Au moins 70 soldats burkinabè sont morts en quatre jours dans deux attaques dans le nord, près du Mali, qui confirment le regain des violences djihadistes au Burkina Faso depuis le début de l’année. Les raids meurtriers attribués à des groupes djihadistes ont fait au Burkina plus de 200 morts, civils et militaires, depuis début janvier.
Lundi soir, au moins une quinzaine de soldats ont été tués dans la province de l’Oudalan dans l’extrême nord du pays, à quelques kilomètres de la frontière malienne, selon des sources sécuritaires.
« Le détachement de Tin-Akoff a été la cible d’une violente attaque », a indiqué une première source, évoquant un bilan d’une « quinzaine de morts » et des « éléments qui manquent à l’appel ». Le bilan pourrait s’alourdir : une deuxième source sécuritaire a avancé un bilan de 19 morts et « des dizaines de disparus ».
Selon la première source, la riposte aérienne et terrestre de l’armée burkinabè a permis de « neutraliser » (tuer, ndlr) des « dizaines de terroristes ». Et les opérations se poursuivent, selon cette source, « concentrées dans la province de l’Oudalan qui connaît un regain de violences depuis quelques jours ».
C’est dans cette province, près de Déou, qu’au moins 51 soldats ont été tués vendredi dans une embuscade, un bilan encore provisoire, selon l’armée. Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, lors d’un putsch fin septembre 2022 : c’est aussi celle qui a fait le plus de morts au sein de l’armée depuis novembre 2021. A l’époque, 57 gendarmes avaient été tués après avoir vainement lancé des appels à l’aide.
Cette attaque avait alors provoqué un profond traumatisme au sein des forces armées et de l’opinion et s’était produite peu avant le premier coup d’Etat de janvier 2022 qui avait renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’« incapacité » face aux djihadistes.
Dans une réaction mardi à l’embuscade de Deou, le capitaine Traoré a affirmé que dans ce « combat parsemé d’embûches », le « sursaut patriotique » et la « détermination » des autorités restaient « intacts jusqu’à la victoire finale » contre les groupes djihadistes. Selon l’armée, la riposte à cette attaque de vendredi a permis de tuer 160 djihadistes. Le chef de la junte peut compter sur le soutien de plusieurs partis politiques et organisations de la société civile.
Épreuve
Le pays, théâtre de deux coups d’Etat militaires en 2022, est pris depuis 2015 dans une spirale de violences djihadistes apparues au Mali et au Niger quelques années auparavant et qui s’est étendue au-delà de leurs frontières. Les violences ont fait depuis sept ans plus de 10 000 morts – civils et militaires – selon des ONG, et quelque deux millions de déplacés.
Peu après avoir pris le pouvoir, le capitaine Traoré s’était donné pour objectif de « reconquérir » les quelque 40% du territoire burkinabè contrôlé par les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique.
Mais depuis, les attaques qui leur sont attribuées n’ont fait qu’augmenter et l’embuscade de vendredi est « la première vraie épreuve du capitaine Traoré », titre mardi L’Observateur Paalga, un influent quotidien indépendant.
Son lourd bilan interpelle. « Comment comprendre que sept ans après, malgré les modes opératoires connus de tous, nos forces combattantes tombent toujours dans des embuscades de ce genre ? », s’interroge ainsi l’analyste politique Harouna Traoré.