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PEOPLE! Y.DEE: Un Parcours de 20 Ans au Cœur du Hip-Hop Sénégalais…

Du Plateau de Dakar aux scènes internationales, Youssou Doumbia, plus connu sous le nom de Y.Dee, incarne l’essence même du hip-hop sénégalais. Animateur, promoteur culturel et visionnaire, il a façonné pendant plus de 20 ans le paysage musical de son pays. Son parcours impressionnant va des nuits enflammées aux côtés de DJ Makhtar à la création des prestigieux Galsen Hip Hop Awards, démontrant sa capacité à unir les générations et à faire le pont entre tradition et modernité dans la culture urbaine. Aujourd’hui, entre son rôle de MC pour la Basketball Africa League et ses projets ambitieux, Y.Dee continue d’être le pont entre les racines du hip-hop et son avenir prometteur en Afrique. Dans cet entretien, il se livre sans retenue, partageant son parcours riche en expériences, ses aspirations pour l’avenir, et sa vision personnelle du hip-hop qui continue de façonner la scène culturelle africaine.

Pouvez-vous vous présenter brièvement ? Qui est Y.Dee ?
Mon nom c’est Youssou Doumbia à l’état civil. Mes origines sont métissées : mon père est bambara et ma mère béninoise. J’ai vu le jour et grandi dans le quartier du Plateau à Dakar. Passionné de hip-hop depuis mon plus jeune âge, j’en suis devenu un véritable ambassadeur. Aujourd’hui, je porte plusieurs casquettes : je suis à la fois promoteur culturel, animateur sur les ondes radiophoniques et télévisuelles, et l’organisateur des Galsen Hip Hop Awards.


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Votre nom de scène, Y.Dee, a-t-il une signification particulière ou une histoire derrière ?

Pas du tout, ce sont juste les initiales de mon nom propre Y. pour Youssou et Dee pour Doumbia.
Parlez-nous de vos débuts dans l’animation et de vos premières collaborations
marquantes.
Mon parcours dans le hip-hop a débuté aux côtés du regretté DJ Makhtar, DJ officiel du groupe Daara J. C’est lui qui m’a offert ma première opportunité au micro, après mes études au British Council. Ensemble, nous avons animé de nombreuses soirées à Dakar et dans sa périphérie. Parallèlement, je présidais le fan club sénégalais de Tupac, organisant des hommages annuels en sa mémoire. Cette époque était particulièrement dynamique pour le hip-hop à Dakar, avec des concerts quasi hebdomadaires, des tournées dans les écoles, des collaborations artistiques et de grands spectacles mettant en vedette des artistes internationaux.
Au fil de ma carrière, j’ai eu la chance de collaborer avec de nombreux artistes de renom, dont Morgan Heritage, Kymani Marley et Ja Rule. J’ai également lancé le « Big City Battle », un tournoi dont je suis particulièrement fier, car il a servi de tremplin à plusieurs artistes aujourd’hui reconnus. Ma liste de collaborations est extrêmement longue, reflétant mes 23 années d’expérience dans le milieu. Durant toute cette période, je n’ai jamais connu d’année d’inactivité, restant constamment impliqué dans divers projets.

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Quels types d’événements organisiez-vous au début de votre carrière avec DJ Makhtar ?

À cette époque, Dakar vibrait au rythme de soirées dansantes organisées dans divers lieux de la ville. La vie nocturne de la jet set dakaroise était bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Contrairement à l’ambiance parfois douteuse qu’on peut trouver dans certaines boîtes de nuit et lounges actuels, nos soirées avaient une certaine classe. Nous nous habillions avec soin et dansions toute la nuit en compagnie de nos petites amies.

Après ces festivités, nous avions pour habitude de nous rendre à la pâtisserie de la Médina pour prendre notre petit-déjeuner avant de rentrer chez nous. Ces moments étaient également marqués par des tournées avec des groupes emblématiques tels que Daara J, Nix, Chronic 2h, New York Sans Visa, OTD (One Thousand Degrees), ainsi que d’autres artistes venant de la banlieue.DJ Makhtar était au cœur de la scène festive de l’époque, et j’ai eu la chance de le côtoyer de près. Son départ a laissé un grand vide ; c’était une âme exceptionnelle. Qu’il repose en paix, et j’adresse mes salutations à sa famille depuis la Médina. Bien sûr, je n’oublie pas de mentionner les hommages à Tupac que j’organisais régulièrement à cette période.

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Y a-t-il un événement spécifique qui a marqué votre carrière et qui reste mémorable
pour vous ?
Parmi les nombreuses collaborations marquantes de ma carrière, celle avec Morgan Heritage reste particulièrement mémorable. En janvier 2009, nous avons organisé une série de concerts sans précédent au Sénégal, en partenariat avec Lord Aladjiman de Daara J et Black Emotion.

Durant tout leur séjour à Dakar, j’ai eu le privilège d’être leur guide personnel et leur interprète. Cette expérience a été le point de départ d’une belle fraternité qui perdure jusqu’à aujourd’hui entre Morgan Heritage et moi.

En dehors de vos activités d’animateur radio et télé, quelles autres casquettes
professionnelles portez-vous ?

Celui de promoteur culturel, je suis le MC officiel de la Basketball Africa League depuis 3 ans, Actuellement, je suis en phase finale de réalisation de mon documentaire, un projet qui me demande beaucoup de temps et d’énergie. En conséquence, ma disponibilité est limitée pour entreprendre d’autres activités à temps plein pour le moment.

Comment décririez-vous votre lien avec la culture hip hop ? Qu’est-ce qui vous
passionne dans cet univers ?
Le hip-hop est l’essence même de ma vie. Il m’a sauvé et notre relation est comparable à un mariage prédéterminé. Je ne peux imaginer ce que je serais devenu sans lui. Le hip-hop était là, m’attendant, prêt à faire partie intégrante de mon existence, que je le veuille ou non. Il me parle directement, dans un langage que je comprends, tout comme ceux qui l’utilisent autour de moi. Mes premières rencontres musicales ont été déterminantes : Public Enemy en 1989, MC Hammer en 1991, et Kriss Kross en 1992.

J’ai immédiatement su que j’avais trouvé ma place. S’en est suivie la découverte d’autres rappeurs comme Wu-Tang Clan, Naughty by Nature, Tupac, Biggie, et bien d'autres. Pour moi, le hip-hop représente une véritable libération. Je suis hip-hop jusqu’à la moelle. Ce qui me passionne, c’est la culture hip-hop dans son ensemble : le style de vie, la mode, le langage, les interactions entre les acteurs culturels, les échanges entre animateurs, rappeurs, breakeurs et DJs à la radio. Il est important de comprendre que le rap n’est qu’un élément parmi les dix qui composent aujourd’hui le hip-hop à savoir : le graffiti, précurseur du rap, le breakdance, le DJing, le beatbox…..J’aime tous ces aspects du hip-hop, sans exception.

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Quel regard portez-vous sur l’évolution du hip hop ? Si vous deviez comparer les
anciennes et nouvelles générations, que diriez-vous ?
Le hip-hop est aujourd’hui la seule culture véritablement partagée par la jeunesse mondiale. Il domine l’espace urbain partout sur la planète. Son évolution est manifeste à tous les niveaux : qualité de production, lyrisme, style, et même dans ses interactions avec les grandes entreprises.
Depuis sa naissance en 1973 dans le sud du Bronx, le hip-hop connaît des mutations tous les 4-5 ans, apportant de nouveaux styles, sons, approches et méthodes. Chaque pays l’adapte à sa propre culture, parfois avec succès, parfois moins, reflétant notre monde où l’innovation n’est pas toujours parfaite. Je respecte ce que fait la génération actuelle, car elle doit écrire sa propre histoire. Cependant, il est important que l’ancienne école respecte et reconnaît les accomplissements de la nouvelle, tout en encourageant cette dernière à s’;inspirer de ses aînés. Il ne s’agit pas nécessairement d’une question d’argent, mais plutôt de créer un héritage.
Musicalement, l’ancienne génération a produit plus de classiques et évoque plus de souvenirs. Étant de la vieille école, je la considérerai toujours comme supérieure, un sentiment partagé même par certains rappeurs de la nouvelle génération. Néanmoins, parmi les jeunes artistes, certains sont source de fierté et semblent capables de porter le flambeau. D’autres, en revanche, auraient intérêt à s’améliorer, à approfondir leur apprentissage, et
surtout à réfléchir sur leur motivation à faire du rap ou de la musique en général. La principale différence entre l’ancienne et la nouvelle école du hip-hop sénégalais réside dans leur compréhension distincte de cette culture.
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Pouvez-vous nous expliquer le concept de “BACK TO THE SOURCE” et l’idée qui
a inspiré ce projet ?
En 2010, lors du Festman, j’ai eu l’opportunité de présenter des spectacles et de rencontrer une multitude d’artistes hip-hop internationaux. Sur une période d’un mois, j’ai côtoyé des talents venus des quatre coins du monde, représentant divers genres musicaux et artistiques : rap, reggae, jazz, soul, danse, arts plastiques, et bien d’autres.

L’ampleur de l’événement était considérable. Cette expérience a été un tournant pour moi. Pour la première fois de ma vie, j’ai pu interagir avec autant d’artistes en si peu de temps. J’ai saisi cette occasion pour établir des contacts durables et discuter de projets futurs. C’est à partir de ce moment que tout a véritablement commencé. La réalisation d’un documentaire est un processus complexe qui peut s’étendre sur plus d’une décennie, en fonction de la direction artistique choisie. Le documentaire dont je parle est unique en son genre : il est le seul au monde à rassembler trois continents autour d’un élément culturel commun. Cela illustre parfaitement ce que je mentionnais plus tôt : le hip-hop est la seule culture véritablement partagée par la jeunesse mondiale.

D’où vient l’envie de créer le Galsen Hip Hop Awards et quel est son impact sur la scène
hip hop sénégalaise ?
Depuis longtemps, j’étais frappé par le nombre d’artistes s’autoproclamant « roi du rap » sans critères définis. Bien que certains artistes n’aient pas besoin de récompenses, pour la plupart, ces distinctions sont importantes. Un trophée ne définit pas une carrière, ne la lance ni ne la termine, mais il contribue à valoriser un nom et peut ouvrir des portes vers des partenariats avec de gros sponsors. C’est ainsi qu’est née l’idée que j’ai mûrie de 2010 à 2013. Nous étions prêts à la concrétiser, mais le décès de Ben Basse Diagne a interrompu le projet. J’ai fait une pause, travaillant alors avec lui. Finalement, en décembre 2015, nous avons lancé la première édition du GALSEN HIP HOP AWARDS. Cette année, nous célébrons fièrement la 10e édition, à la satisfaction générale.
L’impact majeur de cet événement est sa capacité à réunir quatre générations dans une ambiance conviviale. Malgré les polémiques et spéculations initiales, il a fallu du temps pour que tous comprennent le fonctionnement d’une cérémonie de récompenses. Aujourd’hui, c’est rassurant de voir ces quatre générations différentes rassemblées dans la salle.
Depuis trois ans, nous touchons près de 4 millions de personnes en direct, grâce à la participation de 15 pays africains. Ce que nous accomplissons à travers cette cérémonie est tout simplement incroyable : le tapis rouge, les prestations, les invités de marque, etc. Le Galsen Hip Hop Awards est devenu la plus grande cérémonie du hip-hop sénégalais. Lors de cette soirée, nous célébrons notre identité et notre culture. C’est un
moment où le hip-hop sénégalais brille de tous ses feux.

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Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Pouvez-vous nous en dire plus sur vos projets en
cours ?

Sur la 10e édition des Galsen Hip Hop Awards et rien d’autre, mis à part cela, je passe beaucoup de temps avec ma famille et profite pleinement de leur présence. Le Hip Hop sénégalais a vraiment besoin de ce genre d’événements.

De nombreux artistes ont besoin de visibilité et de reconnaissance pour leur travail. Se célébrer en tant qu’acteurs culturels est essentiel, et c’est précisément ce que les Galsen Hip Hop Awards font pour la scène hip hop sénégalaise et africaine.

ANNA THIAW

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