Malgré les peines fermes requises par le parquet, le juge du tribunal correctionnel de Dakar a accordé hier, la liberté provisoire aux quatre personnes impliquées dans l’affaire des médicaments saisis en avril dernier, à la Patte D’oie. Il rendra sa décision le 9 décembre prochain.
Visés pour association de malfaiteurs, vente illicite de médicaments et mise en danger de la vie d’autrui, la procureure a requis deux ans d’emprisonnement ferme contre Mamour Niang, le Directeur général de Dipro pharma biomedic. Quant à Zang Hai Dong, Aliou Bâ et Wong Don Wang, ils encourent quatre ans ferme. Les mis en cause qui ont comparu hier devant le tribunal correctionnel de Dakar, ont été arrêtés suite à la saisie d’une importante quantité de médicaments dans un immeuble à la Patte D’oie dans la nuit du 13 au 14 avril 2021. Estimée à plusieurs milliards de nos francs, la marchandise est constituée de 46,5 tonnes de soluté glucosé, 46 tonnes de dispositif médical, soit 585 cartons sur un total de 5 993.
« Ces produits ont été enregistrés depuis 2015. Ce sont des injections. C’est le laboratoire qui fournit le ministère qui me donne les produits », assure Aliou Bâ, Docteur d’Etat en pharmacie qui a nié l’existence de faux codes-barres sur les produits. « Je ne vais jamais manquer à mon serment. Ce sont nos concurrents, dont un syndicat privé dans lequel je ne suis pas membre qui veulent nous liquider. Je suis en règle avec la douane et le fisc », fait-il remarquer. M. Niang a confié avoir acheté les médicaments trouvés chez lui auprès des Chinois. « Ils étaient destinés à des journées de consultation gratuite », indique-t-il.
Le chinois Hai Dong Zhang a également contesté les faits. « Nous n’avons pas recruté des individus pour faire du mal. Je n’appartiens à aucune mafia. J’étais au Mali et Niger. A mon arrivée au Sénégal, j’ai lancé un appel à la candidature et Aliou Bâ a été retenu sur plus de 10 docteurs en pharmacie car il avait le meilleur CV », s’est-il défendu. Il ajoute qu’il a recruté son compatriote Bon Wang comme cuisinier. Une thèse que ce dernier a corroborée.
Le pharmacien Assane Mbengue qui s’est désisté de sa constitution de partie civile, a expliqué qu’il pensait que les produits étaient frauduleusement importés. « Quand j’ai discuté avec eux, je me suis rendu compte qu’ils l’ont fait de bonne foi. Ils travaillent avec mon fournisseur qui est en Chine. Ce sont des produits d’excellente qualité et c’est testé par la Pna » a-t-il témoigné.
Les faussaires libérés
De l’avis de la procureure, cette affaire est une question de santé publique qui pouvait conduire à des pathologies graves. « Dans leur importation, ils n’avaient pas précisé de soluté mais c’était mentionné de dispositif médical. Cela a été introduit frauduleusement. Ils n’ont pas respecté les règles de stockage. Pire, ils ont entreposé des cartons dans les toilettes. Ils sont tous coupables de vente illicite de médicaments », charge la parquetière. Qui poursuit : « Sur l’exercice non réglementé reprochés aux Chinois, leur structure ne bénéficie pas d’agrément. Pour le blanchiment de capitaux et le faux, relaxez Mamour Niang mais condamnez les autres. Car ils ont acquis une parcelle de 400 millions FCFA à Pikine, et des sommes déposées dans des banques. Ils ont pratiqué cette activité durant 2 ans », déplore-t-elle.
Pour Me Bamba Cissé, c’est une simple affaire de vente illicite de médicaments dont la sanction reste l’amende. « Encore que ce délit n’est même pas établi », écarte-t-il. Selon Me El Hadji Diouf, ce sont des entreprises françaises qui sont derrière cette histoire. « Elles ont été alertées que des Chinois sont en train de gagner le terrain. Ils ont manipulé les sénégalais. Pourtant la Pna a acheté beaucoup de produits à leur niveau quand les structures de santé étaient débordées à cause du coronavirus », dénonce la robe noire. La défense qui a plaidé la relaxe, a aussi introduit une demande de liberté provisoire. Après avoir accédé à leur requête, le juge a fixé son délibéré au 9 décembre prochain.
KADY FATY