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election legislative senegal 2022

Législatives 2022: une élection, de la nouveauté et du recul.

« Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître, et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les phénomènes les plus morbides » Gramsci

La grosse désillusion de la coalition BENNO BOKK YAKKAR à l’issue des élections législatives aura été un véritable drame. Elle en a le déroulé, le suspense et la cruauté du sort pour le principal concerné. Le Président de la république a longtemps cru que la mise en devant de son bilan matériel à coup d’inauguration à tout va, la remobilisation des anciens pontes bannis de son entourage, le débauchage des figures de l’opposition qui, jusqu’à un passé récent bénéficiait d’une certaine onction populaire , et surtout l’escapade de ses largesses innombrables allaient lui permettre de sortir indemne des joutes législatives qu’il a d’une certaine manière qualifiée d’élection « d’autodétermination ».

Et voilà que du maussade à l’exécrable, les vieux rêves de reconquête d’une majorité parlementaire à même de lui garantir un positionnement structurel sur l’échiquier politique national, de gouverner à mille lieues des attaques et effluves du Sonko des tropiques, et de donner des signaux verts à ses éventuels souteneurs pour le troisième mandat se sont soudainement effondrés, à l’image d’un pachyderme au membres sclérosés.

Et le silence de cathédrale à l’affut des fanfarons habituels qui accompagnent désormais la marche cachotière des élus de la coalition BBY au sein de l’hémicycle de rendre bien compte de l’ampleur de la désillusion et de la rudesse sort que rien n’aurait semble-t-il prédit.

Quand l’utopie d’une cohabitation devient une réalité accablante à tel point qu’on ne saurait lui tourner même volontairement le dos, ce sont les vieilles certitudes qui s’effritent, c’est l’hégémonisme politique qui s’étiole et perd le nord,  c’est la remise en cause, pire c’est l’aversion. L’aversion envers le système qui hier vous aura porté, chouchouté, choyé et qui aujourd’hui vous place au même rang que vos poursuivants et vous menace même d’expulsion. Une expulsion qui serait plus liée à l’attrait d’un bilan immatériel devenu handicapant, qu’à l’absence de réalisation à vendre. Même si le symbolisme si cher à Wade n’aura peint les nombreuses réalisations de son successeur, il reste que la dynamique de vote sanction ne saurait s’accouder sur une absence systématique de réalisations, aussi maigre soient-elles. Et la marche effrénée en arrière depuis les élections présidentielles de rendre compte du désamour grandissant qui s’est installé entre le locataire du palais et les sénégalais, mais un désamour qu’il faille nécessairement passer au crible et aux peignes fin. Et comme disait Léon Gambetta, il faudrait à un moment donné que les effets cèdent face aux causes.

En vérité, les causes de l’essoufflement du grenier électoral de la coalition au pouvoir sont d’abord à chercher dans l’escalade des coups portés  à la démocratie, la richesse première des sénégalais.

Si la liberté pour tous et l’égalité devant la loi ont toujours été perçues comme les angles morts de notre démocratie, cette dernière ne pouvait davantage se complaire à un musellement de son versant électoraliste avec la multiplication des mesures tendant à créer une démocratie sélective.

Du système de parrainage aux destitutions d’élus suite à des démêlées avec le système judiciaire en passant par les pertes de droit civiques, un sentiment d’instrumentalisation de la démocratie électoraliste par la fermeture des voies de sorti de l’unilatéralisme politique s’est épris de l’électorat qui se devait de jouer son va-tout.

Quand l’élection devient le lieu de restriction de la souveraineté populaire, de rétrécissement du choix et de négation de la pluralité, nous avons ce qui a des locales à nos a jours à crée des élections non plus d’installation d’élus aptes à être service d’une gouvernance mais des référendums populaires pour la survie de la démocratie.

Et comme disait l’autre, la source qu’on empêche de jaillir s’en venge par des excavations dont on se rend compte bien plus tard.

Le 31 juillet 2022, cette mélopée de coups sous forme de remise en cause une nouvelle fois du principe de la participation, façonnera une conscience électorale qui aboutira à une forme de vote sanction. Et l’absence de vision programmatique d’une opposition qui a plus été dans le slogan que dans la technicité de le démontrer à suffisance. Mis à part Aar Allan wi dont la voix programmatique a été inaudible tout au long de la campagne, l’opposition significative n’a versé que dans un populisme qui s’articulait autour du troisième mandat, son cheval de Troie pour combler les carences de ses porte-voix ou de certains de ses investis ayant fait irruption sporadique dans l’arène politique que par erreur matérielle.

On pourrait ainsi, sans risque de se tromper, dire que l’élection s’est jouée sur un terrain qui n’a été celui de la prospective mais plutôt sur celui d’un ressenti dû à l’inobservation à priori de principes et règles que les sénégalais estiment comme sacro-saints, et que Benno devra bien apprendre à ses dépens.

On ne peut dans un principat habitué à vivre dans la démocratie et l’Etat de droit, entretenir ne serait-ce que les suspicions des germes d’une société pré démocratique devra-t-on convenir avec Machiavel, le poète de Florence.

Au demeurant, ce recul trouve aussi  fondement dans les errements sur le discours politique par les préceptes « d’autodétermination » pour le troisième mandat qui a été tour à tour le tendon d’Achille de la campagne de Benno. Ayant depuis le journal « Jeune Afrique » fait de l’élection législative le lieu de l’éclaircissement de sa position par rapport à l’élection de 2024, le Président aura,  sans le vouloir, donné à cette élection une allure de présidentielle anticipée.

Le Président de la république en usant des vocables de détermination après les législatives, aura structuré le débat autour d’un oui ou d’un non au troisième mandat. De quoi jeter l’opprobre dans la campagne de l’ex premier ministre qui, en voulant mettre le doigt sur les réalisations du président, s’est heurtée sur le terrain à cette idée préconçue que son mentor aura installé dans la conscience des électeurs.

Ainsi s’est créé une disjonction qui faisait que le seul arme utile dans les grandes villes était de convaincre les sénégalais de là l’impossibilité du troisième mandat: idée non encore élucidée au sein de Benno et à propos de laquelle les sénégalais ont déjà manifesté leur désapprobation.

Au firmament de cette thèse, l’élection aura débouché sur une perception qui mérite d’être détaillée ici.

Du côté de l’opposition, si la percée reste historique, les armes utilisées par un discours de dénigrement à forte dose de populisme n’augurent rien de bon dans la mise en œuvre d’institutions au service du développement. En tirant sur la corde du troisième mandat, l’opposition n’aura démontré une propension à surpasser le conflit politique pour faire germer  dans le discours les semences d’une assemblée à même  de réaliser son rôle plénier. Au contraire, elle s’est enlisée dans l’utilisation abusive de slogan dont elle peut fatalement faire l’objet demain à défaut de se prévaloir d’un peu de technicité dans l’appréciation des problèmes majeurs des sénégalais. A noter l’utilisation encore abusive du précepte « d’impôt » qui est constamment revenu dans le discours de ses leaders comme s’il était un levier à même de soutenir le développement, tout le développement.

Côté pouvoir, le score noté,  dénote sans doute un recul dramatique mais peut-être salvateur pour tout projet de troisième mandat possible. S’il est partie pour s’adjuger une hypothétique majorité, le pouvoir est aujourd’hui inconfortablement assis à l’hémicycle. Une posture qui,  à lui seul, suffit pour démontrer le caractère minoritaire de certaines de ses positions en matière de gouvernance: le troisième mandat y compris.

Pour autant, en dehors du schéma d’un troisième mandat porté par le Président de la république, cette dernière coalition pourrait avoir une chance de survie s’il conquiert les voix de cette partie indécise de l’électorat qui n’a daigné aller voter. La bataille pour ces futurs arbitres silencieux devra donc configurer les prochaines manœuvres politiques. Encore faudra t’il déceler les causes de ce recul de la citoyenneté ou plutôt de ce retrait à la chose politique d’une partie de l’électorat qui semblerait n’avoir plus le courage de pouvoir proclamer sa voix sous le joug du radicalisme politique perturbant, surtout sur les réseaux sociaux.

Face à la déchéance programmatique qui semble s’éprendre de ces deux versants décidément empêtrés dans le conflit politique à l’heure des grands enjeux internationaux, seul une troisième voie progressiste consciencieux de l’exigence de sortie du nationalisme rétrograde et de l’inféodation au système libéral serait peut-être la porte de sortie.


Mais il ne s’agirait pas de cette troisième voix qui, à l’issue des élections législatives traîne déjà plusieurs casseroles. Et dont sur les frêles épaules reposent désormais plusieurs non-dits.

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