L’infidélité s’oppose à toute idée de valeur et de vertu. Un petit clin d’œil au dictionnaire permet de confirmer ce postulat. En effet, la première acception du mot infidélité est relative à l’inconstance dans une relation amoureuse, au manquement à la loyauté vis-à-vis de quelqu’un. L’infidélité renvoie également au fait de ne pas être conforme à la réalité. Ces quelques définitions montrent à quel point l’infidélité est aux antipodes des valeurs auxquelles nous prétendons croire dans un pays dit à majorité de croyants. Mais interrogeons l’opinion sénégalaise pour approfondir notre analyse.
La série infidèle a fini de diviser l’opinion en deux camps : les pro-infidèles et les anti-infidèles. Pour le premier camp dans lequel on retrouve bien évidemment toutes les personnes qui participent à la production et la promotion de la série, l’argument majeur est que le film reflète la réalité de notre société. Pour eux, l’idée est de nous renvoyer en pleine figure nos comportements les plus obscènes que nous avons tendance à cacher au grand public. Ainsi, il s’agit d’une façon purement artistique et à la limite engagée de dénoncer les tares de notre société. Vue ainsi, l’équipe infidèle est à féliciter pour sa croisade contre la fameuse hypocrisie sénégalaise. De leurs côtés, les opposants à la série infidèle y voient une agression frontale de tous ce que nous avons de sacré, la pudeur en premier. Selon Mame Mactar Guèye et compagnie, en plus de promouvoir la débauche devant une jeunesse en quête de repères et de références, infidèle n’apporte rien de positif à la société sénégalaise. Elle nous enfonce dans une réalité dégradante qui menace notre foi et notre stabilité sociale dès lors qu’elle influe négativement sur nos enfants, donc sur l’avenir de ce pays.
Chacune des deux positions certainement inconciliables brandit fièrement ses arguments sur les médias, attisant l’intérêt des curieux pour la série qui gagne en visibilité et en notoriété. Ce qui peut nous amener parfois à se demander si le débat n’est pas un coup de promotion à infidèle et si l’indifférence n’était pas la meilleure des options. Seulement quand on appartient à une société de croyants pour laquelle la religion est la principale boussole qui permet de s’orienter pour éviter de se perdre et tomber dans le piège de Satan, le silence n’est pas envisageable devant autant d’infidélité.
De la pornographie verbale des infidèles
Le verbe est sacré. C’est le moyen privilégié employé par le Créateur pour communiquer avec ses créatures. Dans notre société, la prise de parole est un exercice encadré qui requiert certaines prérequis. Ce n’est pas pour rien en effet qu’on dit que la parole doit être habillée (proverbe wolof) pour faire référence à la décence dans l’usage des mots. Cependant la première chose qui choque au-delà des images obscènes dans infidèle, c’est le langage des acteurs. On voit souvent par exemple, des femmes faire allusion à l’acte sexuel avec les mêmes termes qu’un jeune homme emploierait avec ses copains, un registre qu’on n’oserait jamais extérioriser au-delà de ce cercle restreint de complices, par pudeur.
La promotion du féminisme sexuel
Si le féminisme renvoie au mouvement qui vise à défendre les droits fondamentaux des femmes, on peut dire qu’il est largement galvaudé par les femmes infidèles. La série montre l’aspiration forte d’une certaine classe féminine à libérer sa libido. Elles ne voient et ne parlent que de sexualité. Elles vont au gymnase pour choper le beau mec au corps bien bâti dans l’unique but de se faire plaisir en laissant de côté leurs maris, des infidèles comme elles. Pour elles, il n’y a que la sexualité qui compte. Rien d’autres ne les intéresse. Cette représentation de la Femme Sénégalaise, celle mariée de surcroit est-elle conforme à notre vécue ? L’adultère est-elle devenue la règle dans notre société ? Quelle sont les fondements de ce postulat qui dégrade l’image de nos chères mères, sœurs et épouses ? Les promoteurs de l’infidélité pourront répondre à ces quelques questions.
Un scénario pauvre en contenu
L’obsession pour la sexualité n’est pas le propre des femmes infidèles seulement, les hommes aussi sont atteints du même virus. S’ils ne parlent pas de leurs nouvelles conquêtes, ils échangent des tuyaux pour venir à bout de la faiblesse sexuelle. C’est à croire qu’ils viennent tous d’une planète nommée Sexe. On a ainsi l’impression qu’il n’y a que le sexe dans la vie des Sénégalais. Puisque c’est de nous qu’il s’agit. N’est-ce pas une offense aux héritiers de Seydi El Hadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Cheikh Oumar Foutiyou Tall, Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor, Aline Sitoé Diatta, Mame Diarra Bousso pour ne citer que ceux-là? Car faut-il le rappeler, le Sénégal est une terre de foi, une terre de culture mais aussi une terre de science.
Sommes-nous devenus des obsédés sexuels comme le prétend infidèle ?
Avant de conclure sans épuiser nos mots face à nos maux, il est important de rappeler aux acteurs, producteurs et promoteurs de toutes ces séries négatives, au-delà de infidèle, que le Sénégal a aussi de bonnes choses qu’on peut montrer au reste du monde sans risque de faire du tort à notre héritage. En effet, on peut montrer des personnages qui s’inspirent de nos grandes dames et de nos grands hommes au plan politique, religieux, artistique, culturel, scientifique traditionnel etc. C’est la meilleure voie pour sauver notre jeunesse. Enfin nous gagnerons à méditer ces paroles du Saint prophète de l’islam (PSL) « La pudeur et la foi vont de pair, lorsque l’une des deux disparaît l’autre disparaît également » (Bukhari) et : « La foi compte soixante-dix et quelques branches et la pudeur est une branche de la foi » (Muslim). Puisse Dieu nous orienter sur la voie de la droiture, de la décence, de la pudeur et de la fidélité.
Chérif Abdoul Aziz Touré, Journaliste / Directeur Dabakh Fm