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Chômage au Sénégal: que des programmes, des promesses et des milliards.

Au Sénégal, plus de 100 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Une forte demande qui fait de cette problématique le défi majeur de nos différents gouvernements. Le président de la république Macky Sall dès son accession au pouvoir s’est engagé à lutter contre le chômage. Il promettait ainsi de créer 1,5 millions d’emplois à l’horizon 2024. La dernière étude publiée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) montrait que le Sénégal avait encore beaucoup d’efforts à fournir pour freiner le chômage. En 2020, l’O.I.T déclarait que notre pays occupait la troisième place sur les 10 pays qui avaient le taux de chômage le plus élevé dans le monde soit 48 %. Cette étude a été vite contestée par nos autorités. 

Dans son dernier rapport, l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) faisait état d’un taux de chômage des personnes âgées de 15 ans ou plus, de 16,9 % au quatrième trimestre de 2019. Dans sa volonté d’éradiquer le chômage, le Chef de l’Etat a mis en place plusieurs programmes et structures depuis 2012. Ces nombreuses structures qui absorbent une importante manne financière, n’ont toujours pas produit des résultats satisfaisants. Après 9 ans, aucune solution n’est encore trouvée. Dans son plan Triennal d’investissement Prioritaires pour 2021 2022, le président du Think Tank Africa WordWide Groupe, renseigne qu’en 2020, 37 structures et programmes dédiés à l’emploi des jeunes et des femmes existaient au Sénégal. Selon son président Siré Sy, plus de 1000 milliards ont été dépensé à ce jour.

Le 2 avril 2013, l’agence pour l’emploi des jeunes des banlieues a été créée pour vaincre la précarité et le manque d’emploi. Cette agence sera dissoute le 9 janvier 2014, soit un an après sa création.
En 2014, l’Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (ANPEJ) a été mise en place par le président de la République pour assurer la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de promotion de l’emploi des jeunes. Le vent d’espoir que cette initiative avait suscité auprès de la jeunesse n’aura malheureusement pas connu un grand succès. Avec un budget de 15 milliards au départ, cette institution n’a pas réussi à prendre en charge les demandes de financements de la jeunesse. En 2017, le directeur de l’emploi Dame Diop déplorait l’insuffisance de ce budget au vu de la forte demande. « Au Sénégal, près de 65 % de la population sont des jeunes et l’ANPEJ qui n’a qu’un budget de 15 milliards de francs CFA ne peut pas prendre en charge toutes les demandes de financement.» Déclarait-il devant la presse nationale. Même si l’ANPEJ a incité les jeunes à entreprendre, elle a toujours été source de problèmes aux yeux de certains acteurs politiques et de la société civile. L’attribution des financements ne respecterait pas les principes de base et l’accessibilité a toujours été décriée.


L’État du Sénégal a aussi voulu s’appuyer sur l’agriculture pour créer des emplois durables et réduire considérablement le taux de chômage des jeunes. C’est dans cette optique que l’Agence National d’Insertion et de Développement (ANIDA) a été créée. L’ANIDA devrait faciliter la création et la mise en valeur de fermes avicoles modernes pour freiner l’exode rural, lutter contre le chômage, la pauvreté, l’émigration et faciliter l’entrepreneuriat dans le domaine agricole. En novembre 2020, le ministre de l’Agriculture Moussa Baldé faisait un bilan satisfaisant sur le fonctionnement de cette structure. «Le ministère de l’Agriculture à travers l’Agence nationale d’insertion et de développement agricole (ANIDA) sur un budget de 45 milliards, a créé 30 500 emplois avec 329 fermes réalisées. Ainsi, nous projetons de créer 272 fermes de plus pour 20 mille emplois supplémentaires. Ce même objectif est fixé à notre projet Agrijeunes « tekki ndaw yii » qui envisage de créer environ 35 mille emplois. Plus le projet Proval/cv qui veut créer 12 mille emplois pour les jeunes. Globalement, dans  les quatre prochaines années avec nos différents projets, nous envisageons de créer 100 mille emplois pour les jeunes et les femmes». Le ministre parlait des énormes opportunités d’emploi que génère le secteur agricole. Toutefois, l’accès aux terres n’est pas une mince affaire. Dans le monde rural, les multinationales et les hommes d’affaires ont depuis un certain temps commencé à jeter leur dévolu sur les terres cultivables des agriculteurs. On se souvient encore du problème opposant le PDG du groupe SEDIMA Babacar Ngom aux paysans de Ndingler. Outre cette menace, la question de la transparence pose également problème. Les chiffres annoncés par les autorités sont-ils vérifiés ? Les critères d’éligibilité aux financements de l’ANIDA, sont-ils respectés ? Les emplois fictifs dont dénonçaient certaines personnes comme l’aviculteur Khadim Mbacké sont-ils une réalité dans les institutions en charge de l’emploi des jeunes ? Autant de questions qui n’ont toujours pas de réponse pour prouver l’efficacité de certaines structures de l’État
Hormis l’ANIDA et l’ANPEJ, d’autres structures sont aussi créées dans le but d’apporter une solution à la problématique de l’emploi des jeunes. C’est l’exemple du FONGIP et de la DER/FJ.


L’Etat du Sénégal a créé par décret, en mai 2013, le Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP) pour mobiliser les ressources financières publiques et privées destinées aux petites et moyennes entreprises en apportant un meilleur confort aux institutions financières. Elle a aussi comme objectif d’atténuer les risques liés à l’octroi des crédits aux PME par des établissements financiers généralement réticents ; de compléter le dispositif d’intervention des institutions financières en faveur des PME ; de bonifier les taux d’intérêts appliqués actuellement par les institutions financières. Le FONGIP vient ainsi faciliter l’accès aux crédits et amoindrir les risques liés aux coûts élevés des taux d’emprunt bancaire.
La Délégation à l’Entrepreneuriat Rapide des Jeunes et des Femmes qui semblent être une copie de l’ANPEJ avec un budget plus conséquent ne résoudra malheureusement pas les maux de la jeunesse Sénégalaise. Sur 75 milliards de FCFA levés auprès des bailleurs, 60 milliards de FCFA de financement ont été octroyés. Renseigne la DER/FJ sur son site. 


L’économiste Siré Sy président du Think Thank Africa WirdWide Groupe, dans un article paru le 04 avril dernier informe que le volume financier de ces programmes et structures éparpillés dans tous les ministères s’élèvent à presque 250 milliards de FCFA en budgétisation dont les 200 milliards de FCFA ont déjà été dépensés pour l’année 2020. Il dénonce ainsi des irrégularités constatées après vérification des bases de données de certains programmes comme le FONGIP et la DER. «Quand le Think Tank Africa WorldWide Groupe a exploité les bases de données des bénéficiaires de financement auprès de la DER et du FONGIP, pour y voir un peu plus clair, nous nous sommes rendu compte que ce sont presque les mêmes bénéficiaires qui ont été financés deux à trois fois par divers programmes pour le même projet, dont la majorité sont des députés de la mouvance, des hauts conseillers (HCCT) et des Conseillers économiques et social (CESE). »
Ces révélations montrent que même s’il existe une volonté politique de lutter contre le chômage des jeunes et des femmes, il n’y a pas de suivi pour garantir une bonne utilisation des fonds qui servent à financer ces programmes et structures. La problématique de l’emploi demeure une réalité malgré les milliards investis par le gouvernement. D’ailleurs, le Président de la république reconnaitrait lui-même que jusque-là, la bonne formule n’est pas encore trouvée. Dans son allocution du 8 mars dernier après les émeutes qui ont éclatées au Sénégal à la suite de l’arrestation d’Ousmane Sonko, le Chef de l’État Macky Sall  promettait de prendre des mesures supplémentaires pour juguler ce problème. Il est revenu sur cette question lors de son allocution du 3 avril 2021. « Chers Jeunes, comme je vous l’avais annoncé dans mon message du 8 mars, j’ai décidé d’une réorientation des allocations budgétaires à hauteur de 450 milliards de FCFA au moins, sur trois ans, dont 150 milliards pour cette année. Ces ressources serviront à financer le Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socio- économique des jeunes qui sera issu du Conseil Présidentiel que je présiderai le jeudi 22 avril.» Le président Macky annonçait ainsi une grosse enveloppe d’argent à réinjecter dans le secteur de l’emploi. Après 9 ans de politique d’emploi sans succès, le chômage sera-t-il enfin un vieux souvenir pour la jeunesse d’ici 2024 ?


Depuis quelques jours, le secteur public a entamé des démarches pour un recrutement massif. Plusieurs concours sont annoncés pour permettre aux diplômés et étudiants d’intégrer le milieu professionnel. Pour une meilleure réussite, le gouvernement ne devrait-il pas travailler à harmoniser les différents programmes et structures pour former une seule entité capable de trouver des solutions durables ? L’État devrait aussi mettre plus de rigueur dans la gestion de ces budgets pour qu’ils ne servent plus de fonds politiques ou à financer des personnes qui ne seraient pas dans le besoin.


Ismaila Seck

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