Le 18 mars, la Russie annonçait avoir utilisé pour la première fois des missiles hypersoniques pour frapper une base militaire dans l’ouest de l’Ukraine. Cette technologie encore peu exploitée suscite l’inquiétude de la communauté internationale, craignant une escalade du conflit.
Alors que l’offensive russe en Ukraine s’enlise, le gouvernement de Vladimir Poutine provoquait l’inquiétude de la communauté internationale en déclarant que l’armée avait ciblé deux positions ukrainiennes avec des missiles « hypersoniques ». Le 19 mars 2022, une puissante frappe détruisait ainsi un dépôt de munitions à proximité de la frontière roumaine, dans l’ouest de l’Ukraine, tandis qu’un second missile tombait sur un dépôt de carburant, non loin de Mykolaïv, au sud du pays.
Les deux attaques constituent la première utilisation de munitions hypersoniques sur un théâtre militaire, suscitant l’attention des médias et experts. Les missiles hypersoniques russes Kh-47M2 Kinzhal sont théoriquement capables d’atteindre Mach 9 et de parcourir 2.000 kilomètres, rendant potentiellement atteignables un nombre important de cibles sur une grande distance.
Le Kinzhal, l’un des missiles hypersoniques de la Russie
Par définition, un missile supersonique est capable de dépasser Mach 5, 6.174 km/h, soit cinq fois la vitesse du son (1.234,8 km/h). À l’aube des années 2000, de nombreuses puissances miliaires ont commencé une modernisation de leurs équipements, notamment les États-Unis, la Chine et la Russie. Le Kinzhal (ou Kinjal, « poignard » en russe), fait partie de cette nouvelle génération de munitions. L’architecture du Kinzhal se base sur l’Iskander, un système composé de deux missiles balistiques (M et E) et d’un missile de croisière (K), de courte et moyenne portée, élaboré par l’Union soviétique dès la fin des années 1980 et mis en service en 2006.
Dévoilé en 2018, le Kinzhal est une munition de type air-sol, pouvant être déployée depuis deux avions, l’avion de chasse-intercepteur MiG31 et le Tupolev Tu22M, un bombardier supersonique. Le « poignard » russe peut réaliser des frappes dites conventionnelles, telles qu’observées le 19 mars près d’Ivan-Frankiskv et Mykolaïv, mais a aussi la capacité d’emporter des têtes nucléaires. Les vitesses élevées atteintes par un missile Kinzhal rendent son interception presque impossible et complexifient sa détection, étant de fait plus imprévisible.
Arme hypersonique : quels risques ?
Peu de temps après l’annonce du ministère de la Défense russe concernant l’utilisation de deux missiles Kinzhal, l’inquiétude a pris d’assaut les réseaux sociaux, alimentée par de nombreux articles alarmistes. Les caractéristiques techniques de la munition et la primauté de son utilisation par les forces russes font ressurgir les craintes de la guerre froide, face au risque que représenterait un conflit entre les puissances militaires de l’Otan et la Russie. La posture de la Russie se veut intimidante concernant ses capacités militaires : Vladimir Poutine et ses subordonnés ont agité la carte de la menace (à peine voilée) nucléaire lors de diverses prises de parole et la forte présence de l’armée dans l’enclave de Kaliningrad est un point de pression supplémentaire pour le Kremlin.
Néanmoins, si la Russie se targue de l’utilisation de missiles Kinzhal, le politologue et rédacteur en chef de Défense et Sécurité Internationale (DSI), Joseph Henrotin, rappelait sur Twitter que « la qualité hypersonique du Kinzhal est discutable ». De nombreux experts expliquent que l’utilisation de telles munitions par la Russie pourrait être dû à l’épuisement des stocks de missiles balistiques Iskander, à un essai en terrain réel, ou à une tentative de durcir le ton de la part de Moscou, alors que le conflit tourne progressivement en défaveur de la Russie. De plus, une vidéo publiée par le ministère de la Défense russe permettant d’observer la frappe sur le dépôt de munitions à l’ouest du pays s’est révélée fausse, montrant en réalité un tir de missile sur une base militaire située dans le Donbass.
L’Otan estimait au 15 mars que plus de 700 frappes avaient été effectuées par la Russie depuis le début de l’invasion, le 24 février. En un mois de guerre, de nombreuses villes importantes telles que Kharkiv ou Marioupol ont été dévastées par les intenses frappes russes. Selon les Nations unies, près de 1.000 civils ont été tués depuis le début du conflit.