Dans un pays en guerre, on peut se passer des politiques mais non des militaires. Or, le Mali est en guerre. Donc, l’Armée est devenue, dans ce pays, l’institution-far, c’est-à-dire sur laquelle tout le monde compte. Ses chefs ont ainsi le vent en poupe surtout quand le Président de la République est renversé par ses mêmes militaires parce que c’est une bonne partie du peuple réunie au sein du M5 qui le réclamait.
Ainsi, non seulement l’Armée fait la guerre, mais elle débarrasse le peuple d’un homme considéré comme ‘’gênant’’. Alors, elle a toutes les gloires jusqu’à la minute où on se rend compte qu’elle n’entend pas du tout céder le pouvoir.
Alors, les suspicions commencent surtout au sein des contestataires du M5 qui, durant trois mois, sont descendus dans la rue.
En réalité, ce que ces frustrés n’ont jamais compris, c’est que l’Armée revendique aussi sa part dans la gestion du pouvoir. Ce qu’elle a toujours fait au Mali depuis le Général Moussa Traoré déjà en novembre 1968.
Comment pouvait-on imaginer qu’après un coup de force contre le protocole de la CEDEAO, les militaires allaient ainsi s’arrêter en si bon chemin ?
Ils ont vaincu Ibrahima Boubacar Keïta, ils ont réussi à adoucir la CEDEAO et arriveront aussi à calmer le M5. Car, ce sont de vaillants stratèges, rompus à la tâche de la guerre, qui n’est pas seulement l’affrontement physique.
Aujourd’hui, tout le monde est en train de se rendre compte que les militaires ont un agenda caché. Mais, seulement maintenant. Ne l’avions pas dit et répété dans cette chronique. C’était sur le principe qu’il ne fallait pas transiger. Maintenant que les carottes sont suites, il sera difficile pour les membres de l’opposition et de la Société civile y compris les religieux de s’attaquer à des militaires dans un pays en guerre.
La junte a compris qu’après IBK, la Cedeao a capitulé faute d’autres alternatives. Elle a su gérer leurs ambitions d’une façon soft en manœuvrant fort pour ménager la susceptibilité des uns et des autres. Eh bien, elle va continuer dans cette lancée.
Une simple question : Pourquoi la junte souhaite avoir une transition de deux à trois ans et non d’un an comme l’exige la Cedeao ? La réponse à cette question pourrait nous édifier sur leurs véritables intentions.
En réalité, comme les politiques, ils veulent, eux aussi exercer le pouvoir et jouir de ses opportunités. Les civils se méfient d’eux et eux aussi se méfient des civils surtout des politiques.
C’est la méfiance réciproque entre le Comité national du salut du peuple (Cnsp) et la coalition d’opposition M5-RFP. Et comme c’est l’Armée qui a le pouvoir et les armes, elle reste ferme et verse dans le dilatoire. Car, la meilleure stratégie ici est de jouer dans le pourrissement et la lassitude.
Aujourd’hui, l’Armée qui a observé les attitudes de chacun et écouté tout le monde a compris une vérité simple : Chacun souhaite mener la transition en exigeant une forme de légitimité.
Pourquoi ? Parce que le pouvoir ouvre les portes de la caserne d’Ali Baba. Alors pourquoi ne pas en profiter ?
Nous allons sans doute nous répéter : Si chacun était seulement mû par l’intérêt supérieur du Mali, le coup de force de 2012 ne se serait jamais reproduit en 2020.
Ce que Dicko et les autres ont compris, c’est que l’Armée a confisqué leur ‘’révolution’’ pour en faire sienne et en dicter les lois.
Or, si la junte a domestiqué la Cedeao, aucune autre force ne pourra lui résister dans une situation complexe comme celle du Mali.
Et tout ceci revient à tout ce que j’ai toujours défendu : C’est qu’un coup d’Etat ne saurait être admis ou toléré. Le faisant, on a ouvert la boîte à pandore et inscrit le Mali dans une forme de ‘’pouvoir martial’’ avec deux ennemis à combattre : les Djihadistes et les politiques.
Et l’Armée ne se trompe jamais d’ennemi. Elle sait les reconnaitre.
Assane Samb