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PAPE DEMBA THIAM, ENTREPRENEUR CONSEIL : «Les discussions sur les questions politiques prennent tout l’espace et restent des fariboles»

Entrepreneur conseil, économiste et expert en développement industriel,  Pape Demba Thiam, s’est prononcé sur la situation politique et économique du pays. Dans cet entretien, il n’a pas manqué de donner quelques orientations aux nouvelles autorités dans un contexte où, selon lui, les questions politiques qui restent des « fariboles » occupent tout l’espace… 

Pouvez-vous faire le point sur la situation économique et financière du Sénégal ?

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Je n’ai pas tous les chiffres. Mais, à ce qu’il semble, la situation n’est pas facile parce que le dernier emprunt que le Sénégal a fait, a été un emprunt avec une maturité plus courte de 7,5 à 7,75%. C’est difficile de caractériser cela parce tous les taux d’intérêt sont élevés actuellement. Le taux de référence qui est le taux de la réserve fédérale américaine qui est la banque centrale est  entre 5,25 et 5,50%. C’est à dire la banque américaine prête aux banques commerciales entre 5,5% et 5,25%. Ce qui veut dire que ces banques, quand elles prêtent de l’argent, elles le font plus cher.

Lever de l’argent à 5,7% actuellement, ce n’est pas un signe de difficulté financière mais au contraire. Même si au Sénégal, avec les années de braise qu’on a traversées, on arrive à gagner la confiance des investisseurs, c’est une bonne chose.

Le Sénégal n’est pas le seul dans cette situation. La France emprunte comme n’importe quel pays développé tout simplement parce que son niveau d’endettement est encore élevé face à des situations où les taux d’intérêt sont les plus élevés. Donc cela n’est pas un critère. Mais ce qui est plus inquiétant c’est le fait que les caisses soient délibérément vides. Car, je n’ai jamais vu une situation où un régime qui part, multiplie les salaires par un certain nombre de coefficient, distribue des dividendes et des bénéfices qui ne sont pas créés par l’activité économique ou de donner un salaire à tous ceux qui ont été ministres. Cela ressemble à du sabotage économique. D’une manière générale, je peux dire que la situation peut être très difficile dans la mesure où le gouvernement n’a plus beaucoup de marge de manœuvre budgétaire. Je suis même étonné qu’ils arrivent à trouver des ressources pour pouvoir baisser de manière symbolique le coût de la vie. 

Compte tenu de votre expérience d’économiste, quels sont les conseils que vous pouvez donner aux nouvelles autorités ?

Elles doivent repenser le développement. Je disais, il y a quelques années, que les pays africains n’ont plus de politique économique depuis le début des années 80. Quand vous n’avez pas de politique économique, cela veut dire que vous n’avez pas de boussole et d’orientation économiques. La plupart des actes économiques sont liés par le besoin de résorber des difficultés budgétaires. Vous dépensez un budget que vous n’avez pas. Vous êtes obligés de demander un secours budgétaire, et vous allez chez les prêteurs de dernier recours, le Fmi et la Banque mondiale.

Des gens vous prêtent de l’argent et vous dictent leurs conditions. Souvent, quand ils vous prêtent, théoriquement, ils vous fixent des conditions pour vous permettre de rembourser mais, le plus curieux est qu’il y a des investissements qui empêchent le développement. Si vous voulez faire des investissements dans des infrastructures pour pouvoir décloisonner des zones économiques et créer des activités de richesses, ce sont des investissements directs à rentabilité différée. On vous dit qu’on ne peut pas le faire. Si vous voulez l’investir dans n’importe quel secteur, ce ne sera pas possible et c’est ce qui existe depuis 1980. La logique est claire. Alors, si vous êtes dans une telle situation et qu’on vous tient à jour depuis 1980, vous n’avez même plus intérêt à penser créer l’expertise pour créer.

C’est la raison pour laquelle, la plupart des experts sont des gens nourris par des institutions de Bretton Woods. Si vous héritez d’un pays endetté, la première tentation c’est de faire la même chose que tout le monde. Ces gens le font parce que ces institutions ont été créées pour assurer à leurs actionnaires principaux, qui sont les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale, l’accès aux ressources dont les économies ont besoin de développer. La plupart de ces ressources sont en Afrique avec le cacao, l’arachide, les métaux pour faire la technologie verte. Mais, il est difficile de trouver de l’huile d’arachide dans les rayons sénégalais alors que le Sénégal a été le deuxième pays producteur mondial. On ne sait pas où passe notre arachide. Pourquoi on ne peut pas transformer ici et l’exporter ? Quand on exporte des produits, on exporte aussi de la main-d’œuvre. C’est ça le sort qu’on nous a donné.

Pour avoir la capacité d’exploiter nos matières premières, on endette nos Etats et on fait croire qu’il n’y a que l’Etat pour faire fonctionner notre économie. Nous empruntons pour financer nos programmes et leurs programmes pour nous est que nous n’avons jamais assez d’argent de manière autonome et l’investir. Ils veulent nous empêcher d’investir dans les activités qui favorisent la transformation économique. Si aujourd’hui le Sénégal ne s’organise pas pour avoir une stratégie de développement économique, ils vont être happés par des urgences de tous les jours et les autres vont les attendre au tournant. Si le gouvernement sénégalais veut éviter une certaine situation, il faut qu’il se mette au travail en donnant plus de temps à la réflexion stratégique et arrêter de se promener de capitale en capitale, en réunion où les ministres prennent des photos qu’ils postent sur Facebook et LinkedIn. Nous avons besoin de stratégies, de discuter de ce que nous voulons pour notre pays.

Depuis que les nouvelles autorités se sont installées, je n’ai pas encore vu quelque chose de totalement stratégique, je n’ai pas vu se réunir des experts, surtout ceux qu’ils lisaient avant d’arriver au pouvoir. Ils ne leur parlent pas et reçoivent des Tony Blair pour parler de l’économie alors que même un étudiant en maitrise économique connait mieux les réalités. Quand vous voyez ces choses, vous vous dites si les gens ont perdu le nord. La sanction risque d’arriver comme au Mali où ils sont en train de dire qu’ils ont des difficultés financières. Donc, il faut que l’on se dise la vérité, ils ont un problème d’utilisation de leur temps. Ces discussions sur les questions politiques prennent tout l’espace et ce sont des fariboles. Il faut qu’ils arrêtent cela et qu’ils ne se laissent pas distraire par une opposition qui n’existe plus. 

Vous avez fait la leçon inaugurale aux ‘’Assises économiques’’ du MEDS,  pouvez-vous revenir sur les grands axes de votre communication ?

Quand on parle d’endogénisation de l’économie, cela veut dire que les sources de l’économie vont être principalement internes. Mais, quand vous tissez un tissu économique intégré, il faut le faire à partir de la transformation de lignes potentielles existantes ou insuffisamment exploitées. Vous allez étendre le champ d’expansion. Parce que la croissance économique, elle se passe sur des chaines de valeur. L’endogénisation part de là et cela veut dire qu’il faut avoir une souveraineté. Elle est l’appropriation de l’initiative de la programmation et de l’action.

Ce n’est pas le cas quand le FMI vient dire que « vous avez trop d’argent, vous allez baisser vos salaires », ce n’est pas de la souveraineté parce que si vous vous appropriez l’initiative, c’est vous qui décidez de ce que vous devez faire pour votre pays. Mais à ce moment-là, c’est aux autres de dire ce qu’on leur donne, ou est ce qu’ils doivent participer et pourquoi. C’est à nous de leur montrer quels sont les intérêts tirés de là et comment le faire. Donc, il s’agit de l’appropriation de l’initiative de la programmation et planification stratégique. Vous devez transformer votre vison en stratégie. Les stratégies en programme, les programmes en projets et les projets en intervention. 

L’Etat doit-il s’appuyer sur le secteur privé pour développer l’industrialisation du Sénégal ?

L’industrialisation est une production de masse. On fait souvent l’opposition de l’industrialisation par l’artisanat. Ce dernier vient de l’art mais quand vous faites une production artisanale, on fait une production de masse. En Europe, les costumes faits par les artisans coûtent chers. Mais, nos tailleurs qui travaillent à la main, on ne les respecte pas ; donc, il y a une question de mentalité. Aujourd’hui, nous avons une capacité de faire développer une production de masse. 80% de l’économie sénégalaise est dans le secteur informel. Il faut une montée en puissance pour faire développer tout cela. On ne peut pas faire l’industrialisation par l’Etat. Il faut éviter d’emprunter des concepts pour en faire des discours car celui qui le dit, a des réalités concrètes et singulières pour lesquelles il dit cela.

En ce qui concerne le secteur privé, nous avons des organisations de lobbying. Il faut voir comment le secteur privé est né avec l’ajustement structurel lorsque la Banque mondiale et le Fmi ont commencé à dire aux gouvernements « vous ne pouvez plus gérer des entreprises privées ou parapubliques, qu’il faut les vendre ». La plupart des gens ont utilisé leurs frères, leurs amis comme prête-noms. S’ils développent des entreprises, ce sont ces gens-là qui les aident à avoir des marchés. Donc, ce n’est pas un terrain miné. C’est ce secteur privé qu’on a eu depuis longtemps et l’Etat ne construit pas des entreprises pour leur permettre d’éclore. C’est la raison pour laquelle j’ai donné cette leçon inaugurale. J’ai dit au président Mbagnick Diop, d’offrir une consultation gratuite lors des assises économiques du MEDS et c’est la première fois que cela se fait dans notre pays. Maintenant, ce qu’on attend est que le gouvernement s’empare des conclusions pour le développement. Ni Sonko, ni le Chef de l’Etat ne sont des experts en économie. Nous, nous avons fait des années pour faire un doctorat et de la recherche, ce n’est pas n’importe qui qui se lève pour dire qu’il est expert. Ils aiment leur pays et ils se sont engagés et personne ne leur conteste cela car ils ont risqué leur vie pour le pays.

La meilleure façon de construire le pays, c’est d’accepter d’apprendre chez les autres. De ce point de vue, les assises du MEDS ont donné de la matière mais celle brute. Elle doit être travaillée, développée et raffinée. Et cela doit être le point de départ sectoriel entre le secteur privé et le gouvernement. 

NGOYA NDIAYE

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