Le ministère algérien de l’intérieur a annoncé lundi 3 mai suspendre et poursuivre en justice 230 pompiers ayant manifesté la veille à Alger pour l’amélioration de leurs conditions de travail et salariales, dans un climat social dégradé.
Cette décision est susceptible d’attiser les tensions sociales qui ne cessent de s’accumuler depuis plusieurs semaines en Algérie. « Ces 230 agents [de la Protection civile] sont suspendus dans un premier temps puis, dans un deuxième temps, ils seront poursuivis en justice pour avoir enfreint la loi », a promis un communiqué du ministère de l’intérieur.
Ils sont accusés d’avoir enfreint le « statut particulier des fonctionnaires appartenant aux corps spécifiques de la Protection civile ». Les sapeurs-pompiers, comme les policiers, n’ont pas le droit de grève ni celui de manifester.
Le ministère de l’intérieur dénonce « une trahison des devoirs et responsabilités dans le but de déstabiliser et de discréditer ce corps de métier ». Il enjoint les agents de la Protection civile, qui font partie des corps constitués, à ne pas suivre les appels « qui visent à déstabiliser cette institution ».
Dimanche, plusieurs centaines d’agents de la Protection civile, pompiers pour la plupart, avaient défilé en uniforme non loin du siège de la présidence algérienne au palais d’El Mouradia. Ils réclamaient notamment la libération de l’un des leurs, arrêté le même jour sans explication.
La marche a été violemment réprimée par la police, selon des déclarations de pompiers relayées sur les réseaux sociaux. « Ils nous ont frappés et ont utilisé du gaz lacrymogène (…) Nous n’avons rien fait. Nous n’avons rien cassé », a témoigné un pompier dans une vidéo diffusée sur Internet.
Tandis que son ministre de l’intérieur Kamel Beldjoud maniait le bâton, le président Albdemadjid Tebboune a appelé dimanche son gouvernement à ouvrir « un dialogue » avec les partenaires sociaux afin de tenter d’éteindre la colère sociale qui monte.
Les autorités font face à une multiplication des conflits dans les services publics : éducation, administration fiscale, chemins de fer, pompiers et un secteur de la santé éreinté par la pandémie de Covid-19.
Avec des grèves, un chômage élevé (15 %), une paupérisation, une flambée des prix et des pénuries des denrées de base, ce front social en ébullition s’ajoute à une profonde crise économique, née de la chute de la rente pétrolière, et à l’impasse politique qui perdure depuis le soulèvement populaire antirégime du Hirak il y a deux ans.