La question, toute légitime, a un retentissement singulier depuis la sortie du procureur annonçant l’ouverture d’une enquête pour y voir plus clair. Même naturel, le décès de l’ex-argentier de l’Etat dans ce contexte où les accusations de tripatouillages des chiffres des finances publiques sont encore très fraîches dans les mémoires, n’aurait sans doute pas laissé les sénégalais dans l’indifférence.
Pourquoi lui ? Pourquoi en cette période précisément ? Pourquoi si « subitement » ? Des questions qui peuvent paraître impies devant la fatalité que la religion attache à la fin de la vie. Mais loin de nous l’idée d’un quelconque juron. L’âme étant du domaine divin exclusif, la vie appartient à Dieu qui la donne et la reprend à sa guise. Toutefois, la biologie a souvent prouvé que la mort peut bien résulter d’une négligence voire même d’une violence. Sortons donc de la conjecture philosophique pour dire que celle de Mamadou Moustapha Ba, si elle fascine, c’est surtout, parce que le Parquet de Dakar en a ajouté cette intrigante couche.
Lisez ceci : « Les renseignements reçus sur les circonstances du décès comportent des éléments qui justifient que des diligences soient menées en vue de déterminer les causes de la mort… ». Telles sont les principales prétentions du Parquet à la base de l’autopsie effectuée plus tard sur le corps de l’ex-ministre des Finances. Et, cette autopsie conclut à une mort non naturelle, donc provoquée, violente. « Les résultats de l’autopsie ordonnée tendant à déterminer les causes du décès du ministre Mamadou Moustapha BA ont révélé plusieurs éléments qui sont de nature à attester que la mort n’est pas naturelle », reprend encore le Parquet qui, probablement, n’a pas livré tout ce qu’il sait dans cette affaire. En tout état de cause, les conclusions de l’expertise médico-légale ont comme refroidi les ardeurs qui exigeaient la mise à disposition de la dépouille et l’inhumation sans délai du défunt. Elles ont également percuté toutes les rumeurs dont le travail de sape, amplifié par les réseaux sociaux, a enfanté bien des « versions » contradictoires dans cette affaire.
Les unes plus spectaculaires que les autres. Finalement donc, il est de bon ton d’écouter le Parquet qui, contrairement aux allégations de Me EL Hadj Diouf, a le droit et le bon droit avec lui. En effet, en cette matière comme dans plusieurs autres, les attributions du procureur de la République lui permettent – au-delà même de l’article 66 CPP (invoqué par le Procureur et réfuté par Me Diouf) – « de procéder ou (de faire) procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et la poursuite des infractions à la loi pénale ». Car, même naturelle, la mort peut effectivement avoir des implications judiciaires. Elle pourrait bien être accompagnée d’une non-assistance à personne en danger, ou survenir dans un contexte de faute médicale, même si cette infraction est très peu usuelle au Sénégal où Dieu est le « tueur » par excellence. Aussi, dans des cas plus ou moins connus, le procureur a ordonné l’exhumation d’un corps pour les besoins d’une expertise médico-légale.
Et, s’il lui est possible de procéder à l’exhumation d’un corps, il est moins difficile pour lui d’ordonner une autopsie avant enterrement. Qui peut le plus peut le moins, dit l’adage. Alors, où en sommes-nous finalement dans cette douloureuse affaire ? Certes, nous en sommes toujours à cette question de base : de quoi Mamadou Moustapha Ba est mort ? Elle implique par ricochet, celle de savoir qui a provoqué cette mort, le cas échéant ? A quelles fins ? C’est à ces regrettables questions que doit répondre l’enquête confiée à la Division des investigations criminelles. Mais surtout, nous nous en sommes dans l’obligation de laisser la justice faire son travail.
A son rythme qui n’est ni celui des médias ni celui des commérages. Heureusement, formés pour être parfaitement hermétiques à la clameur, les OPJ chargés de mener l’enquête vont, en toute impartialité et en toute lucidité, explorer toutes les pistes possibles et imaginables pour élucider cette mort que tout le Sénégal regrette. Heureusement encore, depuis le dernier communiqué du Parquet, les sénégalais semblent avoir gagné en sérénité et en lucidité, à l’image du grand frère du défunt. Les témoignages, unanimes, disent de Mamadou Moustapha Ba qu’il est une belle âme. Qu’il repose en paix !
Elhadji Mansour Ndiaye