L’abrogation de la loi d’amnistie a été un thème de campagne cher aux autorités en place. De la présidentielle aux législatives, le leader du Pastef Ousmane Sonko a parcouru le pays, en promettant, entre autres, l’abrogation de la loi d’amnistie. Lors de sa Déclaration de politique générale (Dpg), il y a eu un glissement sémantique : Sonko ne parlait plus d’abrogation mais de rapporter la loi d’amnistie.
Quelques mois, la loi n’a été ni abrogée ni rapportée. C’est le statu quo ante. Aujourd’hui, c’est un député de l’opposition qui veut prendre les choses en main. Thierno Alassane Sall souhaite déposer une proposition de loi dans le souci de faire abroger la loi d’amnistie. Or, il sait qu’il n’a aucune majorité pour faire voter une telle loi qui requiert au moins 2/3 du Parlement. En conséquence, sa proposition est un piège : Car, si le régime vote la loi, il va en récolter les dividendes politiques parce que l’opinion va retenir que c’est grâce à lui. Et si jamais le vote était refusé y compris en commission technique, les sénégalais vont se dire que le régime n’avait aucune envie de respecter cette promesse électorale.
Dans tous les cas, Alassane gagne au change, politiquement parlant. L’homme est d’une grande dextérité politique. Il sait lire les situations et prendre les décisions qui s’imposent pour honorer son statut d’opposant. En clair, il met mal à l’aise les autorités face à une abrogation qui ne sera pas facile. Car, en optant pour les indemnisations, le gouvernement semble être inscrit dans la dynamique de tourner la page. Car, normalement, on devrait attendre le ou les procès après l’abrogation et écouter les juges qui vont prononcer les réparations pour les victimes.
Si les autorités annoncent des indemnisations, cela peut vouloir signifier qu’elles n’entendent pas faire abroger la loi d’amnistie. Et ça se comprend aisément. Car, nombre de casseurs et de gens qui brûlaient des stations-services, maisons et voitures, peuvent être des militants ou sympathisants du parti au pouvoir. Certes, il est important de connaître la vérité, mais l’oubli a aussi son charme dans une situation où la loi d’amnistie a permis aux dirigeants actuels d’être tirés des griffes de la Justice. Si l’abrogation survenait et que la Justice reste impartiale, nombre de bénéficiaires des indemnisations pourraient être incriminés. C’est pourquoi, il est important d’être prudent par rapport à la perspective de l’abrogation.
Assane Samb