L’Afrique, le continent le plus pauvre avec moins de 6% du PIB mondial et 600 millions de pauvres connaîtra six élections présidentielles en 2023, avec le Nigeria heureusement sans heurts, la Sierra Leone en juin, le Liberia en octobre, Madagascar en novembre, la République Démocratique du Congo en décembre et enfin le Gabon, au second semestre. Des échéances parfois incertaines, souvent tendues, et même critiques dans les pays qui n’offrent guère d’alternance pacifique. Le FMI, la Banque Mondiale et bientôt le BAD commencent à ajuster à la baisse les perspectives de croissance sur tout le continent et pour cause l’instabilité, la vulnérabilité et la fragilité politique et institutionnelle à l’orée des échéances électorales sur le continent.
Durement éprouvé par la covid – 19, la guerre russo- ukrainienne, les changements climatiques et le cours défavorables des matières premières et produits de base et la corruption; c’est le facteur politique qui vient s’ajouter sur les perspectives de croissance economique du continent trop modérée voire nulle que l’on estime à 2,7% en 2022, 2,4% en 2023, après un rebond de 5,1% en 2021 – selon de la CNUCED. La pauvreté ne régresse plus en Afrique ; elle s’amplifie et se diffuse même via les migrations à l’intérieur même du continent des populations en errance .
Au Sénégal, le FMI sonne déjà l’alerte, l’année 2023 ne sera pas l’année de la croissance à deux chiffres, de 10,1% de croissance du PIB projetée en anticipations recettes pétrolières et gazières, nous pouvons espérer environ 8% même si les cours actuels de pétrole et du gaz baissent. Le secteur agricole qui emploie 60% de la force de travail non urbain, contribue pour moins de 20% au PIB avec le secteur industriel moins de 23% connaissent des contre – performances et une baisse inquiétante de productivité. Le tertiaire avec le secteur informel hypertrophié supportent seul la croissance du PIB au Sénégal la désarticulation s’accentue donc.
Le Sénégal, pays de loin le plus stable en Afrique au Sud du Sahara ; a jusqu’ici été épargné par les violences qui secouent la région, mais les agissements des groupes terroristes dans les pays voisins et le trafic transfrontalier risquent d’alimenter un sentiment d’instabilité.
Les élections législatives du 31 juillet 2022 ont créé une situation inédite avec une assemblée nationale sans majorité absolue et une opposition qui a progressé capitalisant sur les frustrations liées au chômage des jeunes, à la baisse du pouvoir d’achat, aux réformes ajournées, la corruption et la gabegie et une croissance atone ne bénéficiant pas également à tous le senegalais.
Une bonne partie de la richesse ne profite qu’aux entreprises étrangères qui financent et exécutent les grands chantiers d’infrastructure pour rapatrier aussitôt les bénéfices et profits à travers la convertibilité Fcfa – Euro et un secteur financier qu’elles dominent, laissant le poids de l’endettement massif étrangler les sénégalais qui ne peuvent même plus payer un loyer décent à dakar.
Aujourd’hui sans dialogue politique sincère et l’espoir d’un retour aux conclusion des assises nationales pour des pouvoirs plus équilibrés c’est la stabilité fragile du pays qui est mise à rude épreuve par une opposition politique ragaillardie par le rajeunissement de la population électorale et un jeune leader symbole d’une nouvelle classe politique décomplexée.
Cette nouvelle donne va impacter le risque politique et social inhérent sur fond de de fragilité institutionnelle dans un pays qui dépend de l’extérieur pour 95% de ses investissements directs et indirects. Que pense la COFACE ou les multiples agences de notation de la situation politique du Sénégal. La propension est presque acquise que les tensions politiques persistantes à Dakar affectent les décideurs et investisseurs malgré le renouveau économique porté par nos hydrocarbures. Le régime en place à tout intérêt à calmer le jeu politique. l’opposition surfe sur le chômage massif des jeunes et l’extrême pauvreté urbaine sur fond de croissance économique extravertie. Crise de croissance économique et plébiscite électoral ne riment jamais.
Moustapha DIAKHATE
Ex CS Premier Ministre
Consultant et Expert Infrastructures