Le taux d’endettement du Sénégal au sortir de la Covid-19 marqué par une croissance nulle en termes constants – inflation prise en compte – a atteint 74% du PIB. Le niveau de création de richesse qu’exprime le PIB n’a pas beaucoup augmenté il est en tassement ces trois dernières années autour 25 milliards de dollars US soit un peu moins 15 500 milliards de FCFA courants. Nous sommes dans la zone rouge du surendettement avec une norme UEMOA qui fixe la zone grise à 70% du PIB .
Rapporté au nombre d’habitants, cela correspond pour nous le Sénégal à un endettement de 850 dollars US par personne. A titre de comparaison, l’endettement moyen par habitant au sein de l’UE était de 25 dollars en 2021, l’année ou l’endettement du Sénégal à enregistré sa plus forte progression en 23 ans. Un réel fardeau pour nos enfants.
Le désendettement de ce pays avec une population trop jeune – 18 ans de moyenne d’âge – conditionne notre survie économique, les futures recettes pétrolières et gazières sont l’ultime bouée, les marchés financiers souscriront de moins en moins aux emprunts que nous sollicitons. Que pense même Moody’s et Fitch de notre situation.
Le contexte est crucial donc pour le destin du Sénégal, le pétrole de Sangomar et le gaz de Grand Tortue qui nourrissent des attentes souvent démesurées auprès de nous tous, et pour cause, la covid 19 et aujourd’hui la guerre russo – ukrainienne ont laminé les pouvoirs d’achat avec un sentiment de pauvreté chez tous les sénégalais. La coupe du monde du Qatar, pays désertique et pauvre jadis, aujourd’hui prospère grâce à ses hydrocarbures, nous fait rêver. Selon les modèles du Fmi, les recettes pétrolières et gazières passeront d’un niveau initial de 0,5 % du PIB (ou 6 % du total des recettes publiques hors ressources naturelles) à 3 % du PIB (ou 16 % des recettes hors ressources naturelles) lors du pic de production vers 2027 – 2030. Par conséquent, les recettes provenant des ressources naturelles devraient augmenter de deux tiers maximum par rapport à leur niveau de 2019. Soulignons que ces projections reposent sur un prix du pétrole de 60 dollars US hors aujourd’hui le baril est à presque 80 dollars US pour le brent .
En termes de recettes directes ce sera 200 milliards de Fcfa (en moyenne 0,8 % du PIB) pour la période 2022-2025. Déjà compte tenu du baril actuel nos recettes sont revues à la hausse, même si pour le gaz, les prix suivent une tendance baissière. Mais le gaz pourra jouer sur l’effet quantité et le niveau du dollar car les réserves sont de classe mondiale.
Plus de 80 % des recettes seront issues de la fiscalité directe et indirecte surtout pour les premières années d’exploitation avec l’amortissement aux titres du cost-oil. La DGID aura la tâche délicate d’optimiser nos recettes tout en permettant à l’opérateur d’investir pour augmenter la cadence d’output afin d’atteindre les pics de production.
Cependant pour l’administration fiscale du Sénégal le plus grand obstacle dans l’efficacité de ses mécanismes de prélèvement et de recouvrement face à la ruse et perspicacité des majors pétroliers dans le chalandage fiscal sera les exonérations fiscales, les conventions fiscales bilatérales, les traités bilatéraux d’investissement, les accords bilatéraux d’investissement et autres convention de non double imposition.
Des brèches béantes, ces documents que notre pays signent à tout va pour attirer les investisseurs et sécuriser leurs capitaux doivent faire l’objet de la part de la représentation parlementaire d’une commission d’enquête urgente et approfondie si notre pays veut maximiser ses recettes pétrolières et gazières. La Place Soweto a ainsi une bonne occasion de consolider la gouvernance dans le secteur des hydrocarbures. Les majors pétroliers sont des champions dans l’évitement et l’invasion fiscal à travers des filiales enregistrées et soumises aux législations des paradis fiscaux dont l’ ‘île Maurice. D’ailleurs BP super-major et opérateur de Grand Tortue et bientôt de Yakaar Teranga compte 1180 filiales échelonnées sur 12 niveaux d’activité dans 84 pays à travers le monde dont le Sénégal et bien-sûr la Mauritanie. Une structure tentaculaire difficile à saisir. Finalement même du point de vue de l’OHADA à quel BP se fier en signant un contrat.
Nos députés doivent urgemment contraindre le gouvernement à résilier tout accord et convention avec l’île Maurice et évaluer selon leur vulnérabilité fiscale les 21 conventions fiscales et plus de 25 accords bilatéraux d’investissement. L’état doit bannir l’exonération fiscale pour le pétrole et le gaz maintenant que l’investissement pour l’exploitation des hydrocarbures est sécurisé. Les TBI( traités bilatéraux d’investissement) et ABI ( accords bilatéraux d’investissement )doivent être ré – évalués systématiquement par la place Soweto au regard de la nouvelle donne pétrolière et gazière quant aux accords de non – double imposition il doivent être dénoncés et résiliés unilatéralement par le Sénégal.
Selon la CNUCED l’organisme des Nations Unies pour le commerce et le développement les pays en voie de développement perdent annuellement 100 milliards de dollars US aux titres des manipulations fiscales des opérateurs pétroliers, je rappelle que les cinq majors ont affiché plus de 180 milliards de bénéfices nets en 2022 alors que les consommateurs partout de le monde souffrent des prix de l’énergie et de l’essence, et que les états seuls supportent le fardeau de la faim, du chômage et de la disette énergétique.
Honorables de la place Soweto, à vous de jouer………….de combattre.
Moustapha DIAKHATE
Expert et Consultant en Infrastructures.