Avez-vous déjà ramassé des espèces de poches rectangulaires rigides sur la plage, et saviez-vous qu’elles peuvent contenir non seulement des bébés requins, mais également des informations capitales pour les scientifiques ? Les oothèques, ou « capsules d’œufs », sont les œufs produits par certains poissons cartilagineux (chondrichtyens), comme les requins, les raies, ou les chimères. Les spécialistes qui étudient ces espèces considèrent depuis longtemps que ces capsules aux formes variées sont d’excellents indicateurs taxonomiques, c’est-à-dire qu’une espèce est facilement identifiable à partir de son oothèque. Mais la difficulté avec les oothèques, parfois appelées « bourses de sirènes », c’est qu’on ne les trouve pas souvent accompagnées du poisson qui les a pondues ! Voilà qui complique bien la tâche des chercheurs, et ce ne sont pas les auteurs de cette récente étude parue dans le Journal of Fish Biology qui diront le contraire.
Tout a commencé par la description en 2011 d’oothèques avec une étrange morphologie, leurs deux faces étaient couvertes de stries qui, une fois coupées transversalement, montraient une forme de T bien particulière. Le premier chercheur, après avoir examiné l’embryon contenu dans un des œufs, en a conclu qu’il appartenait au genre Apristurus, un groupe de roussettes, ou requins-chats.
C’est là que les problèmes commencent, car Apristurus est le plus diversifié des genres de requins ovipares, avec 40 espèces, dont huit vivent en Australie, là où les œufs ont été retrouvés. Heureusement, les scientifiques ont pu éliminer les espèces d’Apristurus dont l’oothèque ne correspondait pas à cette morphologie, et sur les huit il en est resté… aucune.
Mais grâce aux efforts des chercheurs, les musées australiens ont été fouillés au peigne fin pour trouver un spécimen d’Apristurus collecté dans le même environnement que les oothèques, et une femelle adulte a été remise au jour. Son abdomen a pu être examiné : il ne contenait qu’un seul œuf, et il était strié. Miracle !
Les biologistes détenaient enfin une preuve qu’il s’agissait bien d’une nouvelle espèce de roussette, qu’ils baptisèrent Apristurus ovicorrugatus, qui signifie « œufs ondulés ».