Deux mois après le Canada, la France lui emboîte le pas. Fin mars, le gouvernement d’Ottawa avait le premier ordonné le rappel de plusieurs millions de masques fabriqués par la société chinoise Shengquan. Distribués dans les écoles notamment, ces masques équipés d’une fine couche de graphène avaient provoqué chez certains enfants des difficultés respiratoires, chez d’autres des irritations de la peau, ou encore l’impression de « respirer des poils de chat ».
Le nanographène qui rentre dans leur composition est composé de flocons de carbone de taille nanoscopique. Ultraléger, ultrarésistant et excellent conducteur, il a investi de nombreuses applications industrielles ces dernières années, notamment électroniques. Mais depuis un an, ce sont ses propriétés antivirales qui ont attiré l’attention, poussant plusieurs entreprises à concevoir des masques contenant du graphène, présentés comme plus efficaces contre le coronavirus. Le problème est que ces particules, si elles sont inhalées, sont potentiellement dangereuses pour l’organisme ; elles pourraient notamment détériorer les cellules pulmonaires.
Début avril, quatre ONG ont alerté la Commission européenne de la toxicité potentielle de ces masques disponibles en France et en Europe. A ce jour, aucune décision n’a été prise au niveau européen. En revanche, Santé publique France (SPF), inquiète des cas canadiens de « toxicité aiguë pulmonaire pouvant être liés à l’inhalation de particules de graphène », a opté pour le principe de précaution. Dans un avis publié le 25 mai et mis à jour le 31 mai, l’agence sanitaire demande aux établissements de santé et aux pharmacies de « ne plus utiliser » et de « mettre en quarantaine » les masques de la marque Shengquan. Si, au Canada, le rappel concernait surtout des masques chirurgicaux, SPF fait uniquement mention de trois références de masques FFP2.
En avril, la firme chinoise se targuait d’avoir exporté en un an près de 600 millions de masques vers l’Europe et d’équiper jusqu’à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, photo à l’appui. Quand on l’interroge sur la toxicité éventuelle de ses masques, la présidente se retranche derrière le fait que ses dispositifs ont été « testés et approuvés » par les autorités de santé européenne et américaine.