Des corps sans vie jonchent les trottoirs défoncés d’une ville à feu et à sang. Le sifflement des gaz lacrymogènes et le bruit des balles résonnent à N’Djamena, derrière laquelle s’élèvent de larges nuages de fumée noire. Les Tchadiens découvrent peu à peu les conséquences de la répression meurtrière qui s’abat ce jeudi dans le pays.
Au moins une cinquantaine de personnes ont perdu la vie dans des manifestations organisées par l’opposition dans plusieurs villes, selon les premiers chiffres du gouvernement. Une centaine d’autres ont été blessées. Parmi les victimes identifiées, le journaliste Narcisse Oredje, ancien étudiant à l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, a été tué par balle dans la capitale. L’établissement a rendu hommage à un élève et journaliste «brillant», «major de sa promo».
«La situation est très critique, la ville est en ébullition. Les manifestants sont toujours dans les rues, les forces de l’ordre continuent de leur tirer dessus», témoignait cet après-midi Jacques Ngarassal du collectif Tournons la page, joint par Libération et actuellement à N’Djamena. Le bilan pourrait donc être beaucoup plus lourd que celui annoncé par les autorités. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) évoque d’ores et déjà des «cas de torture et d’arrestations arbitraires» qui auraient fait «plusieurs morts et des blessés graves». Le Premier ministre tchadien a annoncé la suspension de toute activité d’importants partis politiques.