L’expert électoral Ndiaga Sylla apporte une analyse fondée sur la loi électorale et sur la jurisprudence afin de mieux cerner les contours liés aux traitement des cas d’inéligibilité des candidats et d’apprécier la validité des listes de candidats.
Le ministère de l’Intérieur a déclaré irrecevable la liste nationale des titulaires de Yewwi Askan Wi (YAW) et celle des suppléants de Benno Bokk Yakaar (Bby). Avec une telle décision, la Direction générale des élections vient de ramer à contrecourant des 7 sages qui avaient statué, la semaine dernière, sur la recevabilité des deux listes précitées, a déclaré l’expert électoral.
Et selon lui, le ministre ne peut déclarer une liste irrecevable au-delà d’un délai de deux jours clairement fixé par le code électorale en son article L.179. « En vertu des dispositions de l’article LO.183, alinéa 1er du code électoral, ‘au plus tard soixante jours avant le scrutin, le Ministre chargé des élections arrête et publie les déclarations reçues, modifiées éventuellement, compte tenu des dispositions des articles L.179 et L.182’. Il apparaît qu’au terme du délai de deux (2) jours fixé par l’article L.179, le Ministre ne saurait déclarer une liste irrecevable pour l’un des motifs énumérés à l’article L.178 », déclare Ndiaga Sylla.
Le traitement des cas d’inéligibilité
En effet, poursuit l’expert électoral, l’article L.179, alinéa 3 dispose que : « dans le cas où, pour l’un des motifs énumérés à l’article L.178, le Ministre chargé des élections estime qu’une liste n’est pas recevable, il notifie, par écrit, les motifs de sa décision au mandataire de ladite liste dans les deux premiers jours suivant le début de l’analyse pour la recevabilité juridique ».
Sous ce rapport, estime l’expert électoral, « l’appréciation judicieuse de l’objet et la nature de l’arrêté réclame qu’il se borne à publier les déclarations de candidatures reçues. Il ne peut porter ni sur le rejet ni l’invalidation de candidature ». En conséquence, dit-il, « l’article premier de l’arrêté n°013389 du 30 mai 2022 portant recevabilité des listes de candidat pour les élections législatives doit être annulé ».
Autre point qu’il y a lieu de préciser, d’après Ndiaga Sylla, c’est que « l’arrêté portant publication des listes de candidatures doit intégrer les cas de remplacement de candidats inéligibles (L.179 et LO.182) ainsi que les décisions prises par le Conseil constitutionnel statuant sur la recevabilité des listes de candidatures comme la décision n°8/E/2022 par laquelle le Conseil a autorisé le retrait et la substitution de candidat de la liste Yewwi Askan Wi au scrutin majoritaire départemental de Dakar».
En des termes plus clairs, l’arrêté en question ne doit pas « tenir compte des constats faits par les mandataires au terme du délai prévu à L.179, dans le cadre de l’exercice de leur droit de vérification des listes de candidatures et des pièces qui les accompagnent que leur confère l’article L.177 ». Quoi qu’il en soit, contrairement à ce que prétendent certains, il est encore permis aux coalitions de « se pourvoir devant le Conseil constitutionnel contre l’arrêté du Ministre de l’Intérieur ». Ceci, précise-t-il, « dans le respect des formes et délais prescrits par la loi, notamment l’article LO.184 ». Il reviendra alors aux 7 sages, qui avaient déjà statué, de « traiter des contentieux soulevés relativement à la conformité des listes de parrainages et la validité des listes de Benno Bokk Yaakaar de même que la régularisation du cas d’inéligibilité d’un candidat de Yewwi Askan Wi ».
«L’inéligibilité ne saurait rendre la liste irrecevable »
S’agissant du dernier point, Ndiaga Sylla est formel : « l’inéligibilité, étant une situation qui empêche une personne d’être investie sur la liste de candidatures, concerne la personne et ne saurait rendre une liste irrecevable tel que l’indique L.179, alinéa 2. Les motifs d’irrecevabilité sont énumérés à l’article L.178 du code électoral. Or l’inéligibilité d’un candidat est traitée selon les trois (3) périodes où elle est constatée (L.179, LO.182 et LO.185) ».
Mieux encore, pour Yaw dont la liste nationale a été déclarée irrecevable pour un cas d’inéligibilité, « il est pourvu jusqu’à la veille du scrutin au remplacement de candidat en cas d’inéligibilité ou de décès ». Ndiaga Sylla cite l’article L.173 (en son dernier alinéa) pour asseoir son argumentaire, lequel dispose : « Pour le scrutin proportionnel, les listes présentées doivent être complètes. Une même personne ne peut être candidate à la fois au scrutin majoritaire et au scrutin proportionnel ni se présenter dans plusieurs départements».
« Il en résulte donc clairement que le code électoral ne considère nullement le cas où une même personne figure sur une liste, à la fois, comme candidat titulaire et candidat suppléant. Par conséquent, cela ne rend pas la liste incomplète et dès lors en cas d’erreur sur la déclaration complémentaire, le mandataire doit pouvoir faire à nouveau la régularisation qui s’impose et que le code électoral ne limite pas le nombre de régularisation autorisée contrairement l’article R.76 alinéa 7 relatif au parrainage », analyse-t-il.
Ainsi, le traitement de ce cas de doublon non prévu par le code électoral, devrait, d’après l’expert électoral, « logiquement favoriser la validation de la liste des titulaires qui en principe est examinée en premier lieu ». Étant entendu que « la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 1 E/2022) fonde l’appréciation du caractère complet ou incomplet d’une liste au moment du dépôt des candidatures ».
MADA NDIAYE