Connu et reconnu dans le landerneau hip hop sénégalais, le groupe Akhlou Brick est une référence symphonique écoutée. Dernièrement au devant de la scène dans le cadre du clash avec Ngaaka Blindé, notre quotidien a cru devoir lui ouvrir sa page people pour un entretien. Qui aura été un cours magistral, parsemé de séances dirigées sur le rap et son histoire au Sénégal. Sens du nom du groupe, déclinaison du rap, consistance des textes, engagement dans le système musical, le duo qui n’a jamais été dans le duel, est un modèle de cohésion et d’identité, dont la longévité devra inspirer.
AKHLOU BRICK UN NOM ASSEZ ORIGINAL…FAITES-NOUS LA TRADUCTION ET L’EXPLICATION ?
Il faut surtout s’attarder sur les termes qui composent le nom du groupe : « Akhlou » qui signifie « les gens de » et « Brick » comme pour faire référence à quelque chose de solide. Comme quoi nous avons conçu ce groupe sur des bases assez solides. Deyza et moi sommes amis avant même d’avoir fait du rap. Et c’est ça qui fait la force du groupe : un compagnonnage vieux de plusieurs années.
QUE PENSEZ-VOUS DE CEUX QUI DISENT QUE VOUS AVEZ UNE MUSIQUE SOLIDE ET CONSISTANTE ?
Ce qu’ils disent s’inscrit dans le fait que nous sommes là depuis plus d’une décennie. Le single qui nous a fait connaître à travers les ondes, « Gnoune La Boyou Kane », a été lancé en 2011. Tous les jeunes rappeurs de l’époque ont disparu, et nous sommes encore là. La consistance quant à elle, tient du fait que nous soyons à l’aise sur plusieurs registres. Nous chantons et rappons, diversifions nos thèmes-amour, egotrip, engagement, spiritualité, entre autres et avons été les premiers à lancer notre propre style musical : le Taija Beat.
DANS VOS TEXTES, LE STYLE EST RECHERCHE. VOUS PASSEZ DE L’AMUSEMENT A LA PHILOSOPHIE. EXPLIQUEZ-NOUS ?
Nous vivons ainsi! Nous sommes de vrais perturbateurs et notre sens de l’humour ne passe pas inaperçu. Nous passons le plus clair de notre temps à rigoler. Mais hormis cela, nous méditons beaucoup, et ceci sur tout ce qui concerne la vie ici-bas et au-delà. Nous savons user de « l’amusement musical », tout en frappant l’imagination et en élevant par la même occasion l’esprit. Il faut un peu de tout pour faire un monde fou !
« AK FI REW MI TOLOU » A SUSCITE BEAUCOUP DE COMMENTAIRES, SURTOUT QUAND VOUS DITES « MEWTI » OU L’ANGE. POUVEZ-VOUS REVENIR SUR CE QUE VOUS AVIEZ ENVIE DE DIRE AUX SENEGALAIS ?
Nous avions envie de parler de « la mort » et non de « l’ange de la mort ». Il nous est tous arrivé de dire, après avoir perdu un proche parti très tôt « khadjoone nafi ba si kanam » (il est partit très tôt). Un cri de cœur que nous avons chanté, et que deux catégories de personnes ont voulu déformer : les malintentionnés, et c’est normal, chaque célébrité a son lot de détracteurs, et ceux qui n’avaient pas vraiment compris le message.
LE TITRE NIOUN LA BOYOU KAN QUI VOUS PROPULSE AU-DEVANT DE LA SCENE, DE MEME QUE SENEGAL LET’S DO IT » AUSSI ONT CARTONNE. COMMENT AVEZ-VOUS VECU CE SUCCES ?
« Gnoune La Boyou Kane » a été un cri du cœur ! Frustrés à l’idée de devoir faire une carrière sans compter sur l’appui de qui que ce soit, là où les autres rappeurs de notre âge étaient les « boy » de personnes connues dans le milieu du Hip Hop. Ce cocktail de cris de cœur mélangé au fait de crier son ras-le-bol et d’étaler tout son talent ne pouvait pas ne pas porter ses fruits. Et nous avons été fiers de voir que ça passait sur les ondes en permanence. Et encore que tous les rappeurs cités dans ce titre ont aujourd’hui disparu ou en quête de succès, mais en vain, malgré l’appui de ténors. Quant à « Sénégal let’s do it », il a été plus fluide, parce que composé avec un tempérament assez posé et réfléchi. Sur ce titre, nous avons beaucoup misé sur la sonorité musicale. Et son succès ne nous a pas laissé indifférents. Que de la gratitude quand on sent que sa chanson flatte l’oreille du mélomane et touche son cœur !
LES SONS « NEGOU GOR ET DAMALA LOVE » AUSSI SONT BIEN PRISES PAR LES MELOMANES.. QUEL EST LE MESSAGE A RETENIR ?
« Neegu Goor’’ est un Ego Trip à l’élan de Taija Beat. C’était l’occasion de faire découvrir ce style musical composé avec les rythmes du Tajaboone et un beat hip hop assez rythmique. Le public l’a accueilli avec des éloges. On a retenu qu’il fallait pérenniser ce style-là. Quant à « Damala Love « , nous avons chanté l’amour mais autrement. Chaque chanson d’amour que nous avons fait s’inscrit dans un registre authentique. Le clip illustre clairement le message : les aléas de l’amour avec le soldat face au va-t-en-guerre et le médecin pris entre deux interventions chirurgicales. Et pour chacun des deux, l’épouse qui vit sa solitude.
VOUS AVEZ AUSSI ETE AU CŒUR DE L’ACTUALITE AVEC « DAYE DEF EFFET », RESSUSCITANT AINSI LE CLASH COMMENT TOUT EST PARTI ?
‘’Deff Effect’’ s’inscrit aussi dans le Taija Beat. Une collaboration de haut niveau avec Meinhemo et King Kheuch. L’idée n’était pas d’entamer une série de clashs, parce que nous avions notre plan de carrière et étions sur une ligne bien tracée. Mais avec la réponse reçue, il fallait réagir à tout prix.
COMMENT L’AVEZ-VOUS VECU SURTOUT AVEC L’EUPHORIE DES MELOMANES QUI EN DEMANDAIENT ENCORE PLUS ?
Ce n’était pas vraiment un sacerdoce pour nous. Ceux qui connaissent Akhlou Brick savent que nous pouvons évoluer sur tous les registres. Il nous est très facile de faire face à qui que ce soit, artistiquement parlant. Nous avons été les premiers à sortir deux clips en deux semaines (« ndeikeitei ayoo » et « crazy love ») et même deux clips le même jour et en même temps (« miin ma » et « popcorn »). Nous ne trouvons aucune limite à notre créativité, et nous voulions montrer aussi aux Sénégalais que nous savons sortir de notre zone de confort et être virulents quand il le faut.
PENSEZ-VOUS FAIRE DES FEATURING AVEC D’AUTRES RAPPEURS ?
Je ne pense pas qu’il y ait dans la nouvelle génération un rappeur qui ait fait plus de featurings que nous. Nous en avons aussi bien fait avec les anciens comme Xuman, Bidew Bou Bess ou encore Nix qu’avec les nouveaux à l’instar d’Elzo Jamdong, One Lyrikal….
ALORS QUID DU VAINQUEUR AKHLOU BRICK OU NGAAKA BLINDE ?
La différence entre un vainqueur et un champion, c’est que le vainqueur peut remporter un match mais passe à côté parce que n’ayant pas assez obtenu de points pour se tirer d’affaires. Mais le champion est à coup sûr attitré, histoire de revenir sur le titre de notre dernier clip « Champion ». Musicalement, nous avons composé quatre chansons et avons rappé sur quatre styles différents ! Et cette dose d’humour dans nos clash a beaucoup plu au public. A vous de juger !
VOUS ETES DE MBOUR. PENSEZ-VOUS REPRESENTER LA PETITE COTE DANS LE HIP HOP?
Nous l’avons déjà fait ! D’ailleurs, je ne pense pas que nous ayons encore quelque chose à prouver dans cette contrée, même si nous avons encore des projets pour cette ville qui nous a tout donné. Nous avons commencé avec nos maigres moyens, et sommes arrivés au niveau tant convoité.
QUELLE SERA LA PROCHAINE ETAPE ?
Nous avons lancé le « Deff Effect Tour », et nous devons jouer à Dakar, Mbour, Kolda et à Ziguinchor au niveau national, puis à New York, au Canada, en Gambie, à Paris et en Italie au niveau international.
ANNA THIAW