« Il existe un risque sérieux de famine si l’aide n’est pas augmentée ces deux prochains mois » au Tigré en Ethiopie, a averti un haut responsable de l’ONU dans une note mardi au Conseil de sécurité obtenue par l’AFP, en réclamant des mesures urgentes.
« Il est clair que les personnes vivant au Tigré sont désormais confrontées à une insécurité alimentaire considérablement accrue en raison du conflit, et que les parties au conflit limitent l’accès à la nourriture », ajoute le secrétaire général adjoint des Nations unies pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock.
Une résolution de 2018 impose à l’ONU d’alerter le Conseil de sécurité à chaque fois qu’un conflit menace d’entraîner une famine dans une région ou un pays. Plus de six mois après le lancement d’une opération militaire annoncée comme rapide par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, les combats et exactions se poursuivent au Tigré où le spectre d’une famine plane depuis plusieurs mois.
« Des mesures concrètes sont nécessaires de toute urgence pour briser le cercle vicieux entre conflit armé, violence et insécurité alimentaire », souligne dans sa note Mark Lowcock. « J’exhorte les membres du Conseil de sécurité et les autres Etats membres à prendre toutes les mesures possibles pour empêcher une famine de se produire ». Au Tigré, où « la destruction et la violence contre les civils se poursuivent encore aujourd’hui, \_au moins 20% de la population est confrontée aujourd’hui à une insécurité alimentaire urgente »_, précise-t-il.
Au cours des six mois et demi écoulés depuis le début du conflit au Tigré début novembre 2020, environ deux millions de personnes ont été déplacées, des civils ont été tués et blessés. Le viol et les autres formes de violence sexuelle odieuse sont répandus et systématiques. Des infrastructures et des installations publiques et privées indispensables à la survie des civils ont été détruites, notamment des hôpitaux et des terres agricoles », énumère le responsable de l’ONU.
Des estimations considèrent que « plus de 90% des récoltes ont été perdues en raison du pillage, des incendies ou d’autres destructions, et que 80% du bétail de la région a été pillé ou abattu », indique aussi Mark Lowcock. « Malgré des améliorations enregistrées en mars et la coopération des autorités au niveau local, l’accès humanitaire dans son ensemble s’est récemment détérioré », relève-t-il par ailleurs.
Le président américain Joe Biden a lui aussi condamné mercredi des violations des droits humains « inacceptables » au Tigré et a exhorté à un cessez-le-feu immédiat. « Je suis profondément inquiet de l’escalade de la violence et l’approfondissement des fractures régionales et ethniques dans plusieurs régions de l’Ethiopie », a-t-il indiqué dans un communiqué.
Le gouvernement d’Abiy Ahmed s’est dit de son côté déterminé à enquêter sur ces violations des droits humains dans la région et a affirmé à plusieurs reprises avoir donné un accès « entier et sans entrave » aux travailleurs humanitaires.
Dans une série de messages postés sur Twitter mardi soir, le ministère éthiopien des Affaires étrangères a accusé le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) – qui dirigeait la région avant d’être renversé par l’armée fédérale – de contribuer à empêcher l’aide humanitaire de se déployer.Les « derniers éléments » de ce groupe ont « tué des travailleurs humanitaires, des chauffeurs de poids-lourds et pillé des biens alimentaires et non-alimentaires qui étaient sur le point d’être distribués aux populations dans le besoin », accuse le ministère.