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En Iraq: La discorde et les jeux de pouvoir l’emportent sur le sens du devoir de la classe politique

Devant le Conseil de sécurité mardi, Jeaninne Hennis-Plasschaert, Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Iraq, a déploré une situation politique volatile dans ce pays et incriminé l’incapacité de sa classe politique à dépasser ses divisions pour donner la priorité à l’intérêt national.

« A maintes reprises, ces derniers douze mois, nous avons souligné l’importance de maintenir le calme et le dialogue, le respect de la Constitution et des principes démocratiques, et un gouvernement capable de répondre aux demandes légitimes de meilleurs services publics, d’emplois, de sécurité et d’un arrêt de la corruption », a rappelé Mme Hennis-Plasschaert devant les membres du Conseil. « Mais hélas, la discorde et les jeux de pouvoir ont prévalu sur le sens du devoir collectif ».

La Représentante spéciale a particulièrement déploré l’escalade des manifestations et des contre-manifestations par les membres souvent armés et fanatisés des partis politiques qui, le 29 août, a mené le pays au bord du chaos, au cours d’affrontements armés dans la capitale qui ont causé des dizaines de morts et des centaines de blessés.

Tout repose sur la volonté politique des protagonistes

« Ces évènements tragiques résultent sans conteste de l’incapacité de la classe politique iraquienne … à donner la priorité à l’intérêt national, au lieu de laisser le pays dans une impasse en attisant ainsi la colère sous-jacente », a regretté Mme Hennis-Plasschaert, ajoutant que la situation reste très volatile, alors que les affrontements entre factions chiites continuent, et que les partis kurdes sont encore loin de s’entendre sur un candidat à la présidentielle.

L’envoyée de l’ONU a noté que trois ans après que les Iraquiens sont descendus dans la rue pour demander un meilleur avenir politique, économique et social, et un an après les élections qui ont résulté de ce soulèvement, « l’absence d’un gouvernement effectif est difficile à justifier ».  Elle a rappelé le soutien de l’ONU au dialogue national sous les auspices du Premier ministre, les innombrables rencontres bilatérales et les navettes diplomatiques entreprises depuis des mois, reconnaissant qu’elle ne dispose pas « d’une baguette magique » et que tout repose sur la volonté politique des protagonistes, dans une situation « où le manque de confiance criant perpétue un jeu à somme nulle, dans lequel on évite tout engagement à des solutions concrètes ».   « Depuis ces élections, toutes les parties – toutes – ont commis des erreurs stratégiques et perdu de précieuses occasions de résoudre leurs différends », a-t-elle regretté, préconisant plutôt, sur fond de risques tangibles de nouveaux bains de sang, d’en finir avec le « qui a fait quoi et quand » pour enfin engager le dialogue, définir les besoins essentiels de l’Iraq et « s’éloigner du bord du gouffre » en portant l’attention avant tout à la population.

Engager des changements transformateurs laissés en suspens depuis bientôt vingt ans

Elle a par ailleurs appelé à définir des priorités au lieu de la « pléthore d’initiatives confuses » lancées depuis les élections d’octobre et à aborder dans un esprit de compromis les questions prioritaires, comme l’adoption d’un budget fédéral sans lequel les dépenses d’Etat s’arrêteront à la fin de l’année.

La Représentante spéciale a surtout encouragé la classe politique iraquienne à engager des changements systémiques transformateurs restés en suspens depuis bientôt vingt ans, notamment en matière de lutte contre la corruption, qui reste à ses yeux, « une caractéristique centrale de l’économie politique irakienne, inscrite dans ses transactions quotidiennes ». Une conséquence du clientélisme qui a abouti à un secteur public hypertrophié et inefficace, « plus instrument de faveurs politiques que serviteur du peuple ». Selon elle, laisser en l’état un système de corruption généralisée qui contribue au dysfonctionnement de l’Iraq serait lourd de conséquences. S’agissant des prochaines élections, Mme Hennis-Plasschaert a précisé que l’appui de la Mission des Nations Unies, la MANUI, dépend d’une demande formelle du gouvernement iraquien au Conseil de sécurité et requiert aussi quelques garanties à la communauté internationale que ce scrutin n’aura pas lieu une fois de plus en vain.

Aucun pays ne peut traiter l’Iraq comme son arrière-cour.

Elle a mentionné les élections dans la région du Kurdistan, prévues pour le 1er octobre et encore repoussées faute de compromis et de volonté politique, et déploré la poursuite des bombardements turcs et iraniens dans le Nord du pays, rappelant qu’aucun pays voisin ne peut traiter l’Iraq comme son arrière-cour, et violer en permanence, dans l’impunité, sa souveraineté et son intégrité territoriale.

Réitérant son appel à une nouvelle voie menant à la stabilité politique en Iraq, la Représentante spéciale a rappelé que « tout leader irakien dispose du pouvoir d’entraîner son pays dans un conflit durable et sanglant, mais aussi de celui de donner la priorité à l’intérêt national et de sortir l’Iraq de la crise… ».


 

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