « Hann m’a appelé pour que je vienne l’aider dans les prières. On s’est entendu sur 150.000 francs. Le lendemain, il m’a rappelé pour me dire que le gars est d’accord. J’ai quitté Sédhiou pour venir à Dakar. Je lui ai fait des prières avec mon chapelet. J’ai utilisé juste le Coran pour que sa femme puisse guérir », a-t-il dit. Prenant la parole, le président du tribunal a demandé aux prévenus s’ils pouvaient lui écrire la Fatiha sur une réponse. Ce que ces derniers ont correctement écrit. Avocat de la partie civile, Me Assane Dioma Ndiaye, est convaincu de la culpabilité des prévenus. « Vous avez des personnes dont l’activité principale est d’appauvrir les citoyens pour s’enrichir. D’ailleurs, ce sont de vrais sachants qui peuvent en arriver là. Ils endorment les personnes et font de telle sorte que les gens perdent la raison. Quand vous touchez à leur « safara » (eau bénite) vous donnez tout ce que vous avez. Mon client a vendu deux magasins à 24 millions et 10 millions, vidé son compte bancaire. Il n y a pas de plus valu. Pis, mon client s’est appauvri. Les faits de charlatanisme et d’escroquerie sont avérés », a dit la robe noire. Avant d’enchaîner : « mon client n’a pas des preuves parce qu’il a perdu la raison et il donnait tout ce qu’il avait gardé sans le faire exprès. Il ne pouvait plus se retenir et il exécutait ce qu’on lui disait. Ça, c’est de la magie noire. Mon client tenait un commerce florissant mais il n’a plus un franc pour payer un avocat. Ils ne sont pas les seuls. Il y’a tout un réseau derrière ». Toutefois, Me Assane Dioma Ndiaye a réclamé 60 millions aux prévenus à titre de dommages et intérêts. Le maître des poursuites a requis l’application de la loi. S’exprimant en dernier, la défense a indiqué que : « aucune preuve n’a été apportée par la partie civile. Le prévenu n’est même pas cohérent dans ses accusations. Tout le monde utilise de l’eau bénite. Il n’était pas hypnotisé. Je vous demande de les renvoyer des fins de la poursuite sans peine ni dépens ». En rendant sa décision, le tribunal a déclaré les prévenus coupables de charlatanisme. Pour la répression, ils ont été condamnés à 2 ans dont 3 mois de prison ferme. Ils doivent payer solidairement la somme de 5 millions au plaignant.
Cheikh Moussa Sarr