Âgé de seulement 26 ans, Ngaaka Blindé de son vrai nom Baba Ndiaye est un jeune rappeur sénégalais dont le talent ne laisse personne de marbre. Révélé au grand public en 2014, depuis, il est au pinacle. Des lobbies le soutiennent financièrement ? La réponse Blindé de Ngaaka.
Comment êtes-vous devenus rappeur ?
Disons que c’était ma destinée. A vrai dire, il n’était pas prévu que je fasse de la musique, d’ailleurs je l’ai dit dans l’un de mes morceaux. Quand j’étais plus jeune, je n’avais pas opté pour ça, je me voyais tout faire sauf ça. J’ai découvert la musique à travers « Fou Malade » et « Pacotille » qui n’est plus de ce monde, j’avais bien aimé leur chanson « Thioukouna na Thioukoum » et c’est de là que tout est parti. J’improvisais des freestyles et les gens aimaient bien et c’était plaisant. Par la suite j’ai fait 2 morceaux et le public sénégalais était tombé sous le charme et à partir de ce moment j’ai commencé à faire des plateaux télé, des tournées. C’est venu comme ça et je me suis dit pourquoi ne pas en faire mon métier et y mettre les moyens.
D’où est venu le nom de scène Ngaaka Blindé ?
Dans mon quartier lors des « Navetanes » on organisait des concerts gratuits et un jour il y a eu Fou Malade qui était venu prester avec Pacotille. Quelques temps après, j’ai commencé à le fréquenter lui et d’autres artistes comme Niagass. J’ai beaucoup appris d’eux ailleurs. Et de là je me suis rendu compte que le rap, est une musique qui demande beaucoup d’ouverture. Dans ma tête je me suis dit que j’étais encore jeune, que j’avais l’avenir devant moi, mais aussi beaucoup de chose à apprendre de la vie et c’est comme ça que j’ai choisi ce nom de scène : Ngaaka Blindé. Ngaaka qui reflète un peu Fou malade et blindé comme bataillon blindé. La vérité c’est que c’est Fou Malade lui-même et Bataillon Blindé m’ont inspiré, si j’ai voulu faire du rap c’est en partie grâce à eux. Le nom Ngaaka c’était aussi ma façon à moi d’attirer l’attention des autres, leur montrer que je n’étais pas pétri de connaissance mais que le hip-hop est une musique qui demande beaucoup d’ouverture et de recherches et que je pouvais moi aussi y arriver.
On sait que le rap a beaucoup évolué. Expliquez-nous votre style.
Mon style à moi il est simple, je suis tout simplement moi. Ma particularité à moi c’est que je n’essaye pas d’incarner une personne que je ne suis moi, je reste moi-même, c’est-à-dire vrai, transparent, je ne copie personne. Et je pense que c’est ce qui fait ma différence avec les autres artistes. Ngaaka Blindé c’est le même Baba Ndiaye dans la vraie vie. Il rigole, il est nonchalant, il ne se prend pas la tête et c’est ma façon d’être qui se reflète aussi dans ma musique. Je montre en quelque sorte ma personnalité, ma nature et c’est ce qui fait ma particularité. Ngaaka reste lui-même c’est-à-dire quelqu’un qui ne connait pas encore tout de la vie (rire). Il n’y a pas de grande différence entre le vrai moi et celui que l’on voit à travers l’écran. En gros je ne cherche pas à avoir deux identités.
Vous avez connu des débuts difficiles sachant que vous avez fait la prison ?
C’est un sujet que j’aime bien aborder parce que quoi qu’on puisse dire ça fait partie de moi, c’est mon vécu et je n’ai pas honte d’en parler. Faire de la prison m’a beaucoup appris, pour moi c’est une chose qui devait faire partie de ma vie et j’appellerai ça une mission. La question que je me pose souvent c’est est ce que j’ai déjà commencé ma mission ? J’ai fait une chose qu’il ne fallait pas, je ne dirai pas que je n’étais pas fautif mais plutôt que c’était une erreur. Je l’ai vécu avec beaucoup de philosophie, de croyance et Dieu m’a donné la force de pouvoir surmonter cette étape de ma vie. J’ai eu du soutien de la part de beaucoup de sénégalais, ils ont compatis et ça m’a beaucoup touché. En prison j’y ai rencontré de bonne personne et au final ce n’était pas aussi dur que je m’y attendais. Cette épreuve m’a fait voir une autre perception de la vie et c’est important disons que c’est pour un bien, ça m’a formé. Parce qu’avant la prison c’était une autre version de moi, j’étais jeune, j’avais un peu de succès, je n’arrivais pas à distinguer le bien du mal que soit au niveau des actes ou des fréquentations. Maintenant j’arrive à faire la part des choses savoir qui est véritablement mon ami.
La chanson « King baba » cartonne. Quel est le message qui en découle ?
La musique c’est un art que l’on a du mal à comprendre des fois. Tu peux te donner à fond pour un son, y investir beaucoup de ton temps et de ton énergie pour qu’au final il n’ait pas le succès escompté, tout comme dés fois tu te rends au studio tu fais un freestyle vite fait, limite c’est de l’amusement pour toi et ce dernier fini par faire un tabac énorme. Et je pense que c’est ce qui est arrivé avec King Baba (dit-il le sourire au coin de la lèvre). Et la particularité de ce son je dirai que c’est le « bayefalisme » que j’y ai incarné, le flow, la sonorité musicale locale. Et c’est tout ce package qui a abouti a autant de succès. Avec King Baba on a fait tout notre possible pour le « senegaliser » et je pense que c’est ce qui en a fait un hit, ça a aussi fait son charme, ça s’écoute même à l’international. Les sénégalais adorent le rythme (King Baba, King Baba, ayo, chante-t-il fièrement), disons que c’est du hip-hop qui touche à du Mbalakh. Ce qui est fou avec ce son c’est que c’est écouté par toutes les générations, que ce soit les enfants, les jeunes, les adultes, tout le monde écoute. Et pour être franc, je ne m’attendais ni à autant de succès, ni qu’il serait le hit de l’album Secret7. Pour moi c’était une grande surprise. Et comme j’ai l’habitude de dire « Dama beuri aye fo thi samaye musique», d’ailleurs c’est une chose que l’on m’interdit. Avec « King Baba » je n’y ai pas mis beaucoup d’énergie, je n’ai fait que cumuler les idées, mélangées au beat ça à donner ce résultat. Tous mes morceaux qui sont devenus des hits, ce sont des morceaux où je ne me suis pas beaucoup investi, je ne les ai même pas faits en 2 heures de temps.
On sait qu’il existe des ténors dans ce milieu, pensez-vous faire des duos avec Awadi, Daara J etc. ?
Oui et je pense qu’il est temps (il se répète) ! Avec mon staff nous avons eu à faire des démarches mais ça n’a pas abouti. Mais ce serait un réel plaisir pour moi de collaborer avec les grands artistes qui sait peut être que cela se fera dans mon prochain album.
D’aucuns pensent qu’il y a des lobbies qui vous soutiennent financièrement ? Est-ce le cas ?
(Il se marre). Je définirais les lobbies comme un groupe d’individus qui ont de bonnes intentions par rapport à un travail, qui portent de l’intérêt à ce dernier et qui font en sorte de mettre les moyens afin qu’il y ait un résultat concret. Et si ce n’est que ça alors oui, il y a bel et bien un lobby derrière Ngaaka Blindé et ce n’est autre que mes proches, mon staff. C’est un groupe, une communauté qui est derrière moi, qui me supporte qui se tue tous les jours pour que j’aille de l’avant que ce soit sur le plan moral ou financier ils sont toujours là.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre album « Secret7 » ?
Cet album est mon premier bébé (dit-il tout ému), le premier de ma carrière. Je rends beaucoup grâce à Dieu, car ce dernier a connu beaucoup de succès et c’est une victoire pour moi, une fierté. J’ai fait 7ans de carrière sans album et pourtant j’existe toujours, on parle de moi, je fais des tournées et c’est difficile à croire qu’avant Secret 7 il n’y a pas eu d’album. Cet album comprend 2 volumes mais j’ai décidé de d’abord faire sortir le premier volume, c’était dans un contexte pas favorable (il fait allusion à la Covid-19) mais Dieu merci il a beaucoup plu aux sénégalais. Que ça soit ma communauté, les rappeurs, ma famille, tout le monde était d’accord du succès. Il s’est beaucoup vendu que ça soit sur les plateformes, à l’international entre autres, les thèmes abordés étaient importants et ça a beaucoup plus. Je suis très satisfait de cette album, je ne le dis pas par ego tripe mais c’est un fait, je me suis donné beaucoup de mal avec Secret7 et le résultat ne peut que être plaisant.
Vivez-vous de votre art ?
(Rire) Oui je rends grâce à Dieu (répond-il sans trop vouloir se prononcer sur la question).
Comment avez-vous vécu la pandémie de Covid-19 avec la fermeture des salles de spectacles ?
Pour moi c’est la période où j’ai le plus bossé, j’ai revu la finalité de l’album et c’est sorti le 7 Décembre dernier. Mon staff craignait un peu pour Secret7 parce qu’avec la Covid il y avait des mesures à respecter et ce n’était pas évident. Et dans ma tête je me disais qu’il fallait à tout prix que je le fasse sortir et que les gens « confinés » chez eux pourraient bien écouter et connaitre les messages qui y découlent. Mais heureusement pour moi quand je le faisais sortir l’Etat du Sénégal avait déjà levé l’état d’urgence. Cette période était difficile pour beaucoup d’artistes, mais me concernant ça m’a permis de bien bosser afin de faire plaisir à ma communauté, de me concentrer.
Alors quels sont vos projets ?
Actuellement nous sommes en train de faire des tournées, disons que c’est la suite logique de l’album Secret7. Je fais presque chaque week-end des tournées dans les régions, l’objectif c’est de faire la promotion de l’album. A côté de ça il y a mon label qui travaille sur un projet d’album et nous avons 7 artistes que nous devons promouvoir. Il y a aussi la sortie du volume 2 de Secret7 qui fera sa sortie, nous attendons juste que les sénégalais se lassent du volume 1(rire).
ANNA THIAW