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Avenir de l’enseignement supérieur: Mary Teuw Niane étale ses craintes

Candidat à la mairie de Saint-Louis, Marie Teuw Niane, l’ancien Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Pca de Petrosen, a passé à la loupe les difficultés auxquelles fait face l’enseignement supérieur. De même, il dénonce la corruption et appelle la classe politique au changement de mentalité. Il était l’invité du « Grand oral » sur Rewmi Fm, de ce samedi.

 

La violence prend de l’ampleur, quelles en sont les raisons ?

C’est un phénomène qui prend de l’ampleur  depuis plusieurs années. Ce n’est pas nouveau dans l’espace politique. Nous avons eu des assassinats depuis Senghor et il y a eu des rebonds, dont des manifestations violentes avec des actions de nervis dans l’espace politique et qui paraissent aussi souvent moins violentes où il n’y a pas de  destructions etc. mais il y a cette forme d’expression de la violence comme l’année dernière avec des élèves qui ont déchiré leurs cahiers et blouses. Concomitamment à l’arène de lutte et des navétanes comme à Rufisque. Il y a un malaise dans notre société et qui vient de beaucoup de facteurs. Le premier est l’école avec son rôle qui est à la fois de former l’individu, le citoyen et de lui donner les compétences et les connaissances. Notre école reste une école de formation à des disciplines et autres compétences, mais qui n’attachent pas d’importance à l’individu et au citoyen.  La  formation de l’individu et du citoyen passe par un certain nombre de choses.  Nous sommes dans une société où la religion a toute sa place et elle doit l’avoir au sein de l’école. Nos langues nationales aussi et ce qu’on appelle le leadership, la citoyenneté et le service à la communauté sont des axes de formation de l’individu  et qui donnent confiance. Et celui-ci va mesurer les actes qu’il pose et les dommages qu’il peut causer à autrui. Il a une vision de construction de son pays.

Le deuxième facteur est l’insuffisance de leadership à la fois politique, des aînés et ceux qui semblent être des autorités dans notre société. Le seul leadership considéré est celui des chefs religieux et en dehors de ce leadership-là,  il y a des contre exemples. Celui des politiques ne pèse plus, ni celui de la société civile, dans la société elle-même, peu de gens ont de l’autorité au sens où lorsqu’ils posent des actes, ce n’est pas pris en considération. Dans la gestion de la cité, que ce soit de l’Etat ou les entreprises, il n’y a plus de dirigeants.

Dans l’immédiat, que faut-il faire ?

Je crois que la solution doit passer par l’école. Il faut ouvrir les formations dans ce qui fait l’homo-senegalensis, comme dirait Senghor. C’est la religion, les langues nationales, nos valeurs culturelles. Il faut les pratiquer dans les écoles et pas en théorie, mais en pratique. Je me rappelle quand nous avions un jardin potager, embellir l’école, faire en sorte que les écoles soient bien entretenues, que  les élèves soient bien habillés, mais aussi l’éducation civique.

 

Le 3e mandat, Macky maintient le suspense. Sans surprise, a-t-il raison de ne pas se prononcer sur cette question ? 

Le président de la République est maître de son agenda.  C’est lui qui décide de ne pas dire telle ou telle chose. Je crois que la chose à retenir, c’est une question à deux aspects. L’une est institutionnelle et l’autre, je dirais morale. Nous avons des institutions  pour trancher ce débat, dont le Conseil constitutionnel et sa décision va s’imposer à tout le monde. C’est le cas avec Abdoulaye Wade. Le Conseil constitutionnel avait montré qu’il avait raison. Pour l’aspect moral, c’est la parole donnée. Le Président de la République avait rappelé que le mandat auquel il aspirait,  était le dernier. Moi je me tiens à ce discours.

Alors que pensez-vous du retour du poste de Premier ministre ?

C’est une excellente chose. Cela montre que ce n’était pas un bon choix d’avoir supprimé ce poste. Si on le supprimait pour parler de Fast track, cela a montré qu’il n’y a pas eu de Fast track. Le  Premier ministre a un rôle de coordination de l’action gouvernementale. Le Président a un agenda chargé au plan national et international. Beaucoup de choses nécessitent une coordination : les inondations, les questions de l’agriculture, du transport, l’école etc. C’est heureux de voir que ce poste revienne.

Pensez-vous que c’est l’échec du Fast track qui a induit la décision du retour du Pm ?

C’est un constat : les choses n’ont été plus rapides qu’avant. Peut-être qu’elles se passent moins qu’avant. Et je pense que ce retour va permettre de pérenniser car nos Constitutions doivent être restées longtemps sans être changées. Mais l’exemple type ce sont les Usa et avec leurs amendements, ils s’en tirent. Pourquoi changer cette Constitution à chaque fois qu’il y a un Président qui arrive. Nous avons besoin d’asseoir une légitimité, dont la Constitution. Nous avons un pays en construction. Il faut y croire car si jamais des gens ne veulent pas la respecter, il faut dire non. Si tel n’est pas le cas, elle va perdre de sa légitimité et de sa crédibilité.

Restauration de la Primature après les Locales. Le timing est bon ? 

Je ne sais pas car c’est le timing du Président de la République. Quelles sont les règles de promulgation ? Entendu que si la loi est promulguée, nécessairement le gouvernement doit tomber.

Pensez-vous à des calculs politiques ? 

Honnêtement non. Le Président a dû voir ce qui n’a pas marché et ce qui a marché. Il a dû voir aussi qu’il lui reste deux années, à partir de janvier et je crois qu’il veut bien terminer. Je crois à sa parole.

 

Vous avez été ministre de l’Enseignement supérieur qui traverse des problèmes. Quand peut-on espérer avoir des universités à la norme ?

Je pense qu’il y a une constante dans la politique sénégalaise, comme d’ailleurs dans les politiques de beaucoup de pays d’Afrique : c’est l’absence de constance dans le déroulement à long terme d’une politique. En avril 2013, il y a eu les concertations  sur l’avenir de l’enseignement supérieur. Le 14 août 2013, le président de la République avait pris les 11 décisions issues du Conseil présidentiel qui constituaient les feuilles de routes de l’enseignement supérieur de 2013 à 2022. Le problème c’est qu’à partir de 2019, on a arrêté la mise en œuvre de cette feuille de route. On a commencé et on ne termine pas. Le problème des secteurs dont l’éducation et l’enseignement supérieur, ce sont des problèmes que l’on résout par une planification sur le long terme, dont 10, 20 ans etc. C’est un problème de culture politique. La culture de management, d’arriver à des résultats planifiés et celle de mettre en position le bon capital humain pour exécuter les programmes et les moyens aussi. Il y a des hauts et des bas, on retombe dans les mêmes problèmes car il n’y a pas de politique dans la  durée. C’est cela qui va changer le pays. Il faut suivre les politiques dans la durée car on est dépassé par beaucoup de pays africains. Certains d’entre eux ont de la suite dans les idées. Ils nous les piquent et les mettent en place chez eux. On dit que le meilleur pays où on fait des projets c’est le Sénégal.

 

Le problème des bourses persiste. Ce qui a coûté des vies. Des députés ont interpellé le ministre. Pourquoi ça persiste ?

Pour le problème des bourses, je dédouanerais le Ministre de l’Enseignement supérieur. J’ai été Ministre de l’Enseignement supérieur, mais le problème des bourses, c’est la mise à disposition des ressources financières par le Ministre des Finances. Si cela est fait, je crois que les bourses seront payées à temps. Mais si tel n’est pas le cas, c’est le Ministre de l’Enseignement supérieur qui fait toute la paperasserie et toutes les décisions et les transfère au ministère de l’Economie et des finances pour virer l’argent vers les banques. Il faut que cela soit régulier et avec pontanéité. Car les étudiants s’adresseront au Ministre de l’Enseignement supérieur alors que ce n’est pas lui. Ce que j’ai appris, c’est que la question clef, c’est la mise à disposition des fonds par le Ministre des Finances.

 

Par rapport à l’avenir de l’enseignement supérieur, êtes-vous surtout avec nos universités après le classement fait par le  Cames ?

Je suis très inquiet, comme beaucoup de mes collègues enseignants chercheurs sur ce qui se passe.  Je pense qu’il est important. Car l’absence de redressement dans le long terme va amener la chute. Déjà chez les Francophones, on était bien placé. Nous ne le sommes plus. Chez les Anglophones, il y avait un gap. L’objectif de cette réforme sur 10 ans, c’était que nos universités, dont l’Ucad, arrivent dans les 5 premières africaines. Aujourd’hui, l’Ucad est très loin. L’UGB entrait dans les 100 premières africaines, elle devait gagner en place, et les 5 autres, dont Thiès, Bambey, devaient entrer dans les 100 premières. Et malheureusement dès lors que les réformes sont abandonnées, c’est un gros problème.  Il y a des classements qui touchent à la visibilité des universités sur le Web. Un effort interne dans les universités peut améliorer cela.  Mais il y a une autre question plus structurelle, liée à ce qu’est l’université elle-même. La formation, la recherche, l’insertion professionnelle, le rayonnement à travers le monde, la réception d’enseignants, le nombre de publications, les prix Nobel, il faut un travail dans la durée mais qui prend du temps. On ne peut pas construire  le développement d’un pays, si on ne met pas la priorité sur l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur, la science, la technologie et l’innovation. C’est le socle d’un développement et nous avons beaucoup à faire sur ces questions-là.

Dans la lutte contre la corruption, l’on note des lacunes sur la loi pour la déclaration du patrimoine. Les stratégies sont-elles efficaces ?

Je ne pense pas trop. Il est important d’éradiquer la corruption. C’est fondamental. Et la corruption ne favorise pas la compétition. Il faut que les talents  puissent s’exprimer et que l’argent ne soit pas là pour  tirer quelqu’un moins talentueux que l’autre. Pour cela, il faut que la corruption cesse et il faut y mettre un terme car cela tue le développement d’un pays. Il faut la tuer, cette corruption. Il y a des dispositifs mis en place et qui apparaissent comme incités par les Occidentaux pour freiner le développement d’un pays. Je parle du Code des marchés, car cela n’empêche pas la corruption, mais l’accélération des acquisitions et du développement des pays. Des pays n’ont pas de code de marchés et où la corruption est à 0. Parce qu’ils ont trouvé les moyens de contourner cela. La déclaration de patrimoine est importante et je l’ai fait comme avant d’entrer dans le gouvernement comme suite à ma sortie du gouvernement. Il faut un suivi et suivre ceux qui, avant d’entrer dans le gouvernement, n’avaient rien et aujourd’hui sont devenus des milliardaires. A quoi sert l’OFNAC si les dossiers qu’il traite ne sont pas traités par le Procureur général ?  Cela pose problème. La lutte est nécessaire aussi pour se développer. Si la grande corruption n’est pas sanctionnée, la petite corruption ne peut l’être. On ne peut pas décoller à cause de la corruption. Il y a cette tendance familiale, amicale et traditionnelle dans notre société et qui n’est pas compatible avec la République moderne. Il faut penser pouvoir prendre de la distance, faire une introspection. Beaucoup de  gens croisent les bras et disent que la politique est une sale affaire. Il faut changer cette classe politique  constituée de gens sans métier et qui bâtissent un métier sur la politique.

MOMAR CISSE


 

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