La prise en charge des personnes vivant avec le VIH au district sanitaire de Kolda se heurte à un manque de « RADIO FONCTIONNELLE » dans ladite structure. L’annonce est du Dr Thierno Chérif Sy, médecin coordonnateur régional de la prise en charge du VIH en marge de la caravane du l’association des journalistes en santé, population et développement (AJSPD) et le conseil national de lutte contre le Sida (CNLS).
Kolda est dans une liste rouge avec un taux de 1,5 % du VIH. Selon Dr Thierno Chérif Sy, médecin coordonnateur régional de la prise en charge au niveau de la région de Kolda, il faut une ressource humaine disponible pour une meilleure qualité de la prise en charge, mais également du côté du laboratoire pour le diagnostic des infections opportunistes. « Actuellement, le district sanitaire de Kolda, depuis plus d’un an, nous n’avons pas de radio fonctionnelle. Quand on sait la place qu’occupe la radiographie dans le diagnostic, notamment de la tuberculose et d’autres infections opportunistes, sur le plan bactérial, biochimie et autres également, il y a des difficultés quand même qui sont là, qui ne plaident pas en faveur d’une meilleure qualité de la prise en charge », plaide-t-il.
Il note que l’infection à VIH est souvent sujette à la stigmatisation et à la discrimination. « Ce qui fait qu’au niveau de cette unité de traitement, nous prenons en charge non seulement les personnes vivant avec le VIH, mais également la population générale pour les autres pathologies », dit-il. Et de poursuivre : » C’est une unité actuellement, qui prend régulièrement en charge 1834 personnes vivant avec le VIH. Parmi cette file active il y a les patients qui sont régulièrement suivis et qui viennent à leur rendez-vous. Nous avons des enfants, des adolescents, des hommes et des femmes ». 1394 femmes sont régulièrement suivies et 430 hommes depuis 2006. « Dans cette file active, nous avons également des enfants pour la tranche d’âge de 5 à 10 ans. Nous avons 57 enfants que nous suivons régulièrement au niveau de cette unité de traitement du district sanitaire de Kolda », renseigne-t-il. Il informe que l’unité de traitement ambulatoire de Kolda est une structure de référence. « Ce qui fait que la fréquentation est très importante, d’autant plus que c’est une unité qui permet de prendre en charge en évitant la stigmatisation. Donc les patients qui arrivent, uniquement le médecin sait qui est qui. Donc la population générale fréquente sans savoir de quoi on traite réellement. Donc ceci nous permet d’éviter surtout la stigmatisation et la discrimination qui est liée à cette maladie », rassure-t-il.
La tuberculose est également prise en charge par une unité car c’est la première infection opportuniste qui survient sur ce terrain d’immunodépression. » Dans la région de Kolda, il y a une prévalence très élevée par rapport aux autres régions du pays qui est présentement à 1,5% au même moment où la prévalence nationale est à 0,5%, ce qui fait 10 fois la prévalence nationale. Donc le fait de mettre en place cette unité a permis vraiment l’adhérence des populations pour le respect de leurs sujets, ce qui fait qu’aujourd’hui, l’unité de traitement ambulatoire est le premier site du Sénégal, de par la taille des personnes vivant avec le VIH » , se félicite-t-il. Et de soutenir : »Nous contribuons énormément dans l’atteinte du premier 95 et actuellement au niveau des districts sanitaires de Kolda, pour le premier 95, nous sommes autour de 94,5%.
Donc c’est un indicateur qui est presque atteint. Le deuxième 95, nous sommes à 96%. Et le troisième 95 également, le district est parvenu à atteindre le seuil de 94,6%« . Il relève toutefois que les difficultés sont liées à la prise en charge pédiatrique. « Pour les enfants, la file active est composée de 57 enfants régulièrement suivis sur 1834 PVVIH », renseigne-t-il. A l’en croire, les difficultés sont liées à beaucoup de facteurs, notamment par rapport à l’accessibilité géographique et financière même de la structure. « Nous sommes un district qui polarise 41 postes de santé et nous avons des postes de santé qui sont situés à plus de 90 à 95 kilomètres du centre de santé, ce qui fait que dépister certaines couches de la population est très difficile.
Avec la raréfaction des ressources, donc les stratégies de dépistage au niveau de la communauté sont devenues très rares. Donc les ressources sont vraiment orientées vers les populations clés et nous, nous sommes dans une région où la prévalence est très élevée et les stratégies qui doivent aller vers la population générale malheureusement ne sont pas financées, ce qui fait que l’atteinte de certaines couches de la population pose problème à ce niveau », se désole-t-il. En ce sens, il rappelle que Kolda est une région transfrontalière avec trois autres pays où la prévalence est plus élevée que le Sénégal. » Il y a aussi le plateau technique de ces pays environnants qui n’est pas aussi au même standing que le Sénégal. Nous avons beaucoup de patients qui viennent de ces régions et malheureusement quand ils sont dans la région, vous ne pouvez pas faire la part des choses, d’autant plus que c’est des gens qui viennent, qui ont de la famille dans la zone, vous avez du mal à faire la part des choses », dit-il.
« Il y a des perdus de vue «
Le docteur Sy relève toutefois des perdus. « C’est une grande difficulté également du fait de la question transfrontalière mais également du fait de la crainte, parce qu’il y en a toujours avec la stigmatisation et la discrimination qui réside malgré les efforts qui ont été faits pour les éviter. Mais souvent, il y a cette stigmatisation au sein de la population en général qui font que des personnes sont dépistées positives », dit-il.
Et d’ajouter : »En certains moments, dès qu’ils sentent un léger mieux, ils ne reviennent plus à leur rendez-vous. Et dans notre jargon médical, un perdu de vue, c’est un patient qui ne vient pas à son rendez-vous jusqu’à 28 jours après. Ce sont des personnes qui, quand ils ne sont pas suivis, peuvent transmettre l’infection malheureusement à d’autres personnes. Et cette question des perdus de vue, elle est là, elle pose problème également, malgré les efforts qui sont faits parce que dans la structure avec le service social, nous nous organisons de telle sorte que des relances se fassent régulièrement pour rappeler les rendez-vous à des patients avant la date ». Sur cette question, il souligne qu’il y a certains qui n’ont même pas de contact téléphonique. « Et quand les moyens ne suivent pas pour que le travailleur social puisse se déplacer vers le client, il y a des difficultés que nous rencontrons dans la prise en charge d’infection du VIH », ajoute-t-il. Pour y faire face, il préconise d’améliorer les stratégies de dépistage.
« A Kolda, nous dépistons souvent des patients en stade d’avance de la maladie (stade 3 ou 4). Si, nous voulons éliminer l’infection à VIH comme problème de santé publique à l’horizon 2030, il faudrait que les patients soient dépistés très tôt au stade précoce de la maladie et mettre des stratégies de dépistage intégrées à l’endroit de la population en général », prescrit-il. Il promeut l’intégration de ce dépistage à d’autres pathologies chroniques telles que l’hypertension artérielle, le diabète, l’hépatite virale B pour que les populations puissent adhérer à cette stratégie.
Sur cette liste, il y ajoute le rehaussement du plateau technique des structures sanitaires au niveau du Sénégal et le renforcement des ressources humaines. Il fait noter que le manque de moyens de certains les pousse à abandonner. « Ils n’adhèrent pas à des mutuelles de santé, souvent pour faire le diagnostic de certaines infections opportunistes ou bien quand vous faites la prescription pour la prise en charge des infections opportunistes, malheureusement, ils n’ont pas les ressources. Et les mutuelles que nous avons actuellement au Sénégal ne prennent pas en compte les maladies chroniques », indique-t-il.
NGOYA NDIAYE