Le nom renvoie à un fruit prisé. Comme quoi le personnage est artistiquement consommable. Mais, pour le rappeur, le symbolisme est loin d’être fruitier, il le préfère juridique. En fait, il envisage le rap comme une mission sociétale. Aussi rappe-t-il dans la peau d’un avocat qui porte la toge pour son peuple. Dans son acception, l’art est un engagement et ses thèmes sont autant de cas à résoudre au profit de la partie civile qu’est le peuple sans voix et opprimé. Donc plus que chanter, Avokat plaide-t-il en rythme pour rétablir un ordre mondial agressé. Dans sa plaidoirie, il se met dans une folie créative qu’il sème dans son sillage.
Parole maître, le prétoire est attentif….
Parlez-nous de vos débuts dans le rap et des difficultés auxquelles vous avez été confronté ?
Pour ce qui est de mes débuts, je n’ai pas vraiment rencontré de problèmes. J’ai grandi dans un environnement où le hip hop occupait une très grande place. Mes grands-frères, par exemple, évoluaient dans le break dance, et il y avait toujours cette ambiance hip hop à la maison. Au fil du temps, je m’y suis plu, je reprenais les chansons à ma manière, m’entrainais à la danse, entre autres. Mes parents ne s’y sont jamais opposés, du moment que je me pliais à leurs obligations. Ils m’ont soutenu, sachant que c’était une chose que j’aimais bien faire. Sinon, le hip hop que je faisais à mes débuts est différent de celui qui se fait de nos jours. Il fallait être doué, avoir un style et un flow nouveau pour se faire remarquer. Mais j’ai vraiment dû bosser dur, montrer ce que je valais pour en arriver là. Et je pense que c’est cette détermination qui m’a forgé et qui m’a fait remporter Flow UP.
Avokat ? Nom bien juridique ou fruité non ? Pourquoi l’avoir choisi ?
‘’AVOKAT », mon nom de scène veut tout simplement dire « A- Vos- Cas ». Une façon pour moi en tant qu’artiste, rappeur d’œuvrer, de plaider et chanter pour la cause humaine. Je dénonce, à travers mes chansons, les cas d’oppressions, de mauvaise gouvernance. Et, je souhaite, en actes, un jour, les aider, à travers des œuvres humanitaires. Parler pour les sans voix en quelque sorte, lutter pour le peuple, l’humanité, voilà la signification d’Avokat.
Vous avez évolué dans les groupes «C. Tout Gui » et « Back Star » avant de démarrer votre carrière solo. Quels sont les acquis d’un tel parcours ?
J’ai débuté avec C. Tout Gui, et poursuivi avec Back Star, mais à un moment donné, je me suis dit qu’il fallait que je me fasse tout seul. Ce dont j’avais envie, c’était d’évoluer dans mon univers. Il faut savoir que j’avais une et mille idées en tête, en plus d’avoir mon propre style. Et pour ce faire, il fallait que je fasse ma carrière en solo. Et à vrai dire, je suis plus moi quand je suis en solo, je suis plus créatif, plus « fou ». Je suis fou et je l’assume totalement, je ne voulais en aucun cas « fatiguer » avec cette folie qui m’habite, du coup, j’ai préféré évoluer seul. J’aime me sentir libre !
Vous êtes le gagnant de la seconde édition du Flow Up 2014, comment ça s’est passé ?
Pour ma part, ce n’était pas vraiment compliqué parce qu’avant que je n’y participe, je bossais déjà très dur dans mon coin, je n’ai pas attendu qu’il y ait le Flow up pour m’y mettre. Les prestations n’ont été que des échauffements pour moi, j’étais sans pression. Je m’investis à chaque fois, je fais des recherches pour apporter de la nouveauté. L’idée c’est d’inscrire Avokat sur la liste des légendes de sa génération.
Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Beaucoup de choses. (Il insiste) ! J’en ai appris des choses, ma perception des choses, de la vie a changé, j’ai gagné en expérience et en maturité. Mon nom est inscrit dans l’histoire du Hip hop sénégalais et du Flow up surtout. Les gens m’ont découvert à travers ce concours. Maintenant, je sais choisir mon entourage et reconnaître les fossoyeurs, les loups déguisés en agneaux ! Je me suis marié et ma femme (qu’il n’a pas manqué de remercier) et moi avons un beau petit garçon qui fait notre bonheur. Je me concentre davantage sur mes projets, avec le soutien inconditionnel de mes parents, de mes amis et fans.
Dites-nous en un peu plus sur votre style musical
Si je dois le définir, je dirai que c’est un style qui m’est propre, qui est approprié à ce que je suis et surtout à ce que je fais. Libre et fou, je décrirais ma folie comme positive et que j’irradie autour de moi. Disons que c’est une sorte de miroir. Mon style musical, artistique est unique en son genre et à travers lui, je véhicule des messages pour ceux qui le veulent et n’osent le faire. C’est un métissage de style africain et occidental qui se manifeste dans mes sonorités et mon mode vestimentaire. Je suis avant tout un artiste et n’oublions pas que la musique c’est l’art de combiner!
Avokat qu’est-ce qui fait votre particularité ?
Ma folie ! Je suis créatif, original, authentique. Avokat est un mélange de créativité, d’originalité, de franc parler et d’authenticité. Je crois en moi et en ce que je fais. Je ne triche pas !
Quel rôle les rappeurs peuvent jouer dans nos pays ?
Les artistes rappeurs doivent jouer le rôle de pacificateur, avant tout, avoir de bons rapports, travailler afin d’apporter une note de positivité. Ce qu’ils ne doivent surtout pas faire c’est « incarner un personnage » qui ne les corresponde pas. C’est à nous de donner le bon exemple car les gens qui nous suivent se réfèrent à nous. Faisons les choses bien !
Vous êtes l’interprète de Ma Rosa, quel est le message que vous voulez faire passer ?
Rappeler à nos sœurs, d’ici ou d’ailleurs, que nous avons nos réalités. Une femme doit être digne, posée avec des valeurs. Plus elles s’aiment et se respectent, plus les hommes les respecte. Il ne s’agit pas d’avoir une belle plastique ou d’être artificielle, mais d’avoir une beauté intérieure. La force principale de la femme c’est sa pureté !
Des featuring avec d’autres artistes ?
Oui mais en dehors du Sénégal ! Au Sénégal, les artistes sont réticents à l’idée de faire des featuring. Je suis de nature à beaucoup bosser et pour le coup, si je dois le faire avec un artiste d’ici, le projet tardera à se faire. Je pense qu’ils me craignent (rire)! Mais je ne suis pas fermé.
Quels sont vos projets ?
J’ai entamé une tournée nationale, dont le premier show a démarré le week-end dernier, D’autres suivront. Sinon il y a aussi la sortie de mon album en 2022. Que ma communauté reste connectée, beaucoup de surprises viendront.
ANNA THIAW