Le maintien du président à la tête du Conseil supérieur de la magistrature est une ligne rouge pour les juges sénégalais. Sa présidence consolide au contraire le dialogue entre l’exécutif et le judiciaire, estiment-ils. Le président de la République doit présider le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Tel est l’avis de magistrats qui s’opposent à l’élargissement du conseil à des acteurs de la société, tel que préconisé dans les conclusions des assises nationales de la justice. Ils pensent que cette formule est impertinente et dénudée de tout sens.
Alors que le président Bassirou Diomaye Faye est dubitatif sur sa présence ou non au sein du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM), du côté des magistrats, la question semble tranchée : le chef de l’Etat doit présider le CSM. Dans les chaumières, le débat fait rage.
Les magistrats ont déjà répondu à la question du chef de l’Etat, cela avant même l’assemblée générale de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) prévue le 10 août prochain. Si le président de la magistrature dit être accroché à la position des magistrats, celle-ci est très claire. Elle s’oppose à tout retrait du président du Conseil. Selon des sources, les avis sont unanimes sur la question. Le président doit continuer à présider le conseil supérieur de la Magistrature. Pour la simple raison que sa présence ne constitue aucunement un obstacle à l’indépendance de la justice.
Au contraire, elle évite le cloisonnement des pouvoirs et consolide le dialogue des pouvoirs. En effet, le président de la République a prêté serment d’être, durant son mandat, garant de l’indépendance de la justice en général et de la Magistrature en particulier. Et ces derniers, jouissant de leur position de fonctionnaires avec un statut spécial, reçoivent au nom des sénégalais le serment du président de la République et rendent justice en se fondant sur les lois en vigueur. Ainsi, ils estiment que si l’état de droit se mesure par la séparation des pouvoirs, il n’en demeure pas moins que cette séparation ne doit pas être absolue.
En réalité, les pouvoirs doivent se parler. D’autant plus que dans un État de droit, le pouvoir exécutif a toujours besoin du pouvoir judiciaire et inversement. Dès lors, il est nécessaire qu’ils se rencontrent, se parlent pour une meilleure distribution de la justice. Sous ce rapport, le CSM offre un cadre de rencontre et de discussion. D’ailleurs, c’est ce que le législateur sénégalais a compris pour avoir organisé les rencontres sur convocation du président de l’exécutif et leur périodicité dans l’année.
Selon certains magistrats, le président de la République, en se retirant du Conseil supérieur de la Magistrature, risque de briser son serment de garantir l’indépendance de la Magistrature. Pis, soutenir pour eux le retrait du président de la République du CSM au nom de l’indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs, pour le compenser avec l’ouverture à de tiers, relève d’une méconnaissance du rôle des parties prenantes et des pouvoirs dont disposent les destinataires des mesures prises car le CSM doit rester un cadre de rencontre fermé dédié uniquement aux magistrats.
Mise en place d’un Haut conseil de la justice ouvert
En lieu et place d’un CSM ouvert, les magistrats proposent un haut conseil de la justice, tel que préconisé dans les conclusions des assises de la justice. Il s’agit d’une institution constitutionnelle au sein de laquelle acteurs et usagers vont désormais assurer un contrôle du bon fonctionnement du système judiciaire. Étant convaincu que l’autorité suprême ne peut au nom de la loi se faire substituer par des tiers dont la présence encourage le lobbying dans un conseil jusque-là épargné de tout clivage, les magistrats indiquent que l’ouverture du CSM ne doit pas être pour certains de ses partisans un moyen pour favoriser la mainmise de puissance étrangère sur notre système judiciaire.