Ce samedi, le président du MEDS, était présent sur le plateau de l’émission « Grand Oral » de Rewmi Fm. Entre les affaires qui touchent le Plan relance économique, l’éventualité d’une deuxième vague de Covid-19, l’emploi des jeunes, l’émigration clandestine, les sujets évoqués ont été nombreux. Morceaux choisis.
Vous avez reçu, mardi dernier, des mains du chef de l’Etat, Macky Sall l’insigne de Grand Officier de l’Ordre national du Lion. Quel commentaire faites-vous?
C’était un honneur pour nous. Vous savez en 2003, le président Abdoulaye Wade m’avait élevé au rang de chevalier et mardi dernier le président Macky Sall en a fait de même. Ce, en reconnaissant ce que nous faisons pour le pays. A titre personnel, toutes les actions que je mène, le socle est l’intérêt général. Donc pour moi, c’est une distinction qui me motive encore davantage pour faire plus encore et soutenir les couches les plus défavorisées ici au Sénégal et aussi ceux qui ont besoin d’être accompagnés, d’être soutenus dans l’entrepreneuriat.
Quel est aujourd’hui l’état du climat des affaires au Sénégal relativement à la Covid?
Je pense que c’est partout pareil. La situation économique, si vous suivez ce qui se passe en Europe particulièrement en France aux Etats-Unis partout, la Covid a bouleversé les certitudes. La Covid a démontré au monde entier que toutes les économies étaient vulnérables. Je pense que notre pays a essayé de résister par la résilience. Le président de la République et le gouvernement ont mis plus de 1000 milliards voire même plus pour accompagner l’économie. Les entreprises aussi se sont serrées la ceinture en citoyen. Parce que la situation est très difficile. Il y’a énormément d’entreprises qui étaient obligées de poser la clé sous le paillasson. On en a dénombré plus de 7.000 entreprises sur les 4 ou 5 derniers mois. C’est pour vous dire que la situation est très difficile. Cependant l’Etat, le gouvernement du Sénégal résiste et nous en tant qu’organisation professionnelle patronale, hommes d’affaires, décideurs économiques nous essayons quand même de se battre, de se maintenir au même niveau qu’avant la Covid même si c’est très difficile. Par rapport au contexte mondial, le Sénégal c’est un pays parmi d’autres. Un minuscule pays lorsque vous regardez la macroéconomie, la géopolitique internationale donc, nous sommes obligés de recevoir des coups ou de vivre difficilement aujourd’hui avec le contexte imposé par la Covid-19. Cependant, je ne pourrai pas dire que les clignotants sont au vert mais vous venez de suivre le vote du budget qui est passé à 4.500 milliards. Je pense qu’énormément de projets sont aujourd’hui en gestation ou en cours. Et ce qu’on peut dire pour terminer sur cette question c’est que la situation est difficile mais l’économie sénégalaise résiste encore pour l’instant.
On annonce la récession au niveau mondial mais aussi au Sénégal. Le plan a-t-il permis de soulager les entreprises touchées par la Covid?
Oui ça a permis de soulager certaines entreprises. Vous savez que ce fond Covid on parle de 1000 milliards mais pour les entreprises c’était à peu près 502 milliards. Et ce n’était pas que du numéraire. Il y avait aussi des facilités au niveau des services fiscaux et autres. Ce qui fait qu’il y’a moins de 300 milliards qui ont été injectés dans le circuit. Alors ce que je disais en étant membre du comité force Covid-19, les critères d’éligibilité étaient pour moi un tout petit peu complexes et difficiles pour certaines entreprises surtout les Pme à les remplir. Parce que lorsqu’on vous exige des états financiers, nous savons que plusieurs entreprises notamment les Pme n’ont pas d’états financiers certifiés, il fallait démontrer aussi que vous aviez minimum 5 employés réguliers. Il fallait aussi démontrer que vous avez été impacté. Il y’avait donc énormément de critères que les entreprises n’arrivaient pas à remplir. Du coup personnellement en réunion avec les banques, j’ai suggéré l’allègement de ces critères. Parce que dans ma position de président du Meds, je recevais des centaines de dossiers de financement parce qu’en un moment donné les chefs d’entreprise n’avaient plus de moyens de payer les salaires, de payer les charges, de faire face aux besoins et la solution qui s’imposait c’est de fermer boutique et d’attendre des lendemains meilleurs. Ce qui a amené aujourd’hui que plus de 7.000 entreprises ou même plus ont fermé boutique depuis le début de la Covid. Ça était très difficile mais heureusement il y’a eu ce plan de résilience qui a aidé plus ou moins certaines entreprises à faire face surtout les grandes entreprises à faire face et de ne pas licencier. Parce que le président de la République nous a fortement demandé de tout faire pour ne pas licencier et même peut-être de faire des chômages partiels ou techniques en payant 70% du salaire mais maintenir l’emploi. Malgré tous ces efforts le constat encore là. Certaines entreprises ont résisté par la résilience. Mais une majorité d’entreprises ont été obligées de fermer boutique ou de diminuer plus de la moitié de leur personnel en attendant des jours meilleurs. Donc, ce plan de résilience est une bonne chose. Sans ce plan saurait été la catastrophe (…).
On prédit une deuxième vague de Covid au Sénégal ?
Avant de répondre à cette question, je rappelle que nous sommes dans le secteur de la communication et de l’événementiel. C’est l’un des secteurs les plus touchés. Tous les grands événements ont été annulés je veux dire les African Leadership Awards, les Cauris d’or,… Si vous n’avez pas d’autres activités ou des stratagèmes pour résister, c’est difficile. Parce que lorsque vous avez des collaborateurs et vous dites on n’a pas de rentrées d’argent, on n’a plus d’activités donc restez chez vous parce qu’on ne peut plus vous payez. Mais ces personnes-là ont des familles, entre autres, charges. Heureusement on est au Sénégal et c’est cette dimension humaine qui fait qu’on a tout fait pour résister. Toutefois, on redoute une deuxième vague et ça ce serait catastrophique parce que notre économie ne supporterait pas. Vous avez vu en France le président Macron à tout fait pour ne pas reconfiner parce que l’économie est au cœur de la vie d’une nation. Il y’a quelques semaines au Sénégal une tendance baissière mais ces derniers jours ça commence à remonter. Il y’a de quoi s’inquiéter mais vous savez que le Sénégal et ça je l’ai dit à Paris il y’a quelques semaines dans une grande rencontre internationale. On m’a posé la question de savoir comment j’ai trouvé la tendance baissière au Sénégal et j’ai dit que ce n’est pas la discipline de nos compatriotes mais peut-être parce qu’on a su anticiper en ayant une politique d’anticipation et d’accompagnement. La preuve lors du Magal et du Gamou il n’y a pas eu une explosion de cas. Donc, espérons que nous allons continuer à surfer dans cette dynamique baissière et puis faire face. Parce que comme je l’ai dit une deuxième vague serait catastrophique pour le Sénégal et pour l’économie sénégalaise. Aucune entreprise ne pourrait résister à une deuxième vague.
Ne craignez-vous que le secteur des affaires soit encore laissé en rade ?
Je commence par la croissance. Vous savez que la croissance dans un pays représente l’indicateur de richesse. Comme vous le dites les entreprises devraient toujours être au cœur. Parce que ce sont elles qui créent la richesse, les emplois et elles contribuent aussi à la croissance. Et malgré le soutien du président de la République pour le secteur privé, certaines décisions sont orientées plutôt sectoriellement. C’est vrai que les entreprises disent parfois qu’elles sont oubliées alors que l’entreprise doit être au cœur de toute politique comme dans tous les pays. Je crois que c’est un cas que nous échangeons avec le président qui, a compris que le secteur privé dans son ensemble est capital dans sa politique. Je dois dire que certains évoluent dans le secteur de la pêche, de l’Agriculture, etc. Ce vrai qu’aussi la plupart des chefs d’entreprise sont des citadins. Mais l’Agriculture est un facteur essentiel de notre croissance et du développement de ce pays. Il faut également le secteur de la pêche parce qu’il y a tellement de secteurs aujourd’hui qui ne sont pas valorisés et qui sont des secteurs à forte croissance. Mais tout le problème c’est le financement, l’accompagnement et le suivi. C’est ça le problème en Afrique et particulièrement au Sénégal.
Aujourd’hui quelle lecture faites-vous de la situation du chômage au Sénégal surtout après la polémique suscitée par les chiffres de l’Oit?
J’ai compris très tôt que le chômage serait un facteur bloquant pour le développement du pays. A l’époque j’ai conceptualisé le forum du premier emploi. Dans ma biographie ou mes interviews je dis que j’ai conceptualisé une quinzaine de concept mais celui qui me tient à cœur c’est le forum du premier emploi. Parce qu’en lançant ce forum on disait que je suis un rêveur, un utopiste parce qu’il n’y a pas de chômage au Sénégal et c’était en 2000. 10 ans après, le chômage a complètement implosé. 20 ans voici ce que nous vivons. Donc le taux de chômage a toujours progressé aussi bien ici au Sénégal que dans tous les pays africains et même dans les autres pays. Cependant le problème que nous avons au Sénégal et je l’ai dit il y’a 10 ans que chaque année 200.000 jeunes diplômés arrivaient sur le marché. Aujourd’hui on peut doubler ce chiffre-là. Dans les entreprises sur une année on n’embauche pas plus de 50.000 jeunes. J’ai proposé aux jeunes l’auto emploi. Ils ont essayé mais s’il n’y a pas de suivi et d’accompagnement le problème de financement se pose toujours. Aujourd’hui le chômage il est galopant et personne ne peut le contester. Aujourd’hui les chiffres de l’Oit n’ont pas été réactualisés. Mais la réalité c’est que les entreprises n’arrivent pas à absorber tous ces jeunes qui arrivent sur le marché. C’est vrai que l’Etat a créé des entités pour financer les jeunes et ma position c’est de mutualiser toutes ces structures-là qui ont pour ambition de financer et d’accompagner les jeunes. Tout simplement les jeunes que nous recevons et je précise en passant que nous avons mis en place une fondation emploi jeune depuis 2001 et nous avons 90.000 fichiers de CV, on a tous les profils et tous les jours ce que les gens ne savent pas les entreprises nous appellent et nous mettons à leurs dispositions des profils. Nous avons le fichier le plus riche au Sénégal plus que la direction de l’emploi. C’est pourquoi je suis à l’aise de parler de la problématique de l’emploi au Sénégal (…). Je prône la formation professionnelle parce qu’un jeune doit avoir un métier. C’est ce qui nous a motivé d’ailleurs a lancé la nuit de l’orientation. C’est pour orienter les jeunes et tout cela est gratuit. Parce que nous posons des actes citoyens et de solidarité.
Est-ce qu’il y a, selon vous, un rapport entre le chômage des jeunes et l’émigration clandestine ?
Vous savez que prendre les embarcations pour braver la mer ce n’est pas du tout repos. Si les jeunes sont à ce stade c’est parce qu’il n’a pas de perspective. Parce que dire « Barca wala Barsakh » c’est comme se suicider. Tout cela parce qu’on a une paupérisation galopante (…). Parfois tu te réveilles le matin et vous ne savez pas quoi faire. Alors qu’à côté il y’a un jeune qui est venu en vacances, qui construit une maison et conduit des voitures de luxe tu te dis que c’est l’Eldorado alors que ce n’est pas le cas. J’ai eu la chance de voyager partout dans le monde et la façon dont les africains vivent c’est difficile. Les jeunes sont désœuvrés et malgré tout ce qu’on dit on note toujours des embarcations. Ils veulent réussir certes mais l’émigration n’est pas la solution. La pesanteur sociale est tellement lourde dans notre pays que le jeune a besoin de se réaliser. Nous le vivons tous très mal ce que nous voyons. C’est vrai qu’il faut dire à ces jeunes que ce n’est pas la solution mais ils vous demanderont c’est quoi donc la solution ? Parce qu’ils n’ont plus de perspectives. C’est un drame que nous vivons tous parce que nous sommes des pères et des mères. Donc, c’est une problématique centrale et l’Etat est en train de réfléchir sur les solutions. Pour moi la solution c’est de faire en sorte que ces jeunes-là aient un métier. Parce que si vous n’avez pas de métier c’est très difficile de vous insérer. Il faut aussi la formation professionnelle des jeunes.
Cheikh Moussa SARR