La mise en place du Parc des Technologies Numériques du Sénégal, financé à hauteur de 46 milliards de francs CFA et projet phare de la stratégie Sénégal Numérique 2025, très attendu par les acteurs de l’écosystème numérique, aura des répercussions inestimables dans la transformation structurelle de notre économie et du numérique. Bassirou Abdoul Bâ, coordonnateur du PTN, ingénieur des systèmes d’information et acteur incontournable de l’écosystème numérique et d’innovation au Sénégal, en dresse la liste. Entretien exclusif.
Pouvez-vous nous parler du parc des technologies numériques (PTN) ?
Le projet de Parc des Technologies Numériques (PTN) est un projet phare du Plan Sénégal Emergent (Pse). C’est un projet qui a été inscrit dans le cadre du plan de développement depuis la première phase et qui a été réinscrit dans le PAP2A qui, a été le plan d’action mis à jour dans un contexte de pandémie. Donc, le PTN a été encore réinscrit comme étant un projet phare pour effectuer une transformation structurelle de l’économie via le numérique. Il consiste à mettre en place une grande plateforme sous régionale dans le cadre de la vision du chef de l’Etat de faire du Sénégal un hub dans la sous-région pour tout ce qui est activité d’innovation et activité du numérique tout en modernisant l’économie d’une part, en entrainant le secteur prioritaire de l’économie de l’autre. Et au final, en contribuant à créer massivement des emplois pour les jeunes. Donc pour le projet, il s’agit concrètement de construire au sein du pôle urbain de Diamniadio sur un site qui nous a été alloué de 25 hectares de mettre en place un parc IT. Quand on dit parc IT ça veut dire qu’il y’a différentes composantes. Il y’a beaucoup d’ouvrages qui ont été programmés et qui répondent aux besoins exprimés par le secteur privé par rapport à l’essor de leurs activités.
Quels sont les ouvrages spécifiques du projet ?
Le PTN est érigé dans une superficie de 25 hectares. Nous avons l’accord de la Bad qui va contribuer au financement du projet de 40 milliards Fcfa. La contrepartie de l’Etat du Sénégal s’élève environ à 6 milliards en plus du site qui a été mis à disposition. Sur environ 13 hectares, nous construisons beaucoup d’ouvrages d’écosystèmes du numérique : il y a un Datacenter qui sera certifié au moins Tiers 3, de Tours TIC qui offriront des bureaux équipés prêts à l’emploi ainsi que de centres thématiques importants comme le Centre de BPO (Business Process Outourcing), du Centre de Production Audiovisuelle et de contenus numériques, le Centre de Formation et le Centre d’Innovation pour les startups. Ce centre d’innovation permettra aux startups de pouvoir s’insérer dans cet écosystème et de pouvoir bénéficier des avantages d’une interaction avec les multinationales que le Sénégal compte attirer dans le Parc. Enfin, le secteur privé local et les bénéficiaires principaux (jeunes diplômés et institutions universitaires et de formation) de cet important investissement de l’Etat sont partie prenante du projet. Un autre centre d’intérêt qui se trouve dans le PTN c’est le centre de recherche et de développement (R&D). Vous avez vu l’attractivité que le Sénégal aura grâce à cette plateforme sous régionale pour créer des emplois notamment. Mais, il est intéressant aussi pour un pays comme le nôtre qui a une jeunesse très créative et qui aspire à avoir une jeunesse qui va vers l’entrepreneuriat, il y’a beaucoup d’initiatives en ce sens. L’idée c’est que ce centre R&D puisse permettre aux jeunes sénégalais d’être créateurs de technologie. Et pourquoi pas le Sénégal commence à être un exportateur de technologie.
Avec le PTN, qu’est-ce qui va changer dans le développement du numérique au Sénégal ?
Nous avons un écosystème du numérique qui est malgré tout dynamique. Et, il y a beaucoup d’activités qui sont en cours. Il y a la volonté du chef de l’Etat depuis au moins quelques années de transformer la trajectoire du pays avec cet outil digital. Le dernier exemple, c’est le dernier Forum du numérique avec toute une créativité de la jeunesse que vous avez vu l’œuvre et qui, a été récompensée par le Grand prix du Chef de l’Etat. On a vu aussi ce que fait la Der et ça permet de construire un écosystème. Au-delà de ça, le PTN a pour ambition de booster le privé local. Le Datacenter va répondre concrètement aux besoins et sera déterminant dans ce débat de la souveraineté numérique avec un niveau de service qui sera au niveau international en termes de qualité de service et en matière de disponibilité. Je vous ai parlé de l’industrie créative. Là, il y a typiquement des intérêts des acteurs de l’industrie créative.
Est-ce-que le secteur privé sera intégrée dans la gouvernance du PTN ?
L’exécution du projet est suivie de très près par le secteur privé. Parce que le secteur privé est membre du comité de pilotage du projet PTN. On a tenu un projet de pilotage le 28 décembre dernier présidé par le ministre Yankhoba Diattara. Le secteur privé, membre de ce comité, donne des recommandations et sait parfaitement le rythme d’exécution. Il donne des recommandations par rapport à ses attentes. Evidemment, le secteur privé est membre en termes de gouvernance durant l’exécution et il sera membre aussi durant l’exploitation.
Peut-on avoir des chiffres en termes d’emplois générés par le projet ?
En termes d’emplois, si on regarde le cadrage initial du projet, on avait des hypothèses très hautes. On était en termes de prévisions à 35.000 emplois directs et plus de 100.000 indirects par effet de transversalité du numérique. Là, on est à la première phase et il y aura une phase d’exploitation au cours de laquelle on fera un recueil des besoins. Les premières entreprises résidentes vont exprimer leurs besoins en termes de ressources humaines. On va suivre comment ça va créer l’emploi de manière très transparente pour faire le bilan et voir si on a atteint les objectifs.
Donc il y’aura forcément des retombées pour les startups?
Les objectifs définis dans le cadre de la vision du Chef de l’Etat sont clairs et précisés dans la SN2025 et le PTN y contribuera de manière décisive. Il est prévu notamment de créer des milliers d’emplois à forte valeur ajoutée dans les domaines technologiques alignés avec les secteurs prioritaires de l’économie, notamment l’agriculture, la santé et l’industrie sans oublier les services. La volonté d’attirer des investisseurs dans les Tic et de renforcer notre secteur privé permettra de créer ces opportunités. Concernant les startups, nos jeunes créateurs ne seront pas en reste et bénéficieront des infrastructures du PTN à travers le centre d’innovation mais également le Datacenter. Pour adresser cette cible, nous travaillerons de concert avec la Der pour que l’offre du Sénégal pour les startups soit cohérente et les synergies exploitées. Le PTN se concentrera principalement sur les PME technologiques de notre secteur privé tout en attirant les multinationales pour créer massivement des emplois et impulser l’innovation.
Quelle est la contribution du numérique dans l’économie nationale ?
Ce qui est visé dans les politiques publiques c’est que le numérique atteigne en 2025 avec la SN2025 minimum 10% de contribution. Mais je pense qu’on n’est pas loin de ce chiffre. Il faudra qu’on ait des statistiques à jour avec l’ANSD ou l’ARTP. Je pense qu’on est entre 7 et 10% actuellement. Je crois qu’on peut même dépasser l’objectif qui est fixé dans la SN20-25 qui fait l’objet d’une réactualisation en cours.
2025, c’est dans 4 ans. Est-ce que le Sénégal va atteindre la révolution du numérique ?
C’est en tout cas c’est notre objectif et nous travaillons là-dessus. Je dois dire que nous sommes optimistes au regard de tout ce qui est fait dans le secteur du numérique. Dans la vision du Chef de l’Etat, quand on regarde les initiatives qui sont déroulées, je pense qu’on peut être optimiste par rapport à 2025 et l’horizon de la SN20-25. Mais clairement, la contribution du PTN sera très significative en 2025. On verra les effets de la mise à jour du cadre juridique et règlementaire par rapport aux startups et au monde de l’écosystème et de l’innovation. Et, on verra aussi une meilleure adaptation des profils de nos diplômés par rapport aux besoins du futur et des technologies à venir.
Cheikh Moussa Sarr et M. BA