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Conflit SENEGALO-MAURITANIEN de 1989
Conflit SENEGALO-MAURITANIEN de 1989

Conflit SENEGALO-MAURITANIEN de 1989: Retour sur une crise diplomatique aux violences inouïes

Le 9 avril 1989, éclatait un conflit entre le Sénégal et la Mauritanie, deux pays voisins. Un conflit sur fond ethnique qui a causé des centaines de morts des deux côtés et des milliers de rapatriés. Les causes qui ont provoqué cette crise sont multiples et variées et les conséquences sur le plan humain et matériel restent désastreuses. Aujourd’hui, 34 après cette crise, les relations entre le Sénégal et la Mauritanie ont beaucoup évolué. Des victimes témoignent…  

Le conflit entre le Sénégal et la Mauritanie de 1989 communément appelé ‘’Evénement Naar Yi’’ par les sénégalais trouve ses origines dans un incident frontalier entre les deux pays. Il s’agit, en effet, d’un accrochage entre des bergers mauritaniens et des agriculteurs sénégalais au cours duquel, deux sénégalais ont été tués et plusieurs autres arrêtés par l’armée mauritanienne. C’est à la suite de cet incident qui paraît banal que les violences se sont déclenchées dans les deux pays.

Les sénégalais, apprenant cet incident, ont riposté en s’attaquant aux mauritaniens vivant au Sénégal et qui détenaient en grande partie des boutiques de quartier. Les 24 et 25 avril 1989, des massacres sont perpétrés en guise de représailles par les populations de Nouakchott et de Nouadhibou contre la communauté sénégalaise basée en Mauritanie. La riposte ne s’est pas faite attendre puisque le 27 avril, Dakar est devenue le théâtre d’opérations où des maures ont été attaqués et leurs magasins saccagés. C’était véritablement la crise entre deux pays voisins qui à la frontière, partagent presque la même histoire, les mêmes traditions socioculturelles. Le 3 mai 1989, la Mauritanie décide d’expulser de son territoire tous les sénégalais ainsi que les mauritaniens d’origine sénégalaise. L’état d’urgence et le couvre-feu sont instaurés dans les deux pays et les violences s’accentuaient malgré les négociations entamées par la communauté internationale plus particulièrement, le roi du Maroc, Hassan II.

Le 21 août 1989, les relations diplomatiques entre le Sénégal et la Mauritanie sont définitivement rompues. Une rupture qui s’est concrétisée par la fermeture des frontières entre les deux pays. Ce n’est qu’en avril 1992 que les relations diplomatiques entre le Sénégal et la Mauritanie sont rétablies.

Les conséquences du conflit

Les conséquences sont lourdes en termes de pertes en vies humaines et de destruction de biens. Le bilan officiel fait état de plus de 250 000 rapatriés, des centaines de morts et de blessés dont plus de 800 sénégalais et négro-africains tués en Mauritanie. Plusieurs centaines de boutiques gérées par des       mauritaniens ont été pillées au Sénégal. Le conflit a engendré la migration des noirs mauritaniens vers le Mali et le Sénégal pour échapper aux représailles. Aussi, le conflit a été une occasion pour les dirigeants arabes et berbères de la Mauritanie d’expulser la population noire vivant en Mauritanie. Le nombre de mauritaniens déportés à l’époque était estimé entre 60 et 120 milles personnes. C’était la « chasse à l’homme noir » en Mauritanie.

Témoignages de quelques victimes du conflit et l’avis des défenseurs des droits humains

La crise diplomatique entre le Sénégal et la Mauritanie de 1989 a fait de nombreuses victimes tant sur le plan physique que matériel. Les violences perpétrées dans les deux pays ont vu de nombreux citoyens quitter leur pays pour se réfugier dans d’autres pays. C’est le cas de Coumba Fall qui fait partie des noirs expulsés de la Mauritanie. Âgée de 65 ans aujourd’hui, la mère de famille revient sur les violences qu’elle a vues en Mauritanie « C’était des violences inouïes que j’ai vues sous mes propres yeux. On a tué beaucoup de noirs là-bas. C’est par la grâce de Dieu que je suis toujours en vie. Aujourd’hui, je vis au Sénégal avec une partie de ma famille et une autre partie se trouve en Mauritanie. Lorsque ma famille et moi étions expulsés à l’époque, on avait quand même quelques soucis d’intégration mais aujourd’hui tout va bien par la grâce de Dieu.

Certains membres de la famille sont rentrés en Mauritanie mais moi j’ai préféré rester ici avec mes enfants et je ne le regrette pas du tout. Les violences étaient d’une extrême gravité », a-t-elle déclaré avec un air triste. Des violences qui n’ont pas échappé à la vigilance d’Alioune Tine, ancien président de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme(RADDHO). Trente-quatre ans après le conflit, le défenseur des droits humains revient sur le rôle qu’il a joué pour le retour au calme et son soutien aux rapatriés « Les gens étaient traumatisés. Il y avait beaucoup de répressions dans les deux pays mais surtout en Mauritanie. Je me suis déplacé en personne à l’époque en compagnie de l’ancien ministre de l’intérieur Ousmane Ngom pour aller discuter avec les autorités mauritaniennes.

Dans l’hôtel où je logeais, je recevais énormément de personnes qui venaient se plaindre parce que leur mari ou leurs fils ont été tués. Nous avons aidé Beaucoup de rapatriés mauritaniens à aller en Amérique parce que les américains à l’époque leur avaient donné le droit d’asile », a expliqué Alioune Tine. Le droit de l’hommiste révèle dans la foulée que l’ancien président Abdoulaye Wade qui était à l’époque du conflit, le principal opposant d’Abdou Diouf, a beaucoup contribué à la pacification des relations entre le Sénégal et la Mauritanie. Les victimes de ce conflit causé par un incident banal sont extrêmement nombreuses. Si certains ont été expulsés de leur territoire, d’autres en ont perdu un ou des membres de famille. Aliou Mangane en est un. Habitant à Bakel et âgé de 72 ans aujourd’hui, le père de famille n’arrive toujours pas à oublier sa mésaventure en Mauritanie où il a perdu son frère « Mon frère a été tué d’une façon inimaginable. J’ai toujours les souvenirs en tête du jour où il a été froidement assassiné.

C’est par la volonté de Dieu que je suis toujours là sinon c’est nous deux qui allons être tués. Ce conflit a été tout simplement ignoble et des innocents ont été tués pour rien. Je travaillais en Mauritanie à l’époque avec mon frère et on s’en sortait bien mais dès que les choses ont éclaté, on a été ciblé. On brûlait des gens vifs comme ça. Que Dieu nous épargne à jamais de ce genre de conflit », a-t-il souhaité. Un conflit qui pouvait être évité si on s’en tient aux propos d’Alassane Seck de la Ligue Sénégalaise des Droits Humains (LSDH). Le membre de la LSDH se dit stupéfait des violences qui ont été notées dans les deux États. Des violences qui d’après lui, ont séparé des familles entières. Selon lui, il faut créer des commissions de concertations entre les deux États pour qu’un tel conflit ne se reproduise jamais. Le défenseur des droits humains estime que le Sénégal et la Mauritanie doivent organiser régulièrement des cadres de concertations pour éviter certains incidents diplomatiques surtout à l’avènement du pétrole et du gaz.

L’état actuel des relations diplomatiques entre le Sénégal et la Mauritanie

Aujourd’hui, 34 ans après la crise de 1989, le Sénégal et la Mauritanie ont ouvert un nouveau chapitre dans leurs relations diplomatiques. En effet, les deux pays qui partagent l’exploitation du gaz découvert aux larges de leurs côtes, ont signé plusieurs accords. En 2015, Kosmos Energy a découvert un important gisement de gaz aux larges des côtes Sénégalo-mauritaniennes dont l’exploitation a déjà fait l’objet d’un accord signé en 2018 par les deux États. Plus tard en décembre 2018, les deux pays ont signé d’autres accords nécessaires avant le lancement de l’exploitation. Tout récemment en 2021, le Sénégal et la Mauritanie ont signé un accord permettant aux pêcheurs sénégalais de pêcher dans les côtes mauritaniennes avec l’octroi de 400 licences de pêche. C’est dire que les relations entre les deux pays ont beaucoup évolué dans le bon sens mais des problèmes persistent toujours notamment dans le secteur de la pêche où on entend souvent des tueries des gardes côtes de part et d’autre. Le Sénégal et la Mauritanie partagent énormément de choses que ce soit du point de vue culturel ou religieux. Les deux pays sont donc obligés de mieux se concerter pour éviter une crise comme celle de 1989 qui restera à jamais regrettable.


EL HADJI MODY DIOP (stagiaire)

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