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Pourquoi Goita a expulsé l’ambassadeur de la France

La junte a annoncé, hier lundi 31 janvier, l’expulsion de l’ambassadeur de France du Mali. Une décision qui entérine la détérioration des relations entre les deux pays, qui échangent depuis une semaine des déclarations peu diplomatiques.

La junte malienne a franchi un nouveau seuil dans l’escalade des fâcheries avec la France. Elle a décidé ce lundi d’expulser l’ambassadeur de France, a annoncé la télévision d’Etat. Joël Meyer dispose de 72 heures pour quitter le pays, suite aux récentes déclarations jugées « hostiles » de responsables français à l’encontre des autorités.

Dans l’histoire diplomatique, l’expulsion pure et simple d’un ambassadeur, et non le rappel temporaire pour consultation de son homologue de la partie adverse, est la dernière étape avant la fermeture de l’ambassade et la rupture des relations diplomatiques.

La réaction du Quai d’Orsay

Une décision dont « la France prend note », a indiqué le Quai d’Orsay qui a décidé « en réaction », de rappeler son ambassadeur à Paris. Dans une déclaration publiée ce lundi par le ministère des Affaires étrangères, Paris exprime aussi « sa solidarité vis-à-vis de ses partenaires européens, en particulier du Danemark », dont le contingent vient également d’être expulsé.

La décision de la junte marque une détérioration spectaculaire entre la junte et l’ancienne métropole, dont l’intervention militaire en 2013 a empêché les djihadistes de marcher sur Bamako. Mais la donne a changé spectaculairement depuis les deux coups d’Etat opérés par la junte à l’été 2020, puis au printemps dernier. Le régime malien compte négocier avec les djihadistes, convaincu qu’une guerre ne peut plus être gagnée, même avec l’appui militaire français. Il place le pays, de ce fait, au ban des nations d’Afrique occidentale.

L’organisation des Etats ouest-africains (Cedeao) lui a ainsi infligé des sanctions le 9 janvier. La Cedeao a rompu ses relations diplomatiques avec la junte, car elle n’a pas respecté un engagement d’organiser des élections début 2022. Bamako dénonce la Cedeao comme inféodée à Paris, alors qu’elle compte des pays souverains et d’importance, comme le Nigeria, souligne un fin connaisseur de la région à Bamako.

Une mesure rarissime

Cette expulsion ne compte pratiquement pas de précédents pour un ambassadeur de France dans la région, mais pouvait se laisser deviner au vu de la déclaration menaçante du ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, vendredi. Il avait affirmé que son pays « n’excluait rien » dans ses relations avec Paris, tout en ajoutant qu’une demande de départ complet des forces françaises n’était pas « pour le moment sur la table ».

L’opération « Barkhane » au Mali, en cinq questions

Après un incident ayant conduit à l’expulsion, mardi dernier, de commandos danois engagés dans la lutte anti-djihadiste, le ministre français des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, a estimé vendredi matin que les forces françaises et européennes ne pouvaient « pas rester comme cela » au Mali. Il avait aussi qualifié « d’irresponsable » le comportement de la junte, un mot perçu comme très paternaliste à Bamako, y compris parmi des Maliens non partisans du régime.

Dilemme

La communauté internationale s’inquiète aussi de la présence sur le sol malien de paramilitaires du sulfureux groupe de mercenaires russes Wagner . Ces derniers seraient désormais 600 sur trois bases dans le Nord. Après avoir estimé que leur présence était incompatible avec le maintien des troupes françaises, Paris semblait être revenu sur cette position, ce qui, là aussi, pouvait paraître comme illisible à Bamako.

Le comportement de la junte justifierait un retrait des forces étrangères, d’ailleurs amorcé depuis un an par Paris au vu de l’impopularité grandissante de la présence française dans les régions du Mali peu menacées par les djihadistes, et du manque de volonté du régime d’affronter les terroristes. Mais Occidentaux et Européens sont confrontés à un dilemme : un départ servirait les djihadistes dont la victoire, même maquillée en accord de réconciliation avec la junte, pourrait entraîner un effet domino dans la région.


Safietou DIOP

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