Dans un futur proche, la question de la souveraineté alimentaire en blé se conjuguera au passé, puisque les prérequis sont là (sols, climat, eau, privé). C’est ce que laisse entendre Alla Séne Guèye, Président directeur général de African industries Gateway Sa et président Commission économie et finance à la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), par ailleurs spécialiste du blé.
Le conflit Russo-Ukrainien ayant entrainé l’indisponibilité de certains produits alimentaires hautement stratégiques comme le blé, obligeant, en juin 2022, le chef de l’Etat Sénégalais Macky Sall, en sa qualité de président de l’Union africaine (Ua) à rencontrer son homologue Vladimir Poutine à Sotchi (Russie) pour lui demander de contribuer à l’accalmie dans la guerre en Ukraine et à la libération des stocks de céréales et de fertilisants dont le blocage affecte particulièrement les pays africains, a ouvert grandement les yeux des autorités sénégalaises. En effet, le ministère de l’Agriculture, de l’Equipement rural et de la Souveraineté alimentaire s’est résolu à régler, dans les années à venir, cette dépendance en blé.
Selon Alla Sène Guèye, Président directeur général (Pdg) de African industries Gateway (Aig) et président de la Commission économie et finance à la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), non moins spécialiste du blé, tous les éléments concourent à l’atteinte d’un tel objectif qui, dit-il, est «réalisable et viable». Pour s’en convaincre, il renseigne que le Sénégal dispose immensément de terres lourdes et légères (argileuses et humifères) mais également salées très favorables à la culture du blé. De la basse vallée jusqu’à la moyenne vallée, les terres sont largement favorables à cette spéculation. A cela s’ajoute le climat tempéré et l’eau disponible en abondance dans la vallée. Donc, de novembre à mars, on peut valablement cultiver le blé, sans une moindre difficulté. Mieux, l’Institut Sénégalais de recherches agricoles (Isra) a expérimenté la culture du blé dans le sol sablonneux à Sangalkam où les récoltes ont été au rendez-vous et même en Casamance, sur la partie façade maritime. Globalement, partout où le climat est tempéré, il est possible de cultiver du blé.
Pour ce qui concerne l’approche technologique, l’Isra a développé quatre (4) variétés de blé tendre et quatre (4) autres de blé dur. Sur ce, le spécialiste du blé rassure qu’il n’y pas de «soucis à se faire», non sans saluer l’engagement du ministre de l’Agriculture qui a importé «des semences de blé» qui ont «bien données». Certes, admet-t-il, «Le Sénégal ne dispose pas encore de capital semencier en blé, mais cela n’entrave en rien d’arriver à l’objectif de non dépendance en blé».
LES COLLECTIVITES TERRITORIALES APPELEES A COLLABORER POUR L’ACCES AU FONCIER
Pour devenir autonome en blé, il faut environ «200.000 hectares parce que le Sénégal importe 800.000 tonnes de blé tendre annuellement, pour la farine boulangère et pâtissière, et quelques 200.000 tonnes de blé dur, équivalent en semoule, pour faire les macaronis, les spaghettis, les vermicelles, les couscous, entre autres». Convaincu que l’eau est un constituant très essentiel dans l’agriculture, il met en exergue leur approche (le privé), qui consiste à faire de l’irrigation sous pression, laquelle est différente de l’irrigation gravitaire. En clair, il s’agira de pivot d’irrigation. Et ce système sera autonome, en faisant de l’éolienne dans la vallée puisque, dans cette zone, la vitesse de vent monte jusqu’à 4,50m. Donc, valablement, «on pourra irriguer jour et nuit».
S’agissant de l’investissement, le privé dit pouvoir aménager à 4.000.000 de FCFA l’hectare, contre le double proposé par la Saed. «La Saed aménage à 8.000.000 l’hectare ; mais nous (le privé) pouvons aménager à 4.000.000 de FCFA l’hectare, y compris le défrichage, le terrassement et l’irrigation sous pression, avec le pivot d’irrigation», a-t-il expliqué. Toutefois, s’empresse-t-il de préciser, la Saed travaille sur du lourd, contrairement à eux.
7000 HECTARES DE POUR LA SAISON PROCHAINE
Dans son approche graduelle, ledit privé entend faire, à partir de novembre prochain, 7 000 hectares ; soit 10 tonnes l’hectare. Ce qui donne 42.000.000 tonnes pour cette première expérience. Comparé aux 800.000 tonnes, «nous sommes loin de couvrir nos besoins. Mais, progressivement, nous y arriverons, dans un futur proche». Donc, sur cette base, «nous allons pouvoir valider notre modèle».
Quant à la mobilisation des ressources financières, le président de la Commission économie et finance de la Cnes fait savoir qu’avec «la garantie de la tutelle (ministère), il est tout à fait possible de lever des fonds jusqu’à 100.000.000 de FCFA, d’ici novembre prochain». Aujourd’hui, soutient-il, «Avec la garantie de la dette, nos partenaires financiers sont prêts à mettre sur la table le montant souhaité, en 90 jours seulement».
LE MATERIEL AGRICOLE DISPONIBLE
Pour ce qui est de la disponibilité du matériel y afférent, il précise que pour ce qui concerne les 7000 hectares, le matériel agricole est disponible. «Avec ce matériel, nous pouvons aménager 100 hectares par jour. Donc, en 70 jours, nous pouvons aménager la surface des 7000 hectares. Concernant la récolte, ce sont les mêmes moissonneuses de riz qui moissonnent le blé. Ce qui est un grand avantage pour le début de cette spéculation.
Par compte, si l’on doit aller à l’échelle, il faudra impérativement mettre en place une usine d’assemblage de machines agricoles. En revanche, il n’écarte pas la possibilité de coopérer avec toute autre entreprise à même de remplir leur cahier de charges en termes d’assemblage de ce matériel agricole.