La violence sexuelle liée aux conflits est l’un des plus grands silences de l’histoire et continue d’être chroniquement sous-estimée, même dans un monde où le nombre de conflits a atteint un niveau record depuis la Seconde Guerre mondiale, selon Pramila Patten, Représentante spéciale des Nations Unies pour la violence sexuelle en temps de conflit.
Mme Patten s’est entretenue avec ONU Info à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit, célébrée chaque année le 19 juin. Selon Pramila Patten, la violence sexuelle liée aux conflits est une forme de violence délibérément destinée à nuire non seulement à la victime, mais aussi à la famille, à la communauté, à la société, et une forme de violence infligée pour inspirer la peur, humilier, déplacer.
La principale raison pour laquelle les violences sexuelles liées aux conflits ne sont toujours pas signalées est la stigmatisation. Les survivants sont souvent frappés par la double tragédie du viol et du rejet. C’est le seul crime pour lequel la société est plus encline à blâmer les victimes que les véritables auteurs. Elle explique que l’année dernière, dans son rapport au Secrétaire général, il a mentionné moins de 1.000 cas en République démocratique du Congo (RDC) pour 2022. Et lorsqu’il a vu les données des prestataires de services l’UNICEF parlant de 32.000 cas et de l’agence des Nations Unies pour la santé sexuelle et reproductive, l’UNFPA, avec 38.000 cas pour la même année « j’ai vraiment paniqué » a t-elle conclu.
Cette année marque le 15ème anniversaire de votre mandat. Pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste et comment il a évolué ?
Pramila Patten : Ce n’est qu’en 2009 que le Conseil de sécurité de l’ONU a vu la violence sexuelle à travers les yeux des femmes et des filles, dont les corps font partie du champ de bataille depuis l’histoire de la guerre.
La résolution 1888 a établi mon mandat. Cette résolution a entraîné un changement de paradigme : les violences sexuelles ne sont pas un sous-produit inévitable de la guerre, ni un dommage collatéral, mais un crime qu’il est possible de prévenir.
Pour la première fois, il est apparu clairement qu’une réponse en matière de justice et de sécurité était nécessaire. Je fournis donc des orientations stratégiques et cohérentes tant sur la prévention que sur la réponse à apporter aux violences sexuelles liées aux conflits.
Après la résolution 1888, le mandat a vraiment évolué. Le Conseil de sécurité a adopté pas moins de cinq résolutions consacrées aux violences sexuelles liées aux conflits. Ces résolutions comprennent la mise en place d’un dispositif de surveillance, d’analyse et de communication de l’information (MARA), la reconnaissance du fait que les hommes et les garçons sont également victimes de violences sexuelles, et le développement d’une approche centrée sur les survivants, tant dans la prévention que dans la réponse aux violences sexuelles liées aux conflits.