Fustigeant devant le Conseil de sécurité les menaces nucléaires durant la guerre en Ukraine et les « prétendus referenda » organisés par la Russie, une haute responsable des Nations Unies a déclaré mardi que « rarement, voire jamais, la communauté internationale n’a recueilli autant de preuves de violations, de crimes de guerres et d’atrocités au moment où elles se déroulaient ».
L’inquiétude du monde ne peut que grandir, car certains actes menacent d’amplifier le conflit en Ukraine, a déclaré la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, Rosemary DiCarlo devant les membres du Conseil de sécurité, lors d’une réunion sur la situation en Ukraine.
Elle a cité d’emblée les « prétendus referenda » menés par les autorités de fait dans les régions de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia, durant lesquels des Ukrainiens se sont vu demander s’ils approuvaient que leurs régions rejoignent la Fédération de Russie. « Ces scrutins se sont tenus dans des bureaux de vote, mais les autorités de fait, accompagnés de soldats, se sont aussi rendus porte à porte avec des urnes », a-t-elle précisé.
« Ces pratiques ne peuvent être considérées comme l’expression véritable d’une volonté populaire », a souligné Mme DiCarlo, les qualifiant « d’actions unilatérales visant revêtir d’un verni de légitimité la tentative d’acquisition par la force du territoire d’un Etat par un autre Etat, qui ne peuvent pas être considérées comme légales au regard du droit international ».
La Russie a des obligations en tant que puissance occupante
Rappelant que l’ONU demeure pleinement engagée pour le maintien de la souveraineté, l’unité, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues, la Secrétaire générale adjointe a rappelé que la Fédération de Russie, en tant que puissance occupante est obligée en vertu du droit humanitaire international de respecter les lois ukrainiennes durant son administration des territoires occupés. Rosemary DiCarlo a confirmé qu’à la mi-septembre, l’armée ukrainienne a mené avec succès une contre-offensive pour restaurer le contrôle de l’Ukraine sur la plus grande partie des territoires pris par les Russes dans la région de Kharkiv. Mais les attaques continuent de toucher les villes ukrainiennes, y compris dans les régions de Donetsk et Louhansk, touchées par des frappes sur les infrastructures et sur les civils eux-mêmes.
La Mission des Nations Unies de surveillance des droits de l’homme en Ukraine a ainsi dénombré 14.844 victimes civiles, dont 5.996 morts et 8.848 blessés, précisant que ce bilan ne peut être que sous-estimé, en raison de la difficulté à recueillir des informations dans des zones de combat inaccessibles. Jugeant inadmissible l’alarmante rhétorique sur l’usage d’armes nucléaires, Rosemary DiCarlo a par ailleurs souligné que ces propos sont en contradiction avec la déclaration commune, prononcée le 3 janvier 2022, par les dirigeants des cinq Etats dotés d’armes nucléaires sur la prévention des guerres nucléaires et de la course aux armements. Elle a exhorté ces Etats, y compris la Fédération de Russie, à s’engager à nouveau pour le non-usage et l’élimination progressive des armes nucléaires.
Nécessité d’un accès sans entraves aux populations dans le besoin
La Secrétaire générale adjointe, au nom des efforts de l’ONU pour alléger les souffrances de la guerre, a demandé un accès sans entraves aux populations dans le besoin, non sans déplorer que le passage de possibles convois hors des zones contrôlées par le gouvernement ukrainien représente toujours le plus grand des défis.
Elle a aussi fait part de sa profonde préoccupation devant les allégations de violations commises dans des régions du nord-est de l’Ukraine, où 400 corps ont été retrouvés dans des tombes improvisées à Izyoum, avant de rappeler qu’à la suite d’enquêtes dans les environs de Kyïv, Chernihiv, Kharkiv et Soumy, la commission internationale d’enquête indépendante en Ukraine, mandatée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, a conclu que des crimes de guerre ont été commis en Ukraine.
« La commission a été frappée par le grand nombre d’exécutions et autres violations commises par les forces russes », a confié Mme DiCarlo, précisant que dans les quatre régions observées, les enquêteurs n’avaient noté que deux cas de mauvais traitements contre des soldats russes par les forces ukrainiennes.
Le rapport de la Mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine établit que dans les zones contrôlées par les forces russes et les groupes affiliés, les disparitions forcées, les détentions arbitraires de dirigeants locaux, de journalistes, de membres de la société civile était très fréquentes. Parmi 407 cas observés, 18 des victimes ont été retrouvées mortes. S’il fait aussi état de 47 arrestations et détention arbitraires et de 31 possibles disparitions forcées effectuées par la police ukrainienne sur des personnes soupçonnées de soutenir les Russes, il note que sur les 38 civils détenus par les forces russes que la Mission a pu interroger, 33 ont fait état d’actes de torture et de mauvais traitements.
« Rarement, voire jamais, la communauté internationale n’a recueilli autant de preuves de violations des droits de l’homme, de crimes de guerre et autres atrocités pendant qu’elles se déroulaient », a affirmé la Secrétaire générale adjointe. « Il est tragique que nous n’ayons pu les empêcher ; mais il serait honteux que nous ne puissions pas rendre justice aux victimes et à leurs proches. Où qu’ils siègent, les responsables de ces actes perpétrés en ce moment en Ukraine, auront à rendre des comptes ».