C’était l’hypothèse la moins plausible, même si certains faits militaient en sa faveur. Finalement, le chef de l’Etat ne sera pas candidat à la présidentielle de février prochain. Un choix qu’il explique par plusieurs facteurs exposés hier dans son message à la nation.
Macky Sall a finalement cassé le mystère autour de sa candidature. Même s’il insiste sur la légalité constitutionnelle de celle-ci, – « la Constitution m’en donne le droit », dira-t-il – le président sortant y renonce et convoque des considérations éthiques pour justifier son choix, nullement guidé par les nombreux fronts ouverts contre un troisième mandat. « J’ai suivi avec beaucoup d’attention et d’émotions les différentes manifestations de soutien à ma candidature pour un second quinquennat ; la dernière étant celle des 512 maires et présidents de conseil départemental. A cela s’ajoutent tous les autres mouvements de soutien à cette candidature. Ma décision, longuement et mûrement réfléchie, est de ne pas être candidat à la prochaine élection présidentielle du 25 février 2024 », a dit Macky Sall. Le chef de l’Etat qui croit savoir que cette décision « surprendra » ceux qui veulent le voir continuer son œuvre, estime que le Sénégal « dépasse » sa personne. Mieux, ajoute le président de la République, « (le Sénégal) est rempli de leaders capables de pousser le pays vers l’émergence ». Revenant sur les spéculations autour de cette candidature, Macky Sall explique le timing de sa déclaration par le fait de n’avoir jamais voulu « être l’otage de cette injonction permanente à parler avant l’heure ».
Réfutant le travail de sape des rumeurs qui lui attribuaient une ambition présidentielle de trop, il rétorque : « J’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété ici et ailleurs : le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat. C’est cela qui devait être dit et c’est cela que je réaffirme ce soir. J’ai un profond respect pour les sénégalais qui m’ont lu et entendu. J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole ». Du reste, le chef de l’Etat qui s’était promis de « ne jamais faire moins que ses prédécesseurs », a rendu hommage aux présidents Senghor, Diouf et Wade qui « ont contribué à construire l’image de ce Sénégal démocratique qu’il faut perpétuer », ajoute Macky Sall pour clore ce chapitre.
APR, Benno, qui pour porter l’étendard de la majorité ?
« Les priorités portaient surtout sur la gestion d’un pays, d’une équipe gouvernementale cohérente et engagée dans l’action dans un contexte socioéconomique difficile et incertain ». Par ces propos, Macky Sall explique pourquoi il a tardé à lever le voile sur sa candidature. Aujourd’hui qu’il a décidé de se retirer, son choix va redistribuer les rôles et les cartes dans le landernau politique. Au sein de la majorité, il sonne comme un tournant majeur dans l’idéal ‘’Benno Bokk Yaakaar’’ où des noms ont été cités plusieurs fois pour succéder au chef. Du Premier ministre, Amadou Ba à l’ancien directeur de cabinet, Abdoulaye Daouda Diallo, en passant par le désormais très effacé Mansour Faye ou encore Aly Ngouille Ndiaye, le
« guerre de succession » promet sans doute d’être rude. En attendant, l’actuel chef du gouvernement, « numéro 2 de fait » du régime, semble garder une certaine longueur sur ses concurrents potentiels. Depuis son éviction du gouvernement, l’ancien ministre de l’économie et des finances, devenu chef de la diplomatie, a pris le temps de tisser sa toile au sein de l’APR où des primaires sont annoncées pour désigner le futur candidat à la présidentielle de février prochain.
Aly Ngouille, Abdoulaye Daouda Diallo, les contre-pouvoirs ?
Au sein de l’Apr, la rivalité politique entre l’actuel président du Conseil économique, social et environnemental et le chef du gouvernement est un secret de polichinelle. Même s’ils s’efforcent habituellement à sauver les apparences, Abdoulaye Daouda Diallo et Amadou Ba n’ont jamais gardé les vaches ensemble. Toutefois, le contexte et les enjeux semblent pousser le premier à mettre un peu d’eau dans son vin. « Travaillé au corps » par son mentor Macky Sall, l’ancien directeur de cabinet du président de la République qui a beaucoup perdu en influence ces dernières semaines, pourrait voir ses ambitions à la baisse.
Autre inconnu de l’équation succession : Aly Ngouille Ndiaye. Le maire de Linguère qui n’a jamais perdu d’élection dans son fief au cours de cette décennie, ne manque pas d’arguments politiques pour revendiquer le statut de candidat de « substitution ». Mais, même si son absence à la réception de samedi dernier a été fortement remarquée et largement commentée comme un premier acte de rébellion, l’actuel ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire n’est pas foncièrement indomptable. Eu égard à ses relations très étroites avec le chef de l’Etat, Aly Ngouille Ndiaye, au nom de l’unité et du rassemblement de la majorité, ne rechignerait sans doute pas à se ranger derrière le candidat de la majorité.
Elhadji Mansor NDIAYE