La France a informé l’activiste Nathalie Yamb de son interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire français. Dans un arrêté, pris le 12 janvier 2022, les autorités françaises lui reprochent d’attiser un sentiment anti-français sur le continent africain et de tenir des propos virulents à l’égard de la France. Une mesure prise sur fond de rivalités entre la France et la Russie sur le continent africain, mais qui ne fait pas l’unanimité.
Très présente sur les réseaux sociaux depuis une quinzaine d’années, cette activiste suisso-camerounaise de 53 ans se fait véritablement remarquer en octobre 2019, à l’occasion du premier sommet Russie-Afrique organisé à Sotchi. Ce jour-là, elle cible très ouvertement la France qui, dit-elle, « considère toujours le continent africain comme sa propriété ». À partir de là, son discours panafricain, anti-impérialiste et ses sorties contre la France, qu’elle accuse de néo-colonalisme vont trouver un certain écho sur le continent.
« Relais de propagande russe sur le continent africain »
« Nathalie Yamb, très active sur les réseaux, est un relais de propagande russe sur le continent africain et qui participe à la diffusion de fausses informations, sans doute pour des intérêts personnels, en tenant des propos très virulents contre la France en Afrique, y compris en encourageant le recours à la violence », affirme le député Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, qui « soutient donc pleinement cette décision d’interdiction de séjour » en France.
Pour le chercheur Maxime Audinet, spécialiste de la stratégie d’influence russe en Afrique, Nathalie Yamb est effectivement devenue l’une des actrices de la lutte entre Paris et Moscou. « C’est une figure militante qui se réclame d’un panafricanisme radical et qui, du fait de ses positions hostiles à la présence française, a été cooptée par tout un réseau d’acteurs russes, notamment ce qu’on appelle la galaxie Prigojine, c’est-à-dire un ensemble d’organisations, de fondations, de médias qui sont liés à Evgueni Prigojine, le célèbre sponsor du groupe Wagner. Je pense notamment au moment où en décembre 2019, Nathalie Yamb a été invitée par la Fondation pour la défense des valeurs nationales [organisation russe liée au réseau Prigojine, NDLR], mais aussi coopté par un groupe qui s’appelle Afric », explique-t-il.
Les autorités françaises ont notifié à la militante suisso-camerounaise Nathalie Yamb son interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire français par un recommandé envoyé vendredi 14 octobre, suivant un arrêté pris le 12 janvier 2022 et que RFI a pu consulter. Paris reproche notamment à Nathalie Yamb d’encourager le recours à la violence contre des symboles de la présence française en Afrique.
Une mauvaise méthode, estime cependant, Me William Bourdon, avocat, spécialiste en libertés publiques : « Ce n’est pas comme ça qu’on va éteindre l’inflation francophobe en Afrique de l’Ouest, [région] qui paye très cher une politique qui a été sourde et aveugle à tant de préoccupations. Cette décision traduit un raidissement des autorités françaises qui ne peut être interprété que comme une fuite en avant. »
Désinformation
Son combat contre Paris et ses soutiens en Afrique, elle le mène aujourd’hui depuis la Suisse, après avoir été expulsée de Côte d’Ivoire en décembre 2019, accusée « mener des activités incompatibles avec l’intérêt national ». Suivie par plus de 200 000 personnes sur Twitter et sur YouTube, Nathalie Yamb est aujourd’hui régulièrement accusée par ses détracteurs de rouler pour Moscou. Dans l’arrêté émis le 12 janvier dernier par le ministère français de l’Intérieur, il est d’ailleurs écrit qu’« au-delà de sa posture francophobe, [Nathalie Yamb] se fait également le relais de la propagande pro-russe diffusée depuis le continent africain ». Le document pointe aussi du doigt sa « proximité avec Maurice Wilfried Sebiro, conseiller en communication de la présidence centrafricaine » et « principal artisan de la propagande anti-française à Bangui », la capitale de la République centrafricaine où sont également présents les mercenaires russes de Wagner.
« Sur ses propres réseaux, Nathalie Yamb développe un discours qui a tendance parfois à servir le discours de la Russie sur son propre agenda, observe Maxime Audinet. Lors du massacre de Boutcha, en Ukraine, et de Moura au Mali, Nathalie Yamb avait à l’époque tweeté sur ces deux événements en les présentant tous deux comme des mises en scènes fomentées par les Occidentaux pour discréditer la Russie d’un côté, et de l’autre, les autorités maliennes, voire les mercenaires de Wagner. » Car au-delà des positions idéologiques de Nathalie Yamb, c’est bien la désinformation qui est au cœur de la décision de Paris : « Je pense que cette décision montre que la France a pleinement intégré l’importance de l’information dans la résolution des crises. Cette nouvelle étape permet d’indiquer à celles et ceux qui propagent injustement de fausses informations contre la France que ces actes ne peuvent pas rester impunis », conclut Thomas Gassilloud.