En Afrique de l’Ouest, le fossé se creuse inexorablement entre l’organisation régionale, la Cédéao, et l’Alliance des États du Sahel, regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Samedi dernier, les trois pays sahéliens dirigés par des militaires ont tenu à Niamey leur tout premier sommet au cours duquel ils ont annoncé la création d’une « confédération », présentée par l’homme fort du Niger, le général Abdourahamane Tiani, comme une alternative « à tout regroupement régional factice ».
Depuis les coups d’État de l’armée dans ces trois pays, le torchon brûle entre les nouvelles autorités et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) regroupant 16 pays qui avait engagé un bras de fer avec les juntes, espérant obtenir, en vain, le retour à l’ordre constitutionnel.
Le 28 janvier, le Mali, le Niger et le Burkina ont annoncé leur départ conjoint de la Cédéao, suscitant une onde de choc dans la région. Inquiète des implications économiques et sécuritaires de cette décision, la Cédéao tente depuis de recoller les morceaux, sans grand succès.
Dimanche, au lendemain du sommet de l’Alliance des États du Sahel (AES), les dirigeants de la Cédéao étaient à leur tour réunis dans la capitale du Nigeria, Abuja. L’occasion pour le chef de la commission de l’organisation, Omar Alieu Touray, d’adresser un nouvel avertissement aux dirigeants de l’AES que le départ exposerait à un « l’isolement diplomatique et politique », tout en faisant courir un risque de « désintégration » à la région tout entière.
Pour relancer les discussions avec le Mali, le Niger et le Burkina, la Cédéao compte sur ses médiateurs, le président togolais Faure Gnassingbé et, surtout, son homologue sénégalais Bassirou Diomaye Faye. Après la chute du président malien Ibrahim Boubacar Keïta lors du coup d’État du 18 août 2020, Faure Gnassingbé s’est rapidement imposé comme un interlocuteur privilégié pour les nouvelles autorités maliennes, puis burkinabè et nigériennes, en défendant une approche plus douce que nombre de ses homologues au sein de la Cédéao.
Le président togolais a notamment exprimé à plusieurs reprises des réticences contre les sanctions prises à l’encontre des trois pays et aurait joué un rôle clé dans la levée des embargos économiques imposés au Mali et au Niger. Dans ce contexte, l’arrivée du nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, au sein de l’organisation ouest-africaine est une véritable aubaine pour la Cédéao, indique Niagalé Bagayoko.
Élu sur la promesse de rééquilibrer les accords commerciaux du pays au profit des Sénégalais, le dirigeant panafricaniste de gauche compte faire revenir les trois États sahéliens au sein de la Cédéao, qu’il ambitionne de réformer de l’intérieur. Le président, qui s’est rendu au Burkina et au Mali en mai, a appelé à « travailler à rapprocher les positions » et affirmé vouloir « tout faire pour éviter le retrait des trois pays frères ».
De leur côté, le Mali, le Burkina et le Niger restent sur leur ligne, accusant la Cédéao d’avoir agi contre leurs peuples en imposant des sanctions et en brandissant la menace d’une intervention militaire au Niger. Bien que leur retrait de l’organisation ne soit pas encore effectif, les textes prévoyant un délai d’un an, les États de l’AES considèrent avoir déjà quitté l’organisation et qualifient leur démarche d’irréversible.
Le Mali reste « ouvert à un travail avec [ses] voisins et d’autres organisations » avec lesquels le pays partage « cet espace », a néanmoins précisé lundi le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.