« Désormais, reposez en paix ! » Le cercueil de Patrice Lumumba a été inhumé à Kinshasa jeudi, jour anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo, plus de 61 ans après son assassinat. Cette cérémonie clôt un pèlerinage de neuf jours qui a retracé les temps forts de la vie du père de l’indépendance congolaise.
Durant une cérémonie très solennelle, avec tous les honneurs, le président de la RDC Félix Tshisekedi s’est adressé directement à Patrice Lumumba, face au cercueil renfermant ce qui reste de la dépouille du martyr de l’indépendance: une dent, ayant valeur de relique. Peu après, le cercueil a été amené dans un mausolée de béton et de verre, surmonté d’une imposante statue de Lumumba, érigé sur l’avenue qui porte son nom et conduit à l’aéroport international de Kinshasa, à « l’Echangeur de Limete ». L’ouverture au public de ce mausolée est prévue fin août.
Dans une salle aménagée à proximité, au pied de « la tour de l’Echangeur » qui symbolise la ville de Kinshasa, une vingtaine d’artistes congolais ont reproduit à leur manière la vie, la vision et l’héritage politique de ce héros des indépendances africaines.
« Lumumba a porté le poids des revendications et des souffrances de la population congolaise face à la Belgique. Le chemin est demeuré rocailleux, mais il a su conduire le peuple à l’indépendance », analyse l’organisateur de l’exposition, l’artiste Franck Dikisongele, devant un tableau montrant le héros tracter une charrette débordante couverte du drapeau de la RDC. Selon des historiens, c’est son discours virulent contre le racisme des colons belges qui l’a fait entrer dans la légende, le 30 juin 1960, jour de la proclamation de l’indépendance de l’ex-Congo belge.
Un discours qui a aussi scellé le sort de ce nationaliste considéré comme un communiste par ses détracteurs. Après seulement 75 jours, il était renversé et, quelques mois plus tard, assassiné avec deux compagnons le 17 janvier 1961 à Shilatembo, dans le Haut-Katanga (sud-est), par des séparatistes katangais et des mercenaires belges. Son corps, dissous dans l’acide, n’a jamais été retrouvé. Il a fallu des décennies pour découvrir que des restes humains avaient été conservés en Belgique, quand un policier belge ayant participé à la disparition s’en est vanté. Une dent que ce policier avait en sa possession a été saisie en 2016 par la justice belge.
Le président congolais s’est félicité qu’une sépulture ait enfin pu être offerte au martyr de l’indépendance. Il a remercié la famille de Patrice Lumumba, dont des enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants étaient présents, mais aussi « le peuple belge et ses autorités » pour, a-t-il dit, « avoir contribué au rétablissement de la vérité » sur l’assassinat de Lumumba, « après des années de déni ». En effet, a estimé Félix Tshisekedi, « c’est seulement après avoir dit la vérité, après avoir établi les responsabilités des uns et des autres que nous pourrons ensemble, Congolais et Belges, entamer l’étape déterminante du pardon, de la justice et de la réconciliation véritable et définitive ».
Après la restitution officielle par la Belgique à la RDC de la dent de Patrice Lumumba, le 20 juin, le cercueil du héros national congolais était arrivé le 22 en RDC puis transporté dans le Sankuru (centre), sa terre natale, à Kisangani (nord-est), son fief politique, puis sur le lieu de son supplice. « L’enterrement est la fin du processus. Le périple s’est conformé aux pratiques pour le deuil des chefs exceptionnels comme Lumumba », a estimé auprès de l’AFP le cinéaste congolais Balufu Kanyinda, organisateur des obsèques. « Je vis au Sankuru.
Le sang et l’esprit de Lumumba habitent en moi. Je suis ici parce que son esprit ne va plus errer », déclarait de son côté après la cérémonie un jeune homme de 24 ans, Didier Shonda, arborant la même coiffure que Lumumba. « Désormais, nous savons où nous ressourcer pour libérer totalement notre pays et la jeunesse africaine ». Un deuil national qui avait débuté lundi s’est achevé après l’inhumation de la dépouille du héros.