Ciseleur de mots, penseur d’idées et panseur de maux, l’invité people du jour est un loquace qu’on ne se lasse pas d’écouter. Éclectique, il pense le mot pour son sens et son son. C’est dire que chez lui, la forme et le style s’interconnectent pour un mariage de raison et de rythme. Homme de son monde, champion du slam national, il vaudra au pays et continent des trophées derrière quoi il ne court point, sa vie se résumant à donner pour recevoir ce qu’il redonne et redonne. (WILLIAM SLAMKORBAN)
Que dire du poète-slameur que vous êtes ?
Le slameur s’appelle William Clarence Mendy à l’état civil, William Slamkorban sur scène. Double champion de Dakar et champion du Sénégal. Animateur d’atelier d’écriture et de performance scénique. Coordonnateur du K-refour Poétik Club dans l’association Africultuban, l’un des premiers Collectif de Slam au Sénégal. Un style propre, une vision large, une écriture simple à la fois spirituelle. Très engagé dans le vivre ensemble et l’inter-culturalité, l’écologie et les questions socio-politiques, socio-économiques, santé, pauvreté, valeurs, morales…
Comment le slam est venu à vous ? Une vocation ?
Le slam je l’ai rencontré au sortir d’un concours ouvert aux jeunes intitulé Jeune Talent organisé par les Scouts 7iem Dakar et la CEB Jean Paul 2. Là-bas, j’ai fait mon premier concours de poésie orale sur scène mais je ne connaissais pas le slam avant. C’est après que j’ai rencontré le K-refour Poétik à travers le président de la ligue sénégalaise de slam Omar Benkhatab Keïta en 2017. Il faut noter que dès mon enfance, j’ai toujours aimé déclamer des textes, faire de la poésie orale, la lecture à haute voix, écouter les lyrics des chansons… Une vocation on peut dire parce que je m’identifie en tant que slameur et avec cet art libre et apprécié par les sénégalais je gère bien ma vie.
Quelle place occupe l’écriture dans votre processus de création ?
L’écriture dans ma création est importante pour ne pas dire centrale… Parce qu’il y a l’inspiration qui motive la plume. Mais je respecte bien cette phase dans mes créations. Non seulement elle permet de « retravailler » et faire évoluer les idées mais également de renforcer l’esthétique pour enfin faciliter la déclamation.
En quoi le slam est-il unique ?
Ce qui rend unique le slam c’est son emprunt, sa marque dans les cultures urbaines. Acapela, un public libre dans l’appréciation tout du moins subjectif, des textes libres dans la conception et même la déclamation, la liberté d’expression et de réflexion. Encore mieux la liberté dans le choix des thèmes et des philosophies.
Qu’est-ce qui fait son originalité ?
Je dirais juste d’une part que son originalité vient des règles à savoir 3mn 10 secondes de grâce sur scène, pas de costume ni de fond sonore. (cela peut bien changer selon les pays et scènes, précise-t-il). D’autre part, le slam est ouvert à tous: amateur, professionnel, petit(e), grand(e), femme, homme, trisomique, autiste… Il est inclusif et fédérateur.
Qu’est-ce qui vous motive en tant qu’artiste ?
Ce qui me motive le plus c’est de savoir que les mots participent à guérir et à redonner espoir au terriens. Me dire que mon slam est pour l’autre nourriture et médicament. Que les mots ont aussi le pouvoir de déranger l’autre dans le but de lui faire poser la bonne question.
Qu’est-ce que cela fait d’être élu champion du Sénégal en slam-poésie ?
Élu champion du Sénégal, c’est déjà une grande joie pour moi. Parce que je vous rappelle qu’en 2020 j’étais vice-champion du Sénégal. Au sortir de ça j’ai vraiment redoublé d’efforts pour battre à nouveau le record. Aujourd’hui grâce à Dieu je suis devenu le winner. C’est le fruit d’un long et dur labeur. Malgré les critiques et harcèlements surtout dans les réseaux sociaux, je n’ai pas reculé d’un iota. C’est pourquoi je suis vraiment fière de moi.
Qu’est-ce qui a changé dans votre vie depuis ?
Ce qui a changé c’est que désormais c’est William Champion du Sénégal (Rire). Beaucoup de choses ont évolué, la vision surtout. William Slamkorban a décidé de se ressourcer techniquement et dans la créativité. J’ai conscience que j’ai l’obligation de repousser mes limites parce que sur mes épaules je porte le drapeau pour la coupe d’Afrique de slam poésie (CASP). Rappeler que le Sénégal après deux ans est finaliste en 2023 à cette grande compétition de slam qui aura lieu au mois de Novembre au Mali. Déjà c’est un pas que j’ai franchi et je suis content de l’avoir fait. Sur 30 pays, 9 devaient se qualifier. Moi, personnellement, je me sens en sécurité entre les mains du bon berger !
Un mot sur les séries de violences notées dernièrement ?
C’est très dommage que le Sénégal se réveille et se couche sur le sang de ces filles et de ces fils. Je prie pour que la paix règne à jamais. Mais quand un pays sombre dans la loi du plus fort, que le mutisme devient le plat préféré des censés inviter la paix et l’unité des cœurs et qu’une jeunesse brisée, tout le temps critiquée, cherche sa liberté pour ne pas dire se délier des chaînes des aînés qui n’en font qu’à leur tête, il faut vraiment s’attendre à tout.
Des projets en vue ?
Le projet majeur c’est de ramener la coupe au pays. Mais avec le staff on travaille pas mal sur de nouvelles pistes qui vont sans doute vous être présentées bientôt. On travaille également sur des spectacles avec des tableaux très enrichissants. Et pour ceux qui veulent rester connectés à la communauté ils peuvent toujours nous suivre sur nos différentes plateformes de communication.
ANNA THIAW