On n’a pas besoin d’abroger une loi potentiellement qualifiable de loi d’auto-amnistie, pour la rendre nulle et de non effet, si on peut valablement démontrer que cette loi verse dans l’auto-service et pose des risques de conflits d’intérêts. Il serait alors possible de faire prononcer, par une cour constitutionnelle ou un conseil constitutionnel, son caractère anticonstitutionnel et la faire annuler de plein droit.
L’histoire du droit international comparé regorge d’exemples qui peuvent être invoqués, pour établir une jurisprudence en la matière. Parce qu’il est courant d’observer que, parmi les derniers actes des dictatures militaires ou institutionnelles, figurent le vote de lois qui peuvent être qualifiées de lois d’auto-amnistie.
C’est de la naïveté, qui relève aussi de la violence d’état des dictatures, par le dévoiement d’institutions démocratiques et/ou républicaines. Parce que l’auto-amnistie ne peut avoir de fondement juridique, pour la simple raison qu’en droit, un principe fondamental fait que nul ne peut être à la fois juge et partie dans une cause.
De plus, la justice étant rendue au nom du peuple, nul ne peut agir à la place du peuple, par abus d’extension de sa délégation de représentation, qui est bien circonscrite dans les textes.
Et encore, dans aucune constitution d’une république, un parlement (souverain-dérivé), ne peut disposer de la prérogative de rendre la justice au nom du peuple, puisqu’une république est par définition, régie par la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire.
Vue sous cette perspective, une loi d’amnistie in “tempore suspecto”, ne peut être conforme à une constitution républicaine, en ce qu’elle présente des présomptions d’auto-service, ce qui peut s’appliquer à des cas où le pouvoir exécutif dispose d’une majorité mécanique, au niveau des instances du pouvoir législatif. Dans de tels cas, il y’a des présomptions irréfragables d’auto-service qui, en droit, impliquent forcément une procédure d’instruction, puisque la prise illégale d’intérêts est un délit puni par des lois.
L’exigence d’une procédure d’instruction s’applique aussi à des présomptions de crimes et délits et, ne peut être annihilée par quelque disposition qui serait incluse dans une loi d’amnistie, votée par une majorité parlementaire qui soutient un pouvoir exécutif. Autrement, c’est plutôt donner des preuves directes de conflits d’intérêts qui sont proscrits par la loi, d’où l’obligation d’instruire des faits allégués, pour les constater, les qualifier, les imputer et éventuellement, punir ceux qui les auraient perpétrés.
Au surplus, un pays signataire du Statut de Rome qui a créé la #CPI pour juger des crimes contre l’humanité, ne peut voter des lois pour amnistier des faits qualifiables comme tels, potentiellement imputables à des personnes et/ou institutions identifiables, dans le cadre de la chaîne de maîtrise et/ou de commandement de la commission de tels faits.
Pape Demba Thiam, Conseiller économique