L’ancien Procureur de la République Ousmane Diagne revient aux affaires par la grande porte en occupant le poste stratégique de Procureur général. Il devient ainsi le parquetier en chef, celui sur qui repose la matérialisation permanente du principe dit de l’opportunité des poursuites. En clair, il sera le lien entre la Chancellerie et le Parquet, c’est-à-dire entre le Ministère de la Justice et ceux sous la responsabilité de qui travaillent les services de police et de gendarmerie dans leurs activités de police judiciaire. Il s’agit du Procureur général, des Procureurs de la République et de leurs substituts.
Ce poste est alors d’une grande importance. Car, ce sont les poursuites qui sont le début de toute action judiciaire. Les juges n’examinent que les affaires qui ont été apportées à eux par les soins du Parquet.
Malheureusement, au Sénégal, les magistrats du parquet ne sont pas indépendants car, soumis qu’ils sont au principe dit d’hiérarchie à l’égard du Ministre de la Justice qui, lui-aussi, dépend de la Présidence. C’est le fameux lien ombilical entre le Parquet et l’Exécutif, entre les magistrats poursuivants et les politiques. Un lien qui fait couler beaucoup d’encre et qui, déjà 1986, lors de la rentrée des cours et tribunaux, était dénoncé par Feu le Bâtonnier Boubacar Guèye.
Or, si les parquetiers ne sont pas forcément libres sur le principe, les principes généraux de droit leur ont aménagé des parcelles d’indépendance. Ainsi, dit-on, en droit, parlant des Procureurs lors des audiences, que ‘’si la plume est serve, la parole est libre’’. C’est dire que quand il se lève pour plaider, le Procureur est libre.
S’agissant maintenant d’Ousmane Diagne, l’homme s’était distingué, en son temps, lorsqu’il était Procureur de la République, par ses mauvaises relations avec le Ministre de la Justice de l’époque, Cheikh Tidiane Sy. Ce dernier l’avait d’ailleurs accusé de s’être acharné sur son fils Ousmane Sy parce que simplement, il avait de mauvais rapports avec lui.
Dans une conférence de presse après avoir quitté ses fonctions, le procureur Diagne avait justement exprimé toute sa philosophie de l’exercice de son métier. Et à ce propos, nous croyons avoir compris qu’il revendiquait sinon une indépendance, du moins une forme de liberté d’action. Alors, nous nous posons la question de savoir si sa nomination bien calculée sans doute à la tête du poste de Procureur général n’était pas une façon de davantage rendre le parquet souverain. Est-ce un tournant ? Car, pour nous, son arrivée peut être le début d’un nouveau tournant avec des affaires où des députés du pouvoir sont impliqués dans des affaires graves de trafic de faux billets et de passeports diplomatiques et qu’un homme politique est accusé de viol dans une affaire qui devrait voir son instruction réactivée.
Le sentiment qui se dégage est que, peut-être, le Grand Manitou, souhaite davantage se laver les mains des affaires judiciaires en faisant enfin amende honorable au regard de ce qui s’est passé avec les affaires Khalifa Sall et Karim Wade.
On peut penser et espérer qu’Ousmane Diagne sera le bon profil pour asseoir les conditions d’une meilleure égalité des citoyens sénégalais devant la loi. L’homme semble en avoir le courage et la détermination. Il appartient au pouvoir de l’accompagner dans cet élan étant entendu que le principe d’hiérarchie prévaut toujours au Sénégal. Les sénégalais sont pressés de voir la Justice s’exercer dans toute sa plénitude.
Assane Samb