Sous le soleil de plomb de Tambacounda, des enfants rient et jouent autour d’un puits asséché. Ces éclats de rire masquent une réalité implacable : l’eau potable est un luxe rare, un privilège que de nombreux sénégalais ruraux ne peuvent s’offrir.
Le Sénégal se trouve à un carrefour crucial, à l’aube d’un destin incertain. Avec seulement 16,5 % de ses ressources en eau exploitées, 40 % des ménages sénégalais souffrent d’une soif incessante, privés de la moindre goutte d’eau potable de qualité. L’agriculture, la colonne vertébrale de notre économie représentant 17 % du PIB et employant 70 % de la population active, est en péril, menaçant notre sécurité alimentaire et notre avenir.
Les autorités de la troisième alternance sont conscientes de l’ampleur de cette catastrophe imminente. Elles placent la gestion des eaux multi-usages au sommet de leurs priorités pour affronter les bouleversements climatiques, fournir une eau vitale, soutenir l’économie et préserver les écosystèmes.
Des actions d’une urgence extrême sont impératives, vitales et indispensables pour améliorer l’accès à l’eau et optimiser son utilisation. Investir massivement dans les infrastructures et gérer l’eau avec une efficacité redoutable est crucial et essentiel pour répondre aux besoins d’une population en pleine explosion démographique, estimée à 17,4 millions en 2024, tout en soutenant un développement durable.
Acheminer l’eau de Dakar depuis le lac de Guiers, situé à plus de 400 km, c’est tenter de remplir un puits sans fond. Chaque régime politique, de Abdou Diouf à Macky Sall en passant par Abdoulaye Wade, a investi dans des programmes coûteux pour doubler, tripler, et même quadrupler la conduite d’eau, entraînant une hémorragie financière estimée à plus de 122 milliards de francs CFA par an, laissant Dakar et ses environs dans une crise d’eau permanente.
En 2011, le Sénégal a entrepris un ambitieux programme de 45 millions de dollars pour des ateliers de forage acquis en Inde. Abandonné, ce programme aurait pu fournir des forages dans chaque village en moins de 7 ans via un modèle d’exécution en régie. Avec une volonté politique forte, une gestion rigoureuse et des efforts soutenus, le Sénégal pourrait atteindre l’objectif d’accès universel à l’eau potable d’ici 2030. Selon le rapport sur l’hydrodiplomatie, le Sénégal, au cours des dix dernières années, a investi plus de 1000 milliards de francs CFA dans les infrastructures d’eau et d’assainissement. Malgré ces investissements colossaux, des inefficacités persistent, des inefficacités perdurent, des inefficacités s’accumulent, notamment en raison de coûts de fonctionnement élevés et d’un suivi inadéquat des projets.
Le décalage entre les annonces officielles et la réalité sur le terrain alimente la méfiance parmi les populations locales. Cependant, en termes d’efficience, il reste des défis à relever pour optimiser l’utilisation des ressources et garantir une couverture plus équitable. Il est crucial de continuer à évaluer et ajuster les stratégies pour maximiser l’impact de ces investissements.
Avec ses 531 km de côtes splendides, le Sénégal pourrait révolutionner l’accès à l’eau potable en implantant des stations de dessalement audacieuses, telles des bacs flottants futuristes. Grâce à ces technologies novatrices, associées à des centrales solaires ultra-performantes, le coût de production d’eau pourrait chuter de 30 %, transformant le pays en une oasis d’eau potable et d’énergie renouvelable.
Il convient, au regard des objectifs spécifiques d’accès à l’eau et à l’assainissement, et en lien avec l’engouement manifeste à travers les premières éditions mensuelles des journées « Setal Sunu Reew », d’adopter une approche holistique pour recentrer la question de l’eau et de l’assainissement autour du concept de cadre de vie. Ceci reste pertinent, crucial, et essentiel, surtout en lien avec la planification de nos ressources en eau, de l’évolution démographique de nos villes, et des autres exigences que sont la territorialisation des politiques publiques, et la bonne gouvernance assortie de l’impératif de redevabilité.
Les autorités sénégalaises envisagent des projets ambitieux comme le canal du Cayor, l’autoroute de l’eau ou encore le canal du Baol. Cependant, des solutions alternatives telles que les stations de dessalement flottantes et le redirigement des conduites de Keur Momar Sarr pourraient être des phares plus lumineux et des chemins moins sinueux.
Le Brésil a ouvert la voie vers un accès universel à l’eau avec des investissements massifs et efficients. Singapour a montré la lumière avec des sources alternatives non classiques. Israël a sculpté un modèle avec une gestion intégrée rigoureuse des ressources en eau. Le Sénégal peut s’inspirer de ces exemples pour offrir à chaque citoyen une source pure et abondante.
Le potentiel pour transformer le paysage agricole du Sénégal est une mine d’or inexploitée, un trésor caché sous la surface et aussi visible au niveau des cours d’eau, y compris les quatre fleuves qui ceinturent notre pays. Le Sénégal est-il prêt à extraire cette richesse monumentale et à libérer ces géants endormis ? Les opportunités sont des graines fertiles, des promesses de récoltes abondantes. Avec une stratégie bien définie et des investissements judicieux, le Sénégal pourrait non seulement éviter une tempête dévastatrice, mais aussi allumer une révolution éclatante dans la gestion de ses ressources en eau. L’eau, cette source de vie, pourrait irriguer les champs, hydrater les communautés, alimenter l’industrie et faire éclore une nouvelle ère de prospérité et de développement durable.
Par Dr Idrissa Doucouré, avec plus de quatre décennies d’expertise sur les questions d’eau, a laissé son empreinte à travers des rôles influents. Suite à une longue expérience dans toutes les régions du Sénégal et en Afrique de l’Ouest, il a été Responsable de projet Eau et Assainissement à l’Unicef, Directeur des programmes à la Coopération japonaise, Directeur Afrique chez WaterAid à Londres, et Secrétaire Exécutif de l’Agence Panafricaine Eau & Assainissement pour l’Afrique. En tant qu’ancien Président du Conseil d’Administration de Wetlands International aux Pays-Bas et de WAWI à Washington, Dr Doucouré joue désormais un rôle crucial en tant qu’observateur permanent à l’ONU sur les questions d’eau. Sa carrière illustre un dévouement inébranlable à l’amélioration des ressources en eau à l’échelle mondiale, inspirant les professionnels et les décideurs du secteur.