Quartier de Grand Yoff, Bignona se particularise par la proximité entre habitats et bars clandestins. L’alcool y coule à flot, les populations s’indignent. Mais, les coudes continuent à être levées. Santé…
Bignona, un endroit déterminé pour certains, un quartier pour d’autres. Ce nom renvoie pourtant à ce département si cher et bien aimé d’Emile Badiane, ancien homme politique sénégalais et premier maire de cette ville de la région de Ziguinchor en Casamance.
Niché à Grand Yoff, cette localité se caractérise par son ambiance débordante de tous les jours.
Sur les allées qui longent Bignona, des tas d’activités.
De la menuiserie à la mécanique en passant par la vente de cacahuètes et de fruits, il est aujourd’hui l’illustration patente du sous-développement de certains quartiers dakarois.
Bars clandestins, prostitution, alcool, tout y est.
Cohabiter avec des bars est ordinaire quand on habite Grand Yoff, un quartier populaire situé au cœur de la banlieue où il est plus facile de trouver un bar qu’un lieu de culte ou une école. Bars et habitations cohabitent.
Très peu recommandés, les bars ont toujours eu mauvaise presse du fait de ce qui s’y passe le plus souvent, entre musique à fond, consommation d’alcool et dès fois des querelles entre consommateurs.
Pour les habitants de Djida, la cohabitation est sans heurt, du moment que chacun respecte la liberté de l’autre. En cette après-midi du dimanche, avec la fraîcheur, les bars sont remplis de monde et l’alcool coule à flot.
Est-ce le climat ? Non, répond Xavier, le gérant du bar Cambouyana, trouvé dehors humant l’air frais de janvier. « C’est le weekend», s’exclame-t-il. « En toute période, les bars marchent plus le weekend que les autres jours. Du vendredi au dimanche soir, on est débordé, mais c’est notre souhait de voir des clients venir passer du temps chez nous». Côté prostitution, Xavier est catégorique : «Les filles qui viennent sont souvent accompagnés, sinon jamais on n’a vu un marchandage ou racolage dans notre bar. » Avec une clientèle pour la plupart dans la vingtaine, les problèmes ne manque pas quand l’alcool est au rendez-vous et le plus souvent les disputes se terminent dans la rue et sous le regard des enfants.
Mamadou Ndiaye, exprime son indignation. « C’est anormal, pareille situation. Partout où vous allez, vous y verrez des bars clandestins qui poussent comme des champignons ».
Pape Ndiaye renchérit : « Nous sommes dans un pays laïc, il faut que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Nous sommes musulmans et nous n’acceptons pas cela. »
A une vingtaine de mètres de là, ‘’Pataka’’, un bar pas anodin, les ‘’abonnés’’ le qualifient de luxe. Pourtant, à y voir de près, rien d’impressionnant, sauf un bâtiment carrelé situé aux extrémités d’une ruelle.
Interrogé sur la prolifération des bars clandestins, un homme estime qu’ils devraient être réglementés.
L’air naïf, ce trentenaire se confie sans gêne : « Nous entretenons de bonnes relations avec nos voisins. Il est vrai que parfois, ils se plaignent du bruit occasionné par la musique. »
En face de ‘’Pataka’’ un atelier de menuiserie où officie Ady Ly depuis 1973. Pour lui, s’il y a une floraison de bars clandestins, c’est parce que la plupart des habitants de ce quartier sont d’ethnies qui n’interdisent pas la consommation d’alcool.
Pour ce gérant de dépôt de boisson non loin du canal, Francis, le discours est le même. « Pas grand heurt ni avec la police ni avec la population, quand tu es réglo et que chacun respecte les libertés de l’autre. Les populations sont compréhensives parce que c’est elles qui viennent consommer et la police ne nous pose pas de problème car on a tous nos papiers en règle ».
A Bignona, une certitude demeure : celle des boissons alcoolisées qui se vendent. Si pour la plupart des habitants il y a lieu de mettre de l’ordre, la rasade y a de beaux jours devant elle.
ROSITA MENDY