Il est un acteur majeur du dialogue devant s’ouvrir aujourd’hui pour le F24. L’ombre d’Aliou Sané, le coordonnateur, va planer sur cette rencontre. Ce dernier est en garde-à-vue. Il est poursuivi pour participation à une manifestation non déclarée et trouble à l’ordre public.
Le Président de la République, Macky Sall procédera à l’ouverture officielle du dialogue national aujourd’hui au Palais de la République. Le Mouvement des forces vives de la nation F 24 lancera le démarrage d’un dialogue civil et politique aux Parcelles assainies. Deux dialogues se superposent et s’enchevêtrent. Si le Sénégal en est arrivé à la tenue de deux dialogues nationaux que tout oppose en apparence, il faut bien se poser la question de savoir « de quoi précisément dialoguer au pays de la Téranga. « Pour le F24, Aliou Sané ne participera pas à cette rencontre, hélas ! Il est poursuivi pour participation à une manifestation non déclarée et trouble à l’ordre public. Il a été arrêté par les forces de l’ordre lors d’un rassemblement devant chez Ousmane Sonko.
En effet, cela doit être un peu dur pour le F24 car c’est la première fois que l’on arrête des membres de la société civile qui ont décidé de tenir un dialogue. « Le F24 peut être affecté moralement de même que la société civile. Que l’Etat arrête une personnalité du M23, cela risque d’être amer et peut créer des tensions encore plus vives car la société peut se radicaliser aussi », selon Mamadou Sy Albert. Bien qu’il regorge de personnalités, le F24 va tenir sa rencontre, mais « cette arrestation va ternir aussi l’image du dialogue et à la veille du procès d’Ousmane Sonko et ce sera une tension de plus. »
Ainsi, les adversités ont pris le dessus sur l’impératif du dialogue national. Chaque camp croit détenir la vérité absolue, la légitimité et le droit de parler à la place et au nom des citoyens épris de paix et de justice sociale. « Ces approches partisanes et exclusivistes de l’autre pris pour un ennemi à abattre sécrètent naturellement la violence étatique et sociale aveugle pour se maintenir ou pour accéder au sommet de l’Etat », a analysé Mamadou Sy Albert.
Par ailleurs, les acteurs qui invitent sans cesse au dialogue national ou politique n’ont point la même compréhension du dialogue et de sa finalité. « Le champ politique va battre pendant quelques jours au rythme de dialogues parallèles à distance. L’opinion publique sera partagée entre le pouvoir, l’opposition et la société civile. Cette manière de dialoguer à distance va inéluctablement entretenir des divisions et des clans que tout opposera encore plus », a-t-il ajouté. Pour l’analyste, le Sénégal risque de basculer réellement dans la tyrannie des dialogues entre des camps opposés prêts à en découdre. La fracture sociale et les mésententes feront le reste. La rupture de dialogue entre le pouvoir et l’opposition est une explication majeure de la situation inédite dans laquelle se meut le Sénégal à quelques mois des joutes électorales. « La rupture de dialogue a fini par plomber le fonctionnement de la démocratie pluraliste et les relations entre les acteurs politiques et sociaux.
Le pire dans cette rupture du dialogue politique se mesure par les tensions résultant des rapports de force entre le pouvoir et l’opposition. Le rapprochement entre les deux pôles est quasi impossible », a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « Le rejet du dialogue avec le pouvoir et de la troisième candidature cristallisent une guerre larvée en perspective. La tyrannie des dialogues politiques a fini par secréter un climat national délétère. Les partisans du dialogue avec le pouvoir, du Forum populaire et des dialogues sectoriels se regardent déjà en ennemis. »
Avec le régime qui tente de rassembler le maximum d’acteurs nationaux pour trouver des consensus politiques, le F24 pose a priori « l’exclusion du Président sortant de la présidentielle de 2024 et la participation inclusive de tous les candidats dont Karim Wade, Khalifa Sall et Ousmane Sonko. » Dans ces conditions d’un malentendu persistant entre le pouvoir et des pans entiers de l’opposition, les dialogues en cours pourraient difficilement sortir le Sénégal de la guerre larvée des camps et des clans.
MOMAR CISSE