Membre du pool des avocats de Ousmane Sonko, Me Massokhna Kane apprend que «c’est le parquet qui poursuit son client en utilisant la plainte de Mame Mbaye Niang ». Gravissime, selon Me Massokhna Kane, selon qui, le pouvoir tente vaille que vaille d’éliminer le leader de Pastef de la course en 2024. Il était l’invité du « Grand oral » sur Rewmi Fm et Tv.
41 ans au barreau, vous êtes interpellé par le chamboulement au Conseil supérieur de la magistrature. Comment lisez-vous ces changements ?
Les nominations au Conseil créent des surprises, mais cette fois-ci, compte tenu du contexte politique, on n’est pas très surpris par les changements qui ont lieu, car on peut se permettre de croire qu’il y a des personnes neutralisées et sorties de certains circuits car ce sont des résistants et des gens qui ne peuvent pas être aux ordres et qu’on pense qu’il faut les écarter. C’est notre opinion, je ne citerai pas de nom, mais suivez mon regard.
Vous ne citez pas de nom, mais il y a le Procureur Ousmane Diagne, une forte tête. Lui présent, on dirait que Macky cherche à ce que le Parquet assume une certaine indépendance. Mais avec son départ, c’est le statu quo !
Ousmane Diagne est un éminent magistrat qui a brillé par son indépendance et il a fait ses preuves. C’est une erreur de casting et vraiment, Macky semble avoir fait une erreur, mais on finira par lui rendre justice. C’est un grand croyant et cette dimension spirituelle fait sa force. C’est un homme intègre et une forte personnalité, comme c’est assez rare. Un homme d’honneur.
Amady Diouf à la Cour d’appel. D’aucuns pensent qu’on s’achemine vers une probable manipulation des résultats de la prochaine présidentielle. Ces soupçons sont-elles légitimes ?
Moi je ne participe pas à ces soupçons. Les gens réagissent sur ces nominations. Je suis un habitué du palais et un élément du palais. René Fleurions a dit : « Au palais de justice, les réputations se font et se défont avec une rapidité incroyable. » Tout le monde sait qui est qui. La loi ne fera pas de commentaire d’abord par décence et par responsabilité, car à mon âge et mon expérience, je ne peux pas le faire. J’ai donné une opinion sur Ousmane Diagne et c’est une opinion favorable et je n’en ferai pas d’autres. Dans tous les cas, il y a de très bonnes nominations, mais d’autres interrogent.
Des avancées ?
Macky Sall préside le Conseil supérieur, ce que dénonce l’UMS, car cela leur tombe dessus et souvent, ce sont des sanctions. Quand l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) conteste, c’est qu’il y a matière. Il faut que le Président ne siège plus au Conseil de la magistrature.
Peut-on en déduire que nous sommes loin de l’indépendance de la justice ?
Est-ce que l’indépendance de la justice existe ? Peut-être l’indépendance des magistrats. Car l’indépendance de la justice dans les pays sous-développés, c’est plus théorique que pratique. Ce sont des déclarations, mais dans la réalité, c’est non. Peut-être dans les démocraties. Mais il ne faut pas croire tout ce qui est écrit. Tout le monde sait dans ce pays que la justice n’est pas indépendante. Mais la dignité et l’honneur ne s’achètent pas.
Un des avocats d’Ousmane Sonko dans l’affaire Sweet beauté, vous aviez saisi la Chambre d’accusation pour casser la décision du Doyen des juges de renvoyer votre client devant la Chambre criminelle. Comment comprenez-vous cette décision ?
Avant de parler de cela, permettez-moi de présenter mes condoléances à Mme le Ministre Marie Khémess Ngom Ndiaye qui a perdu son mari. Nous témoignons affection et solidarité et nous présentons nos condoléances à l’Armée pour les soldats tombés au Mali et la solidarité au peuple Turque. Je peux répondre tout de suite sur la décision de la Chambre d’accusation. Tous les Sénégalais ont compris cette décision et les avocats ont tout de suite fait une déclaration de pourvoi en cassation. Manifestement, nous ne sommes pas d’accord avec cette décision, car nous lui avons demandé de transmettre l’exception d’inconstitutionnalité que nous avons soulevée. Quand la Chambre d’accusation est saisie d’une exception d’inconstitutionnalité, elle ne doit pas se prononcer, mais transmet le dossier au Conseil constitutionnel qui va régler le problème de ce qui a été décidé. Cette exception tranchée, il faut revenir à la Chambre d’accusation pour se prononcer sur l’autre requête déposée c’est-à-dire l’appel que nous avions introduit contre la décision du Doyen des juges. C’est à cela qu’on s’attendait. Elle s’est d’abord déclarée sur l’appel, avant de se prononcer sur l’exception. On nous soulève une exception, il faut d’abord régler cette question avant et nous attendons la décision de la Cour suprême sur la demande de la Chambre d’accusation.
Beaucoup ne connaissent pas les procédures et il faut expliquer aux populations, sachant qu’on n’est pas en train de juger l’affaire dans le fond.
Des gens qui ne sont pas juristes, se disent avocats, l’Ordre doit prendre ses responsabilités pour régler cela. Vous avez vu que les avocats de Sonko ne sont pas très prolixes dans la presse. On a des stratégies et nous sommes dans un ordre avec de la discipline, sous l’ordre du bâtonnier. Donc nous prenons le temps qu’il faut, mais pas à tout bout de champ. Des gens disent que les avocats de Sonko sont nuls. Mais c’est dommage. C’est le revers de la médaille dans ce que l’on appelle la liberté d’opinion dans ce pays. Tout le monde parle du dossier sans le maîtriser.
Qu’est-ce que la Chambre d’accusation a donné comme décision ?
On n’attend que la décision et on en saura davantage sur les motivations. Mais manifestement, on a mis les charrues avant les bœufs. Nous avons attaqué devant la Chambre d’accusation aussi bien l’inconstitutionnalité de certaines procédures pénales que la décision du doyen des juges d’envoyer Sonko et Ndeye Khady Ndiaye devant le Chambre criminelle. On ne peut pas comprendre qu’il y ait trois parties : le parquet, la partie civile et le prévenu et on nous dit dans les décisions, comme le renvoi, que la partie civile a le droit de faire appel, de même que le parquet, mais pas le prévenu ! Alors que c’est vous qu’on renvoie devant la chambre, cela n’a pas de sens. Donc c’est un déséquilibre qui viole les droits de l’homme et la Constitution. C’est grave et j’attendais le contraire. C’est une commande politique et on verra les juges qui vont l’exécuter, il a fallu se battre afin que le bâtonnier intervienne, sinon ce serait le scandale. Le Juge nous dit qu’il va vous prêter le dossier pour qu’on puisse le lire. 15 avocats et chacun prend 30 mn, alors qu’ils demandent un renvoi. Etant donné que des affaires similaires ont été renvoyées. Nous allons voir ! Sonko va se défendre et croyez-moi, on peut s’attendre à tout, car c’est une grosse farce. Dieu s’en mêle pour les disqualifier à chaque fois qu’ils ourdissent leur plan.
Justement sur l’autre affaire avec Mame Mbaye Niang, ça craint avec le code électoral…
Ces personnes cherchent tous les moyens possibles pour que Sonko ne soit pas candidat. C’est la réalité. Même les oiseaux le savent. C’est le but. Et comme on sait que la première affaire ne peut prospérer, on a parlé de la plainte de Mame Mbaye Niang comme celle d’un policier qui est en train d’être cuisiné pour éliminer Sonko. Beaucoup de gens disent à juste raison que s’il y a une personne qui a été diffamée et injuriée, c’est Ousmane Sonko. Pour Mame Mbaye, n’en parlons pas. Si Sonko devait le poursuivre, il y aurait plus de plaintes, car il insulte tout le temps et il n’est pas exclu qu’on le poursuivre. Ce qui est singulier, extraordinaire et surprenant, il a simplement porté plainte pour diffamation sur le rapport, mais c’est le parquet qui poursuit Sonko et on ne se limite pas à la plainte. Ce qui est grave, c’est que lors de la première audience, on a voulu retenir cette affaire. Ce qu’on n’a jamais vu depuis près de 41 ans de carrière. Du jamais vu. C’est le parquet qui poursuit Sonko en utilisant la plainte de Mame Mbaye Niang. C’est extrêmement grave et inédit. On cherche à liquider cette personne politiquement. Il a une dimension spirituelle, car à chaque fois qu’ils essaient leur coup, ça foire par la volonté de Dieu.
Où en sont les plaintes déposées contre Mamour Diallo pour association de malfaiteurs ?
Ça avance à pas de caméléons et il paraît que des magistrats ont été enlevés car ils ont demandé des enquêtes sur certaines plaintes. Des plaintes et d’autres seront déposées, car la façon dont on l’a sorti de sa voiture et on a dit que des éléments étrangers au-delà des nervis, c’était un guet-apens. Des Blancs étaient avec les forces de sécurité.
Le comportement de nos forces de défense et de sécurité fait grincer des dents en matière de préservation de l’ordre…
Nous avons vu des choses étranges et très graves : des nervis armés sont avec des forces de l’ordre sur le terrain. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Tout le monde l’a vu. C’est après qu’ils ont mis des bandeaux rouges quand on a commencé à les critiquer. Des gens dans des pick-up et tout peut se passer. C’est inacceptable dans ce pays et cela se passe dans ce pays.
Pensez-vous que votre client a été en danger quand les Fds l’ont extrait de sa voiture ?
Il faut saluer la sérénité et le calme de Sonko devant ce qui s’est passé. Ce qui a surpris le monde entier et c’est une honte d’agir ainsi pour sa protection. On aurait pu le blesser, il aurait pu résister physiquement. C’est inadmissible. On le force à passer sous un tunnel, alors que cela est de la responsabilité de l’État. Cela ne passera pas. Et cette question sera internationalisée. Déjà les ambassades, les pouvoirs publics ont été très émus et indignés de cette image. S’il lui arrive quelque chose, ce sera de la responsabilité de l’État.
Tension, discours radical et d’animosité. En tant que leader et avocat, comment interprétez-vous cette nouvelle donne politique ?
Il y a de quoi être légitimement inquiet. Quand on observe, quand on écoute et qu’on voit ce qui se passe, il n’y a jamais eu cela au Sénégal. On nous dit que ce sont de nouveaux profils politiques. C’est faux. Cette tension c’est le silence verbal. Il n’est pas silencieux par les actes qu’ils posent et c’est un discours, sur le terrain, les tournées politique, tout cela parle. C’est dire que nous avons envie de continuer et tout le monde sait. Mais il s’entête à rester au pouvoir à travers les actes. Et avec ces tensions, c’est lui la cause car les militants l’investissent à gauche et à droite. On parle de plan A sans plan B. Tant qu’on ne fait rien pour changer cela, il y aura tension.
Quid de l’interprétation de l’article 27 avec la durée et le nombre de mandats ?
La durée ne pose pas de problème, c’est du français clair et limpide. Ils essaient de trouver l’astuce. C’est clair tout de même. Il faut être sérieux et à travers les Var, tous veulent faire du « Wax Waxet », il faut le dire et que les Sénégalais le sachent. Il a fait deux mandats, ce sera un 3 e et la Constitution est claire là-dessus. Le débat est politique et pas objectif. Donc tout le monde attend qu’il se prononce, mais ses actes parlent et cela crée la tension.
Des incertitudes sur la présidentielle, le parrainage, le fichier, entre autres questions vous inquiètent-ils ?
Oui c’est inquiétant mais moins que le discours du Président et de ses militants. C’est une question sérieuse, mais moins grave que l’histoire des deux mandats. Il s’était déjà prononcé par le passé, mais il faut qu’il se prononce au présent et c’est une question d’honneur.
Sur la question du loyer, une nouvelle date est annoncée…
Il faut saluer le travail d’Abdou Aziz Kébé, homme de haute dimension et de haute culture religieuse, qui a fait de la résistance à la délégation. L’organisation n’est pas simple, on ne lui a pas facilité la tâche. D’Abdou Ly de l’ARTP. Son remplaçant connaît bien la maison. D’Oumar Diallo, l’ancien Directeur du Commerce intérieur, qui a montré beaucoup de courage. On veut que le ministre du Commerce nous donne notre agrément mais il ne nous rassure pas du tout. Je commence à ne plus y croire, car on lui a mis un boulet au pied avec cette histoire de porte-parole du gouvernement. Il est tout le temps en train de se battre et d’expliquer et c’est incompatible pour un secteur aussi important que le Commerce et la consommation. Cela demande beaucoup de temps et il a un problème d’ego. Il faut le dire, car il voulait rencontrer les gens, mais depuis lors, il ne répond à personne et s’occupe de sa politique.
MOMAR CISSE