Interview avec Khamdel LO « L’artiste doit être proche du peuple. Ce que nous attendons d’un député »

Khamdel Lô, plus qu’un nom, renvoie à un mythe vivant : celui de la voix qui faisait se trémousser toute génération de mélomanes dans les années 90. Un passé qu’il revendique et assume, d’autant plus que ce public est resté tel quel, exigeant de rythmique ceddo. Toutefois, l’artiste a migré dans sa solitude musicale pour d’autres défis symphoniques. C’est à ce Monsieur de la Zik galsen que Rewmi tend son micro pour le plaisir auditif de son lectorat.  

Comment résumeriez-vous votre parcours musical?

Après 25 ans de carrière, la musique m’est toujours une passion. J’ai la chance de faire le métier que j’aime, même si ce n’est pas aisé tous les jours. J’ai commencé à faire de la musique avec Ceddo, le groupe mythique des HLM. Pendant une dizaine d’années,  j’ai été le lead vocal. C’est une expérience qui m’a forgé et beaucoup appris. Je peux dire que c’est ma formation, bien que j’ai fait deux ans au conservatoire de Dakar. Au bout de 10 ans, j’ai décidé de me lancer dans une carrière solo pour explorer d’autres aspects de ma musique. En 2009, j’ai sorti mon premier album solo “Yonn bi”. Depuis j’ai sorti plusieurs singles et 2 autres albums, Repères et Keur Mame 791.

La rythmique du ceddo a fait bouger de nombreux mélomanes. Ne faudrait-il pas le rejouer ?

La rythmique de Ceddo est toujours présente dans ma musique aujourd’hui et particulièrement dans certains succès que je reprends encore. J’ai d’ailleurs repris sur mon dernier album 2 titres qui sont toujours demandés par mon public.

Que sont devenus les autres membres du groupe?

Nous avons tous fait du chemin depuis les premiers tubes de Ceddo. Le groupe compte toujours des musiciens avec des carrières parfois à l’étranger et certains ont intégré d’autres formations. Une chose est sûre, le public, lui, est resté.

Quel est le message de l’album Repères ?

« Repères », comme le titre l’indique, nous invite à nous interroger sur notre société, nos traditions. Il me semble qu’aujourd’hui, nous nous perdons et nos traditions sont bafouées. « Niit gni khamatouniou fou niouye tekk sen tank ». Nous avons de solides traditions, des valeurs telles que le partage, la solidarité, le respect, l’éducation des enfants et bien d’autres qui nous sont chères et que nous devons transmettre aux jeunes générations.

Un retour aux sources avec Keur Mame 791, dites-nous en plus…

« Keur Mame 791 », s’inscrit dans la continuité de « Repères ». Keur Mame, c’est comme un petit pays où on se retrouve tous les dimanches, toutes générations confondues. On y retrouve la famille, les amis, les oncles, les cousins, tout le monde. On discute à bâtons rompus de tous les sujets. Cela nous permet de maintenir des liens et surtout de continuer à transmettre, notamment à la jeune génération, nos valeurs, nos traditions.

Quel rôle les artistes devraient-ils jouer pour un changement des mentalités?

Pour moi, l’artiste doit interpeller la société à travers son art, quel qu’il soit. Il doit être engagé dans son art, et ça ne veut pas dire qu’il doit faire de la politique. Son moyen d’expression c’est la musique, la peinture, la sculpture etc. L’artiste doit véhiculer des messages qui peuvent et doivent faire réfléchir. Quand je chante « Gueum Africa » par exemple, j’exhorte les jeunes à ne pas continuer à risquer leurs vies à bord de pirogues à la recherche d’une chimère. L’immigration est l’un des grands drames de notre époque. Et mon devoir d’artiste est d’interpeller la société sur cette tragédie qui se joue quotidiennement sous nos yeux.

Quelle appréciation faites-vous de la musique sénégalaise actuellement ?

La jeune génération doit faire un effort sur les thèmes et sur la musique. Nous avons au Sénégal la chance d’avoir beaucoup d’ethnies et chacune a ses propres sonorités. Il faut s’en inspirer pour créer et élargir son horizon pour offrir une musique plus riche et représentative de notre Sénégal.

En quoi les artistes peuvent-ils prendre position politiquement ? 

Je pense que l’artiste est toujours plus proche du peuple. En réalité, il côtoie le peuple de près en étant au contact de son public. Il est bien placé pour savoir ce que vit le pays. Mon engagement se fait  à travers ma musique. Ma voix et mes textes sont le reflet du quotidien sénégalais. Dans Keur Mame 791, le titre « Député » exprime nos attentes envers les parlementaires que nous mettons au pouvoir par le vote. Ils ont une obligation envers le peuple qui les a élus et qu’ils représentent, mais ont tendance à l’oublier.

Des projets en vue?

Après la période mouvementée du Covid, je me devais de renouer avec mon public. Bien qu’il ait réservé un chaleureux accueil à l’album Repères, comme à peu près tous les acteurs de la culture, j’ai été empêché d’en faire la promo. Cette fois avec « Keur Mame 791 », je vais prendre le temps d’aller à la rencontre du public à travers divers évènements au Sénégal et à l’international. Pour ce qui de mon actualité immédiate, je serai en concert à Paris ce 13 Juillet, au 360 Factory,

Un petit message à vos fans?

Be yourself, no matter what ! (Soyez vous-même, quoi qu’il arrive !)

 

ANNA THIAW