On dirait que nos Chefs d’Etat se sentent vite offensés. A moins que leurs parquets aient la propension de le penser. En tout cas, il n’est pas rare, du moins depuis Wade, que des opposants aient maille à pâtir avec la Justice justement, pour offense au Chef de l’Etat. Un vieux délit qui date de l’époque coloniale. Le dernier en date est Ahmeth Suzanne Camara de l’ancien parti au pouvoir, actuellement inculpé pour divers délits dont l’offense au Chef de l’Etat. On croyait la page tournée après les Assises sur la Justice et surtout avec ce vent d’espoir de réformes allant dans le sens de promouvoir davantage les libertés individuelles et collectives et de revoir les peines privatives de liberté.
Que nenni ! Les habitudes ont la vie dure. Sous nos cieux, la politique pénale n’a vraiment pas changé malgré les déclarations d’intention. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’étais très sceptiques par rapport à l’engouement suscité par ces Assises de la Justice. Toutefois, le fait de dire que quelqu’un a menti n’est en rien un manque de respect dans certains pays notamment en Occident où les enfants le disent souvent à leurs parents. Ici, c’est tout le contraire. Sous nos cieux, on ne traite pas un « kilifeu » c’est à dire quelqu’un dépositaire de l’autorité, de menteur. Il y a des façons de le dire. On peut avancer qu’il n’a pas respecté ses promesses ou d’autres formules de ce genre. Mais traiter quelqu’un de menteur est interprété, sous nos cieux, comme un manque de respect notoire.
Néanmoins, doit-on empoisonner pour cela ? Certes, nous savons tous que si l’on ne fait rien, d’autres déclarations de ce genre vont suivre et que la personne qui incarne les institutions de la République sera banalisée. Mais, pour autant, la prison ne saurait être brandie à tout-va. Il est bon de penser à un mécanisme permettant d’éviter les détentions systématiques surtout pour certains délits en attendant que la personne soit jugée.
Car, on ne le dira jamais assez, les détentions préventives sont des formes de punition avant tout jugement, donc attentatoires aux libertés et sont en porte à faux avec certains principes sacro-saints du code pénal comme la présomption d’innocence.
En tout état de cause, il faut que les hommes politiques se convainquent que les compétitions inévitables doivent toujours se faire dans le respect de la dignité de leurs adversaires.
Car, il est dommage que la Justice soit toujours activée pour tenter de réguler le jeu politique au risque d’être accusée de servir les intérêts d’un camp sur un autre.
Les sénégalais en ont vraiment assez de ce débat.
Assane Samb