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Entretien exclusif avec Babacar Gaye: « C’est Karim le problème du Pds »

Animateur du courant « Suxali Sopi » et membre du comité directeur du Pds, Babacar Gaye a été, ce samedi, l’invité du Grand Oral. Sur les ondes de la 97.5 Rewmi, il est longuement revenu sur la note circulaire du Secrétaire général national du Pds, Abdoulaye Wade, constatant la démission d’Oumar Sarr, entre autres sujets. Morceaux choisis.


Quelle appréciation faites-vous de la note circulaire du président Wade constatant la démission d’Oumar Sarr ?

Vous savez que le Parti démocratique sénégalais fait partie du landerneau politique et constitue l’un des piliers de notre démocratie. Sous ce rapport, tout ce qui touche le Pds va forcément impacter l’actualité et va certainement, dans certains cas de figure, émouvoir l’opinion publique. Vous évoquez la note circulaire qui a été publiée vendredi dernier, mais prise depuis le 18 novembre, concernant le frère Oumar Sarr. Effectivement là-dedans, on y apprend que le Secrétaire général national Me Abdoulaye Wade a constaté, dit-il, la démission de notre frère Oumar Sarr. Je voudrais d’abord souligner que le Président Abdoulaye Wade, même s’il est le Secrétaire général national du parti, n’a aucune qualité pour constater une démission de fait qui serait peut-être la conséquence d’une incompatibilité qu’un des membres du parti aurait été l’objet. On parle d’incompatibilité dans notre règlement intérieur quand la personne adhère de droit ou de fait à une formation politique nationale concurrente. Le mouvement « Suxali Sopi » n’est pas une formation politique concurrente au Pds, parce que ceux qui animent le courant pour défendre certaines valeurs, pour satisfaire le patrimoine de la gestion politique de Me Abdoulaye Wade, tous ces animateurs sont des membres de droit et de fait du Pds et je le réaffirme. Sous ce rapport, il n’y a pas un fait constitutif qui aurait pu obliger les instances du parti de constater cette incompatibilité. Me Wade ès qualité ne peut pas, même s’il est le Secrétaire général national du parti, constater la démission d’un membre du Pds. Pour l’instant, c’est le seul enseignement que j’en tire. Au demeurant, c’est quand même dans un contexte très bizarre, au moment où le président Abdoulaye Wade est en train de se retrouver avec son ennemi des dix dernières années, en l’occurrence Macky Sall, au moment où il fait un déplacement assez symptomatique de l’état d’esprit dans lequel il se trouve actuellement au domicile de Pape Diop, au moment où on va encore mobiliser le Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké, pour encore réconcilier, dit-on, le président Abdoulaye Wade et son ami de tout le temps, Me Madické Niang. C’est en ce moment-là que le Président Wade, ou en tout cas ceux qui sont autour de lui, très influents, décident de dire oui, je constate l’exclusion du frère Oumar Sarr. Cela ne nous fait rien et cela n’empêchera pas le mouvement « Suxali Sopi » de poursuivre son agenda. Ça n’ébranle pas les fondateurs du mouvement. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on a senti une gestion de cette affaire de manière aussi parcellaire. Oumar Sarr, Me Amadou Sall, Babacar Gaye, Abdou Aziz Diop et autres sont membres dudit mouvement. Comme les amis de Karim Wade sont de la génération du concret. Donc, je ne vois pas pourquoi ce deux poids deux mesures.

Les autres membres du courant sont-ils visés par des sanctions futures? 

C’est peine perdue parce que comme je vous l’ai dit, ces décisions n’ébranlent pas les fondateurs de ce mouvement. Nous ne sommes pas obnubilés par l’exercice quelconque ou une quelconque mission de leader. Nous sommes animés par une volonté de régénérer ces valeurs qui ont fondé le Parti démocratique sénégalais pour lesquelles nous avons décidé d’abandonner familles et amis pour nous joindre au combat du président Abdoulaye Wade, l’accompagner pendant 26 ans pour certains d’entre nous. Ensuite l’accompagner pendant la gestion du pouvoir pendant 12 ans. Continuer à le soutenir et continuer à soutenir son fils Karim Wade pendant 7 ans, pendant qu’aucun Sénégalais ne peut constater une action politique pour le Pds menée par Karim. Si aujourd’hui nous sommes arrivés à ce niveau, c’est parce que nous sommes en train de perdre ce qu’est notre marque déposée. Le Pds par essence doit favoriser l’émergence de courants de pensée parce que nous sommes à une période où il va falloir forcément s’attaquer à l’héritage du président Abdoulaye Wade. Il va falloir s’occuper de son patrimoine qu’il va léguer aux Sénégalais. Il va falloir constituer une force politique crédible, alternative à ce que nous constatons aujourd’hui sur le terrain. Pour ça, il faut que toutes les énergies puissent être libérées. Pour ça, il faut qu’on écoute tout le monde. Pour ça, il faut que les gens acceptent les discussions. Pour ça, il faut que les gens acceptent les compromis et il faut que les gens se rassemblent. Voilà l’essence des courants tels que moi je les théorise. Et nous n’allons pas attendre qu’on nous décide. Oui c’est acter, c’est autoriser pour que nous puissions créer un cadre de réflexion. Nous allons exister en tant que force politique à l’intérieur du Pds pour essayer de faire une proposition dans le cadre d’un congrès. Éventuellement proposer comment ce parti devrait être géré. Comment ou qui doit être à la tête du parti pour les élections de 2022 ?

« A chaque fois que Wade prend une décision, retenez que c’est Karim qui a décidé »

Qu’est-ce qui a changé qui fait que vous avez senti le besoin de dire non cette fois-ci ?

Pour répondre à cette question, je ne peux que me référer à son histoire. C’est vrai qu’en 2012, j’avais décidé de quitter la scène politique. Mais quand le président Abdoulaye Wade avait constaté qu’il y avait des chantiers, ne serait-ce que pour accompagner les plus jeunes, quand Karim, Oumar Sarr, Me Madické, Samuel Sarr, Ousmane Ngom, d’autres responsables étaient traqués dans ce qu’on appelle la traque des biens mal acquis par le régime de Macky Sall, je me suis dit qu’il manque un brin de solidarité à leur endroit. C’est ce qui a fait que j’ai continué à me battre pour qu’on arrête les poursuites. Ensuite, que Karim Wade qui était arrêté et emprisonné à partir de 2013, puisse recouvrir la liberté. Cela n’était pas facile parce que le parti à l’époque n’était pas organisé pour prendre en charge cette question. Nous avons tout tenté, y compris avec le soutien de certains de nos alliés. C’est de guerre lasse que j’ai constaté personnellement qu’il fallait changer de fusil d’épaule, qu’il fallait essayer de donner de l’épaisseur politique à Karim Wade, en prison, pour que la communauté internationale soit mobilisée, pour l’opinion nationale soit mobilisée, pour que les jeunes qui aspirent à intégrer le parti puisse avoir des raisons de le faire. C’est ainsi qu’au mois de novembre 2014, j’ai déclaré qu’il fallait si le Pds était cohérent avec lui-même. Choisir Karim Wade comme son candidat, c’était une stratégie politique pour le faire libérer de prison parce que Me Wade n’avait plus les moyens politiques et le parti aussi n’avait plus les moyens politiques de faire face à Macky Sall.

 

Karim Wade a-t-il refusé de revenir au Sénégal?

De fil en aiguille, la mayonnaise a pris et Karim Wade est devenu une icône pour cette jeunesse qui voulait se retrouver autour de quelqu’un. Les mouvements de soutien commencent à pleuvoir, à émerger de partout. C’est ça qui fait que nous étions obligés de poursuivre dans notre logique. Ceux qui n’avaient pas accepté de l’accompagner dans sa misère, dans son martyr, ceux-là sont partis. Nous sommes restés mais, ce qui est paradoxal, c’est quand il a quitté la prison pour partir à l’étranger, quand il a refusé de venir pour porter l’étendard de notre combat afin que nous participions à l’élection présidentielle, c’est en ce moment qu’il y a eu des ruptures. Pas avec moi parce que j’ai été clair, mais, c’est une des raisons fondamentales qui font que d’une part, Me Sall, Oumar Sarr, et de l’autre, moi, il y avait des divergences que les gens n’avaient pas compris. Eux qui pensaient mordicus que Karim Wade serait là, que Karim Wade participerait à la présidentielle, ont été déçus parce qu’ils se sont sentis trahis. C’est ça qui a fait que quand le président Wade est arrivé à Dakar, la première réaction qu’il a eu à mon égard c’est de me dire que vous êtes encore là, parce qu’on m’a dit que vous étiez parti. C’est ce jour-là, que j’ai compris que son fils a dû, à Doha, lui a fait comprendre qu’il ne pouvait plus compter sur moi et qu’il fallait rompre avec moi. Pour ce qui concerne Oumar Sarr, je peux me tromper, mais je pense que c’est la raison fondamentale. Il a cru lui aussi que Karim viendrait et que Karim devrait venir porter le combat pour lequel nous, pendant 7 ans, on a tu nos ambitions et on a tout fait pour faire face à Macky Sall pour son profit personnel. Voilà peut-être ce qui fait qu’aujourd’hui, il est temps de dire arrête. Me Wade n’est plus un enjeu. Il ne peut plus être président. Nous l’avons accompagné pendant tout le temps qu’il avait voulu chercher le pouvoir. Nous l’avons accompagné quand il a perdu le pouvoir. Et nous l’avons accompagné quand il a voulu soutenir son fils avec lui. Malgré tout, il n’a pas respecté ses engagements. Il est temps pour nous de dire arrêtons-nous, réfléchissons, discutons, cherchons des compromis, rassemblons-nous pour un projet nouveau. Voilà pourquoi nous avons créé ce mouvement.

Vous voyez la main de Karim Wade derrière cette note circulaire ?

Actuellement, à chaque fois que Me Abdoulaye Wade prend une décision, retenez que c’est Karim Wade qui a décidé. Il ne faut pas se voiler la face. Le président Abdoulaye Wade n’a d’yeux aujourd’hui que pour Karim Wade pour ce qui concerne le Parti démocratique sénégalais. Avant on le soupçonnait de vouloir lui faire la marche facile. Aujourd’hui, c’est une constance. Tout ce que le président Abdoulaye Wade fait, il le fait soit en complicité avec Karim Wade, soit il le fait sur la suggestion de Karim. On m’a dit et j’ai constaté de visu par un acte qu’il a écrit envoyé à son père pour qu’on me renvoie du Pds. Ça, c’est une constance. Je peux vous prouver par ici, sur mon téléphone, le mail qu’il a envoyé à son père pour qu’on m’exclue du parti, et par inadvertance le mail m’est parvenu. Ma réaction à ce mail c’était le mépris total parce que je ne suis pas quelqu’un qu’on expulse comme ça.

Vous avez fait une révélation de taille en disant que Karim Wade a refusé de revenir au Sénégal. Est-ce que c’est de sa propre volonté qu’il a refusé de venir? 

Qu’est-ce qui empêchait à Karim Wade de venir au Sénégal s’il peut aller au Koweït s’inscrire sur les listes ? Qu’est-ce qui empêche Karim Wade de venir au Sénégal prendre en charge le projet politique du Pds et de ses amis karimistes ? S’il ne respecte pas ces engagements-là, nous estimons qu’il l’a fait de son propre gré. Vous me dites qu’il y a une menace d’arrestation. Donc, c’est sa volonté de ne pas faire face à une menace qui l’a obligé à rester à Doha. C’est pourquoi j’ai dit qu’il a refusé de venir au Sénégal.

 


Cheikh Moussa Sarr

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