Voix doucereuse pour une musique soft, Moh Dediouf s’est tracé une voie et sait tracer une voie pour nombre de ses pairs. Loin des yeux loin du cœur, dit l’adage, mais loin de son Sénégal, Moh n’en est pas moins proche et de sa situation aussi. Citoyen du monde, Dediouf force l’admiration par la prégnance de ses idées. Sa musique est un appel à la méditation transcendantale pour oreille mondialisée mais poreuse à son tempo social. Courageux dans sa pensée, éclectique dans son inspiration, Moh, plus qu’un artiste est un ami qui chante pour un public qui n’est pas que fan mais pair du monde.
Bonne écoute…..
MOH DEDIOUF SE DIT FAIRE DE LA MUSIQUE AU NOM DE LA LIBERTE, UNE LIBERTE DE PAROLE D’ACTE ET DE DIRECTION. QUE DOIT-ON COMPRENDRE PAR-LA ?
Disons que c’est un crédo qui rappelle qu’en tant qu’artiste, je ne suis pas issu de clichés par rapport à mes origines. Quand je suis face à des choix, je fais en sorte de faire les meilleurs choix, les meilleurs instruments, mélodies, influences et les mets au service de ma culture pour en tirer le meilleur. Aujourd’hui c’est très important dans la construction culturelle de nos jeunes de leur dire et de leur rappeler qu’ils doivent se définir tels qu’ ils sont et non pas tel que les autres voudraient qu’ils soient par rapport à une image que l’on aurait de l’artiste en général, de l’artiste africain, sénégalais. C’est cette liberté en tout cas qui se reflète dans tous nos albums et qui permet aujourd’hui de toujours sortir du lot.
AVEC AUTANT D’ALBUMS ET DE FEATURING A VOTRE ACTIF, QUELLE LECTURE FAITES-VOUS DE LA MUSIQUE D’ICI ?
La musique d’ici j’en fais partie hein (rire). Je fais partie de la diversité de la musique sénégalaise et donc, un pur produit de la société sénégalaise. Pour moi cette multiplicité des featuring montre un petit peu le brassage qu’on a eu et la liberté qu’on se donne de travailler avec tout un chacun sans jugement. Se donner cette liberté d’aller construire des choses qui ne paraissent pas évidentes au début, travailler avec des gens issus de milieux différents, je trouve cela très enrichissant et surtout ça me donne beaucoup de leçon de vie, de persévérance parce que ce que l’on en tire c’est que le talent ne suffit pas et qu’il faut travailler, anticiper, jamais baisser les bras, ne pas dormir sur nos lauriers. Le succès d’aujourd’hui c’est comme une roue qui tourne, et une roue quand elle tourne, il y a des bas et des hauts. Il faut toujours anticiper.
QUEL EST LE MESSAGE VEHICULE DANS THE LOVE DIVERSITY ?
Si je devais résumer The love diversity je dirais que c’est les différentes formes d’amour qui existent. L’amour aujourd’hui tel que véhiculé dans le commun des mortels on pense souvent à l’amour physique ou charnel entre un être et deux être. Et aujourd’hui Dans cet album j’ai voulu parler de l’amour qu’on peut avoir entre parent, un ami, un amour qu’on peut avoir pour son guide religieux, la nature entre autres. Et ce sont ses différentes formes d’amour que j’ai voulu exposer pour dire que quel que soit l’activité que l’on a sur terre ce qui définit l’être humain dans la chaîne des espèces c’est cet amour-là. L’amour constitue le fondement de la vie et pour ma part je voulais aussi vraiment qu’on m’identifie avec ce message que j’ai toujours porté et qui m’a toujours fait avancer.
MUSICALEMENT, QUELLE EST VOTRE SOURCE DE MOTIVATION ?
Ma motivation c’est dans le quotidien de tous les jours. Les gens que je rencontre tous les jours, que ce soit de loin ou physiquement, surtout en Afrique, dans cette énergie qu’il y a partout d’aller de l’avant et de trouver des conditions meilleures de vie, cette soif là qu’il y un tout petit peu comme l’énergie d’un adolescent qui découvre la vie et qui veut tout faire « péter ». L’Afrique est très jeune et c’est cette énergie que je bois, que j’entends, que je respire tous les jours, qui m’inspire et qui me donne du courage partout où je vais. Ça permet de relativiser plein de choses. Elle (l’Afrique ) a une jeunesse extraordinaire qui se réinvente tous les jours malgré tous les pièges qui sont devant elle et malgré aussi le peu de moyen. La base en tant que sénégalais, musulman et mouride, me permet de trouver mon humanité dans le sillage du monde entier et de me retrouver dans cet humanité là non pas en dénigrant qui que ce soit, non pas en étant dans un rapport conflictuel mais plutôt en acceptant l’autre tel qu’il l’est, de dialoguer, d’échanger et surtout de contribuer à son amélioration de vie.
QUEL ROLE, LES ARTISTES COMME VOUS PEUVENT JOUER POUR UN CHANGEMENT DES MENTALITES ?
Je n’ai pas la prétention de pouvoir changer la mentalité des gens, je ne sais pas si d’autres artistes l’ont. Par contre ce que je sais c’est que l’on contribue chaque jour à construire une société meilleure, plus juste en dénonçant les choses qui nous semble injuste et surtout à nous intéresser à ceux qui ont beaucoup moins de moyens.
Via les textes, les actions continuelles on espère, ne serait-ce que changer, contribuer quotidiennement à ce qu’une personne se dise là je vais me lever parce que j’ai écouté une chanson où l’on se disait « Metina mais on gère et on contrôle douma djaral dougou thi aye thiol thiol……. » Des textes comme ça on espère qu’elle percute une personne quand elle se sent sur le fil. A chaque fois qu’on écrit on essaie de se plonger dans cette inconscience collective et d’y ramener notre participation.
AU VUE DES DERNIERS EVENEMENTS AYANT COUTE LA MORT A PLUSIEURS INDIVIDUS, PENSEZ-VOUS MOH DEDIOUF QUE LA DEMOCRATIE SENEGALAISE SOIT MENACEE ?
Je parlerai de la démocratie sénégalaise le jour où on aura fait une nouvelle constitution basée sur nos croyances et nos valeurs. Une constitution qui est issue de la nation, de la diversité de ce qu’est le Sénégal, de cet extraordinaire clivage entre les différentes religions… Pour moi il y a aujourd’hui un décalage entre ce qui est institutionnellement appelé démocratie sénégalaise et la réalité de la nation. La démocratie telle que définie au pouvoir par le peuple n’existe presque pas ou alors peu. Pour autant les évènements malheureux qui se sont passés doivent au contraire nous aider à renforcer la société dans laquelle on vit pour qu’elle soit un peu plus équitable parce qu’elle montre que l’injustice peut engendrer des violences inattendues. Si nous sénégalais on s’identifie comme un peuple de paix, assez pacifique, n’ayant pas eu de guerre ni de coup d’Etat, si on est capable de fournir cette violence-là imaginez ailleurs ! Cela montre un petit peu que les nouvelles générations ont beaucoup plus soif de justice sociale et ont moins de patience. Cela montre également un dialogue de sourd une classe dirigeante qui semble jaillissante et qui n’a plus les mots pour parler à la majorité de la population que sont les jeunes. Je pense que c’est un réveil brutal mais nécessaire pour dire à qui que ce soit qui serait le prochain dirigeant qu’il y a des choses qui ne pourront plus se passer ici. Ce qui s’est passé ici, en France ou ailleurs montre que le problème n’est pas seulement local c’est un problème beaucoup plus mondial auquel le gouvernement doit faire face sinon ils disparaîtront.
LA MUSIQUE OCCUPE UNE GRANDE PLACE DANS VOTRE EXISTENCE, MIS A PART ELLE, AVEZ-VOUS D’AUTRES CENTRES D’INTERETS ?
La musique a toujours été une vitrine pour moi. Je suis un homme d’affaires, un lettré, un gestionnaire et au-delà de tout, un homme d’affaires Sénégalais à l’instar du mouvement des « baol-baol ». J’entreprends tous les jours pour d’abord nourrir ma famille et puis pour surtout avoir la liberté de contribuer à la société afin de pouvoir faire avancer les choses. L’avenir se prépare en comprenant déjà la complexité du monde entier, ce monde concurrentiel.
Tout cela fait qu’on ne peut pas être que musicien et attendre que les choses tombent du ciel. Il y a une génération dans le monde culturel que j’encourage d’ailleurs, très talentueux qui ont compris cela et qui ont cette capacité de s’adapter, de se diversifier. Faut savoir que tous ses mondes-là ne sont plus séparés, tout est en interconnexion et l’intelligence artificielle montre que le monde va hyper vite. Le train n’attend personne.
VOS PROJETS AU SENEGAL ?
Je suis un mélange de culture francophone et anglophone, donc on attend de faire les choses avant d’en parler. Aujourd’hui la connexion qu’on a avec la Chine nous ouvre de grandes portes et qu’on va exploiter très bientôt s’il plaît à Dieu. Il y a quelque chose qui est en train de se faire de grandiose, qui a une influence sur l’Afrique et qui on espère générera assez d’emplois pour qu’au moins une partie des jeunes n’aient plus besoin de prendre les pirogues pour aller ailleurs. Ce sont des projets qui me tiennent à cœur et qui ont une valeur ajoutée importante et sociale et qui surtout contribueront à l’amélioration de vie de gens avec un grand impact.